Intervention de Brigitte Allain

Réunion du 7 octobre 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain :

Je remercie, à mon tour, les rapporteurs que je sais très investis dans ces problématiques à la fois complexes et passionnantes. Le rapport présenté aujourd'hui établit un constat décourageant : la campagne des négociations commerciales de 2015 n'a pas été plus sereine que les précédentes ; elle a même été pire, se déroulant dans un contexte de guerre ouverte des prix et de crise de l'élevage. Avec la fin des quotas laitiers et les accords de libre-échange, les agriculteurs ne sont pas en position de force, bien au contraire. Je déplore que le récent plan d'aide à l'élevage ne comporte aucune mesure structurelle qui permettrait de mettre un terme à l'infernale spirale productiviste. Aussi, les forces demeureront-elles durablement déséquilibrées. Le système de négociation commerciale et la multiplication du nombre des intermédiaires ont montré leurs limites ; sans réels changements, la loi rencontre également les siennes.

Le groupe Écologiste, fortement mobilisé, avait fait de nombreuses propositions en rapport avec la révision de la LME, relatives à la transparence et l'équilibre des rémunérations dans la chaîne des valeurs. Il faut toujours conserver à l'esprit que les agriculteurs sont la partie faible de la négociation commerciale : sur un produit vendu 100 euros au consommateur, le producteur n'en gagne que 7. Certaines de nos propositions avaient été acceptées, mais pas celle consistant à faire fournir par l'Observatoire des prix et des marges une assistance technique aux agriculteurs dans la formation de leurs prix. Avec le médiateur des négociations commerciales agricole, nous proposions l'institution d'un observatoire aux missions renforcées, garant de relations commerciales plus équilibrées. Quel est, en fait, le rôle de cette instance ? Et que savez-vous de son efficacité ?

Nous faisons le même constat que vous : il est temps de changer les pratiques et les mentalités afin d'arrêter les faillites organisées. Je suis favorable au déploiement des labels, de la médiation et du champ de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, mais, contrairement à vous, je ne pense pas que l'on puisse attendre une véritable amélioration du comportement à modèle constant. Nos aménagements urbains favorisant la concentration commerciale, faisant de la consommation et de la croissance une finalité, induisent de fait une soumission des producteurs et transformateurs aux distributeurs. L'incitation à l'ouverture le dimanche de la loi Macron, par exemple, accentue cette concurrence toujours plus forte et ne contribuera en rien à apaiser les relations commerciales. Nous pouvons réellement soutenir nos productions de qualité, l'emploi et le revenu des agriculteurs dans les territoires par des schémas alimentaires équilibrant l'offre et la demande, de façon à placer le commerce à égalité avec la transformation et la production. Dans un modèle d'offre alimentaire territorialisée, les distributeurs et les supermarchés ont aussi leur place, à condition d'abandonner leurs pratiques de concurrence déloyale au profit d'une politique de commerce équitable. Pour cela, seule une législation permettant de définir des politiques de régulation régionale des productions peut infléchir l'orientation libérale dans laquelle l'Europe s'est engouffrée. Le chantier est vaste, j'en conviens, mais il s'agit de choix politiques, mes chers collègues. Et les accords transatlantiques actuellement en débat nous trouverons encore mobilisés pour nous y opposer : ils ne sont pas inéluctables !

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