Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 7 octobre 2015 à 16h15
Commission des affaires sociales

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Madame la présidente, soyez assurée de la mobilisation totale de mes services pour répondre à vos interrogations et à vos préoccupations.

L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 survient à un moment symbolique, celui du soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale. C'est pour nous l'occasion de montrer notre attachement à une politique qui vise à la fois à consolider et à moderniser les droits sociaux de nos concitoyens.

Les résultats sont là. Mais puisque nous avons tendance à ne voir que le rééquilibrage financier de la sécurité sociale, j'insisterai sur un autre chiffre, celui du reste à charge des Français en matière de santé, qui diminue régulièrement depuis 2012. Après avoir augmenté entre 2007 et 2012, il est passé de 9,1 % en 2011 à 8,5 % en 2014. C'est un engagement fort pour le Gouvernement.

Je veux revenir sur cinq avancées majeures.

La première vise à marquer l'aboutissement d'un engagement pris en 1945 : l'instauration d'une véritable la protection universelle maladie.

Chaque année, plusieurs millions de Français doivent engager des démarches administratives pour faire valoir leurs droits à l'assurance maladie, lorsqu'ils changent de situation professionnelle, de situation familiale ou de domicile. Cette rupture n'est pas acceptable.

Il ne s'agit pas de créer un nouveau droit, puisque depuis la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU), tous les Français et tous ceux qui résident régulièrement sur notre territoire peuvent bénéficier d'une couverture maladie. En revanche, les changements de situation pouvaient y faire obstacle.

La protection universelle maladie sera instaurée dès 2016. Concrètement, les conditions requises pour ouvrir droit à remboursement seront simplifiées ; mais surtout, les droits seront désormais servis à chaque assuré individuellement. Chaque Français, chaque personne en situation régulière sur notre territoire aura ses propres droits. Il n'y aura donc plus d'ayants droit. C'est la fin d'un système auquel nous étions habitués. C'est là un changement très important : désormais, nous serons individuellement et personnellement porteurs de nos droits.

La carte Vitale aura potentiellement vocation à durer toute la vie de l'assuré. Elle sera proposée dès l'âge de douze ans, ce qui simplifiera l'accès aux soins des enfants : par exemple, des enfants éloignés de leurs parents pour les vacances, en colonie de vacances ou chez leurs grands-parents ; des enfants de famille recomposée qui peuvent tomber malades alors qu'ils sont chez le parent qui n'est pas porteur de leurs droits.

Nous tirons les conséquences de cette réforme majeure sur son financement. Les cotisations minimales maladie que doivent aujourd'hui acquitter les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles seront supprimées. Il s'agit d'un allégement qui concernera de très nombreux travailleurs dégageant de très faibles revenus de leur activité.

Cela permet, à prélèvement inchangé, de relever la cotisation minimale vieillesse des travailleurs indépendants de façon à leur garantir que ces travailleurs valident au moins trois trimestres de retraite par année travaillée, même dans les mauvaises années. Je rappelle qu'il y a encore deux ans, un travailleur indépendant connaissant une mauvaise année ne pouvait valider qu'un seul trimestre avec certitude.

Certains annoncent le grand soir de la protection sociale des indépendants… après avoir provoqué les dégâts que l'on connaît au moment de la mise en place du régime social des indépendants (RSI). Nous aurons quant à nous oeuvré très concrètement, depuis trois ans, pour offrir aux indépendants une protection sociale renforcée, et plus juste avec des prélèvements qui auront baissé de façon très significative, pour les 70 % d'entre eux qui ont les revenus les moins élevés. J'ai la conviction que le niveau de la couverture sociale des travailleurs indépendants constitue un enjeu d'avenir, alors que les mutations de l'économie peuvent conduire davantage de personnes précaires à travailler dans ce cadre.

La deuxième avancée qui figure dans ce texte est la généralisation de l'accès à une complémentaire santé de qualité pour des catégories de la population en butte à des difficultés.

Il s'agit d'abord de favoriser la complémentaire santé des travailleurs précaires. Vous le savez, à partir du 1er janvier 2016, les employeurs devront apporter une complémentaire santé à leurs salariés. Néanmoins, les salariés qui se trouvent en contrat à durée déterminée très court, ou qui travaillent simultanément chez plusieurs employeurs, pourraient rencontrer des difficultés. C'est pour cela qu'une aide individuelle destinée à faciliter l'acquisition d'une complémentaire santé leur sera versée par leur(s) employeur(s).

