Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 1er octobre 2015 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la fonction publique :

En 2013, après plusieurs séances de discussion avec mes collègues du Gouvernement, nous avons décidé d'établir une séparation nette entre ce qui concernait les élus de la République et ce qui concernait les fonctionnaires, en leur consacrant deux textes différents : d'une part, la loi relative à la transparence de la vie publique, qui a déjà été adoptée ; d'autre part, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, que je vous présente aujourd'hui. Soyez assuré, monsieur le Président, que, tenant compte de vos déclarations, nous avons fait le maximum pour qu'il y ait un nombre minime d'amendements du Gouvernement déposés tardivement.

Le 17 juin dernier, j'ai déposé sur le Bureau de votre assemblée une lettre rectificative au projet de loi, dont le nombre d'articles est ainsi passé de cinquante-neuf à vingt-cinq, beaucoup de dispositions pouvant être prises par ordonnances.

Plus de trente ans après la « loi Le Pors » du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, notre objectif est de réaffirmer les valeurs qui guident l'action publique, ce qui me paraît particulièrement opportun dans la période que nous vivons. Il s'agit d'abord de renforcer la place des valeurs de la fonction publique et les dispositifs applicables en matière de déontologie : c'est le titre Ier. Il s'agit ensuite d'actualiser les obligations et les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires : c'est le titre II. Il s'agit enfin d'inscrire dans le statut général les premiers acquis de l'action du Gouvernement en faveur de l'exemplarité des employeurs publics : c'est le titre III.

Nous avons à réaffirmer les principes fondamentaux du statut général des fonctionnaires, texte peu connu sur lequel l'attention sera attirée à la faveur de ce projet de loi. L'article 1er pose les obligations de dignité – notion sur laquelle nous avons eu de très longues discussions avec les organisations syndicales –, d'impartialité, d'intégrité et de probité auxquelles doit répondre tout agent public. Il rappelle le respect du principe de laïcité, ce qui a semblé particulièrement important au Président de la République, au Premier ministre et à moi-même dans la période que nous connaissons. Cela implique que le fonctionnaire ne doit pas manifester son opinion religieuse dans l'exercice de ses fonctions. Nous avons discuté non seulement avec l'ensemble des représentants des fonctionnaires, mais aussi avec l'ensemble des autorités religieuses et philosophiques, pour nous accorder sur ce qu'implique l'application de ce principe, en particulier l'égalité de traitement pour toutes les personnes dans leur liberté de conscience et leur dignité.

Le projet de loi tend à renforcer certains droits des fonctionnaires. Il étend ainsi la protection fonctionnelle à tous les agents faisant l'objet de condamnations civiles ou de poursuites pénales en relation avec l'exercice de leurs fonctions, ainsi qu'à leurs familles. Rappelons ici que ce qui a motivé notre décision est un cas dramatique, lourd de conséquences en termes humains et financiers.

Le texte améliore la protection des lanceurs d'alerte.

Il instaure une limitation à trois ans du délai de prescription de l'action disciplinaire qui vise à éviter que ne traînent en longueur les dossiers de ce type.

Il comporte une modernisation des garanties disciplinaires et, en cas de poursuites pénales, le reclassement provisoire des agents placés sous contrôle judiciaire – question délicate qui passionne beaucoup de juristes.

Ces droits sont assortis d'obligations nouvelles.

Afin d'améliorer la prévention des conflits d'intérêts, le texte renforce les contrôles avant nomination – la liste des emplois concernés fera l'objet d'un décret en Conseil d'État – impose des obligations déclaratives – transmission préalable d'une déclaration d'intérêts et d'une déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) – ainsi que l'obligation de gestion du patrimoine par un tiers.

Il procède, en outre, à une réforme des règles de cumul d'activités : interdiction du cumul de plusieurs emplois permanents – point sur lequel plusieurs d'entre vous nous ont aidé à progresser, même si nous ne sommes pas allés aussi loin que certains le souhaitent – ; resserrement des possibilités de cumuler son emploi avec la création ou la reprise d'une entreprise – sujet hautement délicat qui concerne le temps de travail – ; encadrement des activités accessoires et obligation pour l'agent à temps non complet d'établir une déclaration relative à son activité privée et de la transmettre à la commission de déontologie de la fonction publique (CDFP).

La commission de déontologie est renforcée par un pouvoir d'enquête et d'investigation, par la création de référents déontologues vers lesquels tous les fonctionnaires pourront se tourner et par une meilleure articulation de ses compétences avec celles de la HATVP, sujet délicat sur lequel nous reviendrons.

Enfin, il est procédé à une amélioration et une clarification des droits des agents contractuels : clarification des règles de calcul de l'ancienneté, enjeu important compte tenu de la forte proportion de contractuels – près de 30 % – dans l'ensemble de la fonction publique ; meilleure prise en compte de l'ancienneté pour bénéficier d'un contrat à durée indéterminée (CDI) ; titularisation ou transformation en CDI pour les agents occupant des postes permanents nécessitant des qualifications spécifiques auxquelles aucun corps de fonctionnaires ne répond.

J'en viens aux amendements du Gouvernement, Monsieur le Président. Cinq d'entre eux prennent directement en compte les avancées de l'agenda social : prorogation des dispositifs de titularisation institués par le ministre François Sauvadet – ce qui renvoie à ma remarque sur le nombre de contractuels, que beaucoup jugent excessif – ; généralisation de l'expérimentation du primo-recrutement en CDI ; amélioration de la carrière des représentants syndicaux, qui fait l'objet de deux amendements traduisant les avancées intervenues dans les négociations depuis 2013 ; clarification des règles de validité des accords, sujet également d'une actualité brûlante…

Une partie du projet de loi procède de la décision du Premier ministre d'appliquer le protocole que j'ai eu l'honneur de discuter avec l'ensemble des organisations syndicales – le texte n'ayant pas obtenu la majorité, il ne s'agit pas d'un accord. Les points qui ont réuni une quasi-unanimité sont ainsi inscrits dans le texte : mobilité, commissions, transformation des primes en points – laquelle constitue un premier pas vers un transfert de l'indemnitaire sur l'indiciaire, qui est une très ancienne revendication des fonctionnaires.

La loi, une fois votée, donnera lieu à de nombreux décrets relatifs aux modifications des statuts des corps concernés, aux carrières et aux indices.

Je vous remercie, monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, pour votre attention.

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