Intervention de Michel Sapin

Réunion du 30 septembre 2015 à 11h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

Plusieurs questions ont porté sur les fondements de la construction de ce projet de budget, à savoir la croissance, l'inflation ou les taux d'intérêt.

Monsieur de Courson, je ne comprends pas votre affirmation selon laquelle l'hypothèse de croissance en volume serait passée de 1,3 à 1,5 %. Vous avez voté l'an dernier dans le cadre de la programmation pluriannuelle une hypothèse de 1 % pour 2015 et de 1,5 % pour 2016. Cette hypothèse a été maintenue tout au long de l'année en dépit de nombreux avis convergents anticipant un taux plus élevé. Nous n'avons jamais souhaité réviser à la hausse notre prévision car nous considérons que le meilleur moyen de travailler en sécurité est de s'appuyer sur une hypothèse de croissance dans le bas de la fourchette. Avec 1,5 %, compte tenu de la révision à la baisse de toutes les hypothèses de croissance, nous nous situons désormais dans le milieu de la fourchette et nous sommes conformes au consensus des économistes. Nous attendons les prévisions de la Commission européenne mais je serais étonné qu'elles soient inférieures à 1,5 %.

J'aimerais que nous parvenions à clore ce débat sur la croissance. Quand j'étais dans l'opposition, il m'arrivait de critiquer l'insincérité du budget qui se vérifiait lors de son exécution. Cette fois-ci, nous travaillons sur des hypothèses de croissance que certains qualifient de peu volontaristes. Mais le volontarisme consiste précisément à faire mieux que les hypothèses du projet de budget. Je suis persuadé que nous ferons plus que 1 % cette année et je pense que nous avons les moyens de faire plus l'année prochaine, en dépit d'un contexte international très mouvant. Les inquiétudes, qui se portaient sur la Grèce et auxquelles nous avons apporté de bonnes réponses, se sont orientées vers la Chine. De retour d'un déplacement en Chine, je n'ai pas le sentiment que les entreprises françaises qui y sont implantées s'inquiètent ; la progression du PIB reste considérable ; un pays ne peut pas continuer avec une croissance à deux chiffres. La réorientation de la Chine vers son marché intérieur me semble être plutôt une bonne nouvelle pour l'équilibre économique mondial.

Notre hypothèse de croissance est solide et sereine. Nous pourrons en reparler avec la même sérénité dans quelques mois.

La question de l'inflation, qui préoccupe également le Haut Conseil des finances publiques, nous a déjà obligés à proposer des mesures d'économies supplémentaires pour compenser les conséquences de la faible inflation sur les économies prévues.

J'ajoute que si l'inflation est plus faible que prévu, le pouvoir d'achat des ministères augmente, ce qui nous donne des arguments pour trouver les économies nécessaires pour atteindre nos objectifs.

La BCE mène une politique – je ne suis pas sûr que nombreux soient ceux ici qui la contestent – dont le but est de parvenir à un taux d'inflation avoisinant 2 %. Elle se fixe l'objectif d'un taux de 1 % pour l'année prochaine. Je ne vais pas vous dire que je désapprouve la volonté exprimée par la BCE. Le taux de 1 % qu'affiche le PLF est donc cohérent avec la politique menée par la banque centrale. Sans l'intervention de la banque centrale à mi-année, je ne sais pas où nous serions aujourd'hui. Si la valeur dépréciée de l'euro par rapport au dollar profite à l'économie européenne, si les taux d'intérêt sont aussi faibles, c'est grâce à l'action de la BCE pour atteindre ces objectifs, parmi lesquels une remontée légère de l'inflation.

S'agissant des taux d'intérêt, préoccupation légitime, on nous avait assuré que toutes nos hypothèses étaient caduques puisque les taux étaient en train de remonter. Hier soir, les taux s'établissaient à 0,91 %. Nous sommes en ligne avec notre hypothèse, que nous avions révisée à la baisse, de 1,4 % pour 2015. Je pense que nous serons un peu en dessous et que nous engrangerons donc quelques économies. Pour l'année prochaine, notre prévision est fixée à 2,4 %, soit un point de plus, ce qui me paraît très prudent. Nous n'avons pas cherché à afficher par ce biais-là des économies qui seraient factices.

L'Agence France Trésor vient d'indiquer aux marchés – c'est une bonne manière de procéder – son programme d'emprunt pour l'année prochaine qui s'élève à 187 milliards d'euros. Sur ce montant, 127 milliards correspondent au refinancement de la dette passée, dette contractée il y a sept ans alors que les taux d'intérêt étaient largement supérieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui. Nous en tirons une économie réelle et durable – le taux est fixé pour une durée de six à huit ans –, une économie structurelle, pour reprendre le qualificatif cher à certains.

Les hypothèses de taux d'intérêt sont extrêmement sages. J'espère qu'elles nous permettront de constater l'année prochaine des économies réelles sur ce chapitre.

Au sujet des impôts, faites attention à ne pas vous abreuver à une seule source, celle d'un ancien Président de la République dans Les Échos ce matin.

Je vous fais part de quelques chiffres. Entre 2011 et 2013, le montant des charges supplémentaires pour les entreprises s'est élevé à 34 milliards d'euros – 16 milliards entre 2011 et 2012 ; 18 milliards entre 2012 et 2013. Grâce au CICE et au pacte de responsabilité, les entreprises bénéficient, par rapport à 2013, de 24 milliards de baisse cumulée en 2015 et de 33 milliards en 2016. Avec cette baisse de 33 milliards en trois ans, nous aurons en quelque sorte effacé les charges nouvelles que vous et nous avons créées. Il était certainement légitime de mettre en oeuvre ces mesures afin de lutter contre le déficit. Mais que les choses soient claires : aujourd'hui, nous sommes ceux qui redonnent aux entreprises les marges que nous et vous leur avions ôtées. Je conteste les simplifications qui me paraissent contraires à la vérité.

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