Ensuite, nous voulons favoriser l'accès à une complémentaire santé pour les personnes retraitées et celles de plus de soixante-cinq ans, retraitées ou non, qui, avançant en âge, sont confrontées à une hausse du coût de leur complémentaire santé. Deux mesures viennent concrétiser cet engagement de solidarité :

La première consiste à réaménager le dispositif issu de la loi Évin de 1989, qui permet à un ancien salarié de garder la complémentaire santé qu'il avait dans le cadre de son entreprise. Concrètement, après une première année pendant laquelle les salariés auront le droit de conserver cette complémentaire santé à un tarif identique à celui qu'ils avaient en entreprise, le plafond évoluera progressivement, jusqu'à atteindre 150 % du coût qui était payé à l'intérieur de l'entreprise. Le recours à ce dispositif étant trop limité, nous le rendons plus attractif.

Deuxième avancée majeure : la mise en place d'une sélection non fermée de contrats de complémentaire santé par mise en concurrence des contrats, qui permettra aux plus de soixante ans de bénéficier d'une complémentaire moins chère ou apportant de meilleures garanties.

Troisième engagement fort de ce projet de loi, la lutte contre les inégalités de santé dans nos territoires en renforçant la prévention et l'accès aux soins de premier recours.

Nous lançons notamment une expérimentation fondée sur le repérage, par le médecin traitant, d'un risque d'obésité chez les enfants de trois à huit ans et la prise en charge financière de bilans d'activité physique et de l'intervention de diététiciens et de psychologues. Dans le même temps, nous renforçons – dans le prolongement de ce que nous avons déjà engagé – l'accès des mineures à la contraception. La consultation de la prescription et les analyses biologiques liées seront désormais prises en charge à 100 % et dans des conditions de totale confidentialité. Enfin, je l'ai annoncé la semaine dernière à l'occasion du lancement de la campagne « Octobre rose », nous étendons la prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein aux examens supplémentaires pratiqués sur les femmes présentant un risque particulièrement élevé, plus élevé que celui qui justifie la campagne classique d'une mammographie tous les deux ans.

Enfin, toujours en matière de parcours de soins, ce PLFSS prévoit d'accélérer le virage ambulatoire et d'améliorer l'accès aux soins. Concrètement, nous confortons le modèle retenu dans certaines régions pour financer la permanence des soins ambulatoires (PDSA). En outre, nous renforçons le développement de l'offre de soins visuels sans dépassements d'honoraires, en soutenant la modernisation des cabinets d'ophtalmologistes et à la mise en place de binômes entre orthoptiste et ophtalmologiste.

Quatrième avancée de ce PLFSS : la généralisation de la garantie des impayés de pension alimentaire.

Nous avons engagé une expérimentation qui permet de garantir une pension alimentaire minimale de 100 euros par enfant, et nous généralisons ce dispositif qui s'adresse aux parents – dans la pratique, aux femmes seules avec enfants – dont l'ex-conjoint ne verse pas ou verse de manière irrégulière la pension alimentaire qu'il doit. C'est la caisse d'allocations familiales qui versera désormais la pension alimentaire et se retournera ensuite contre l'autre parent défaillant pour obtenir le paiement des sommes dues.

Cinquième avancée, ce texte marque, en cohérence avec la loi d'adaptation de la société au vieillissement, un engagement fort en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, lequel se traduit par une augmentation des moyens médico-sociaux de 405 millions d'euros. Cela permettra de créer de nouvelles places d'accueil : c'est l'engagement que nous avons pris dans le plan « autisme » et le plan « maladies neurodégénératives ». Cela permettra aussi de poursuivre la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Parallèlement, depuis 2012, nous avons fait progresser les droits sociaux des Français, tout en parvenant à réduire très fortement les déficits. Le PLFSS pour 2016 marque une nouvelle étape du redressement des comptes.

Entre 2011 et 2015, le déficit du régime général et du FSV aura diminué de plus de 8 milliards d'euros. Si la conjoncture économique a pu ralentir le rythme, la direction est restée la bonne et les résultats sont là : le déficit a été réduit de 40 %. Nous pouvons en être fiers puisque, dans le même temps, nous avons su maîtriser les dépenses, en particulier en matière de santé, alors même que des dépenses inattendues se sont présentées – par exemple d'importantes dépenses liées aux traitements innovants de l'hépatite C. Malgré cela, l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie (ONDAM) a été systématiquement respecté. En 2015, dans des conditions de maîtrise renforcée des dépenses et de développement des traitements innovants de l'hépatite C, l'ONDAM sera à nouveau tenu.

Cette dynamique sera poursuivie en 2016. Nous devrions ramener le déficit du régime général et du FSV sous la barre des 10 milliards d'euros. Pour la première fois depuis 2005, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) devrait revenir à l'équilibre. J'imagine que chacun ici s'en réjouira, car c'est un signe de confiance à adresser à nos concitoyens. Et je ne vois pas l'intérêt qu'il y a à inquiéter les Français en matière de retraite, notamment à un moment où reprennent des négociations difficiles et décisives entre les partenaires sociaux sur les régimes complémentaires.

