Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Réunion du 1er octobre 2015 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier, rapporteure :

L'idée peut paraître séduisante de prime abord, mais elle aboutirait à faire disparaître, dans les faits, la commission de déontologie: si nous confions les déclarations d'intérêts à la Haute Autorité, pourquoi ne pas lui confier aussi le contrôle des départs dans le secteur privé ainsi que celui des cumuls d'activités ?

Cela viderait de son contenu une bonne partie de la réforme, qui consiste à faire en sorte que la commission de déontologiemérite véritablement son nom. Alors que cette commission ne s'occupe aujourd'hui que des départs dans le secteur privé et des cumuls d'activités, le projet de loi tend à en faire l'organe de référence pour l'application à la fonction publique des règles que nous définissons aujourd'hui : les grands principes déontologiques applicables aux fonctionnaires, la prévention des conflits d'intérêts et la protection des lanceurs d'alerte. La commission de déontologie sera compétente sur tous ces points : elle pourra donner son avis sur les textes réglementaires, les chartes et codes de déontologie, et pourra aussi se prononcer sur des situations individuelles. Il est donc parfaitement logique que ce soit elle qui examine les déclarations d'intérêts, sur saisine de l'autorité hiérarchique.

De surcroît, cet amendement ne donnerait à la Haute Autorité aucun pouvoir de contrôle particulier. Or, on voit mal pourquoi une même institution ne disposerait pas des mêmes pouvoirs en fonction de la qualité des personnes qu'elle contrôle. Le contrôle des déclarations de patrimoine et des mandats de gestion financière est manifestement un autre métier, et nous pouvons nous féliciter que la lettre rectificative de juin dernier ait confié en la matière un véritable bloc de compétence à la Haute Autorité.

L'amendement vise également à ce que les agents tenus de déclarer leur patrimoine soient les mêmes que ceux tenus de déclarer leurs intérêts. Cette logique peut se défendre ; elle a d'ailleurs été suivie dans les lois d'octobre 2013 sur la transparence de la vie publique. Mais, s'agissant des fonctionnaires, le choix du Gouvernement, que je partage, est au contraire de découpler les deux obligations même si, dans les deux cas, la formulation du renvoi au décret en Conseil d'État est la même : il s'agit des emplois « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifie ». Le périmètre des agents qui devront déclarer leur patrimoine devrait être plus restreint que celui des agents tenus de déclarer leurs intérêts. Autant l'objectif de prévention des conflits d'intérêts mérite d'être très largement partagé et diffusé au sein de la fonction publique, autant les possibilités d'enrichissement illicite et les risques de corruption concernent une fraction plus limitée d'agents publics − soit en raison de leur place dans la hiérarchie, soit en raison de certaines fonctions particulièrement exposées.

Peut-être Mme la ministre pourra-t-elle vous en dire davantage sur ce sujet. Pour ma part, j'émets un avis défavorable à l'amendement.

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