Comment parviendrons-nous à maîtriser les dépenses en matière de santé ? En poursuivant le travail entamé depuis 2012, c'est-à-dire en ayant le courage d'engager des réformes structurelles, sans jamais recourir aux franchises et aux déremboursements. Pour 2016, nous avons défini une progression de l'ONDAM de 1,75 %, qui représente un effort de 3,4 milliards d'euros, contre 3,2 milliards en 2015. Nous y parviendrons en mobilisant les quatre axes structurants qui nous permettent déjà de tenir le cap depuis 2012.

Premier axe : lutter contre le gaspillage en évitant les actes inutiles ou redondants : examens pré-anesthésiques, examens biologiques, recours aux transports sanitaires. Nous espérons ainsi dégager en 2016, comme en 2015, 1,2 milliard d'euros d'économies.

Deuxième axe : faire baisser les prix des produits de santé et développer les génériques. L'an dernier, nous avons pris l'engagement de stabiliser les dépenses de médicaments remboursés entre 2015 et 2017. Dans ce cadre, nous trouverons les ressources pour développer des traitements innovants et les rendre accessibles à tous les patients.

Pour cela, nous reconduirons en 2016 les dispositifs de régulation des prix adoptés l'an dernier : la clause de sauvegarde permanente, le taux L, et le mécanisme de régulation spécifique aux traitements de l'hépatite C, le taux K. Nous poursuivrons aussi le recours aux génériques. Les médecins, en ville comme à l'hôpital, seront davantage incités à les prescrire, et une campagne de communication sera lancée dans le courant du premier semestre 2016 pour sensibiliser les Français à l'intérêt de ces médicaments. Grâce aux baisses de prix et au développement des génériques, nous attendons 1 milliard d'euros d'économies en 2016, ce qui est proche des économies réalisées l'an dernier.

Troisième axe : accroître l'efficience de la dépense hospitalière grâce aux économies d'échelle. Cette dynamique a été engagée il y a plusieurs années et je veux souligner que, contrairement à ce que l'on entend parfois, les professionnels et les hôpitaux ont engagé un effort sans précédent de réorganisation de leurs pratiques et de leurs structures.

Le projet de loi de modernisation de notre système de santé prévoit, avec les groupements hospitaliers de territoires, de doter les hôpitaux d'outils nouveaux pour accompagner ces évolutions. 700 millions d'euros sont attendus à ce titre en 2016, contre 500 millions d'euros l'an dernier.

Ces économies permettent de maîtriser l'évolution de l'ONDAM hospitalier. Pour la première fois depuis plusieurs années, l'évolution de l'ONDAM hospitalier sera en ligne avec l'évolution de l'ONDAM général, à 1,75 %. Les ressources dédiées à la prise en charge à l'hôpital des personnes précaires seront sensiblement renforcées en 2016, en particulier pour les établissements les plus mobilisés dans ce domaine.

Enfin, je veux dire que la transformation de l'hôpital passe aussi par une réforme profonde de son financement. Cette réforme a été engagée dès 2012, avec des dispositifs de soutien aux activités isolées ou la mise en oeuvre d'un financement à la qualité. Je poursuis cette dynamique dans ce PLFSS, avec la mise en place d'un modèle de financement innovant pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) : la dotation modulée à l'activité. Concrètement, il s'agit de mettre définitivement un terme au « tout T2A » en instaurant davantage de dotation dans les financements pour plus de stabilité.

Le quatrième et dernier axe structurant pour l'assurance maladie consiste à favoriser le virage ambulatoire.

L'innovation permet aujourd'hui de progresser très rapidement dans ce domaine, et aux patients de rester plus longtemps chez eux auprès de leurs proches. Nous avons déjà beaucoup avancé : le taux de chirurgie ambulatoire est passé à 45 % en 2014, contre 40,8 % en 2012. L'objectif d'une intervention chirurgicale sur deux en ambulatoire est en donc en passe d'être atteint.

Nous continuons à soutenir les soins de ville : les ressources effectivement allouées aux soins de ville – et qui montrent notre engagement en faveur du virage ambulatoire – progresseront de 2 %. C'est une progression nettement supérieure à celle de l'ONDAM global, qui témoigne de notre volonté de réorienter notre système de santé.

Nous prévoyons 500 millions d'euros d'économies liées au virage ambulatoire en 2016. C'est un peu plus que les 400 millions d'euros réalisés en 2015.

Mesdames et messieurs les députés, dans les prochaines semaines, vous examinerez ce PLFSS qui, dans la ligne des précédents, est tout à la fois un texte de redressement, de protection et de justice.

Mesdames et messieurs, je vous remercie par avance pour tout l'engagement dont vous ferez preuve lors des prochaines semaines. Je sais que l'examen de projet de loi représente pour chacune et chacun de vous un énorme travail, et je m'engage, madame la présidente, je m'engage à tout faire pour qu'il se déroule dans les meilleures conditions possibles.

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