Intervention de Christian Eckert

Réunion du 30 septembre 2015 à 11h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget :

Je voudrais tout d'abord souligner une bonne nouvelle qui est passée inaperçue : l'INSEE a récemment réévalué à la baisse le déficit public de 2014, qui s'établit désormais à 3,9 % du PIB. Pour la première fois depuis 2008, le déficit public est constaté à un niveau inférieur à 4 %.

Ce rapide retour en arrière étant fait, j'en viens au budget que le Gouvernement vous propose pour 2016. Ce budget maintient le cap : le déficit public se réduit comme prévu, et même plus vite que prévu, et les baisses de prélèvements annoncées sont mises en oeuvre. Pour financer ces mesures, nous vous proposons un nouvel ensemble d'économies, conformément à ce qui était prévu dans le plan d'économies de 50 milliards d'euros présenté en 2014 et actualisé lors du dernier programme de stabilité. Ces économies concernent non seulement l'État et les collectivités locales, mais aussi la sécurité sociale, dont Marisol Touraine et moi-même avons présenté le projet de loi de financement devant la Commission des comptes de la sécurité sociale le 24 septembre dernier.

Les bons résultats obtenus depuis un an confortent notre politique ; ils la rendent crédible. En 2014, je le répète, le déficit public a été nettement moins élevé que prévu, puisqu'il s'élève à 3,9 %, contre 4,1 % en 2013, et la dépense publique a progressé à un rythme, historiquement bas, de 0,9 % en valeur. J'observe d'ailleurs que le Haut Conseil des finances publiques indique lui-même, dans son avis, que « ces dernières années, les efforts de maîtrise de la dépense publique ont été sensibles ».

Pour 2015, la prévision de déficit public, qui était de 4,1 % en loi de finances initiale, a été ramenée, au mois d'avril, à 3,8 %. Je précise que toutes les informations disponibles confortent cette prévision. Par conséquent, ceux qui prétendent que les recettes manqueront par milliards, voire par dizaines de milliards – c'est vous que je vise, monsieur le président –, se trompent ! Je vous donne rendez-vous lors de l'examen du projet de loi de règlement : l'objectif de 3,8 % sera respecté.

Enfin, le déficit de l'État pour 2015 est revu à la baisse : il est réduit de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision initiale. Je vous avais du reste signalé cette amélioration lors du débat d'orientation des finances publiques. En effet, les recettes fiscales enregistrent une légère plus-value, de 100 millions d'euros, par rapport au programme de stabilité et les dépenses sont nettement moins élevées que prévu. Il n'y a donc aucune alerte sur le budget de l'État, contrairement à ce que certains ont pu dire tout au long du premier semestre. Au contraire, pour la première fois depuis 2011, le déficit de l'État est inférieur en exécution à la prévision de la loi de finances initiale – je précise qu'à l'époque, il atteignait 90,7 milliards d'euros. Notre politique budgétaire et fiscale est donc stable, prévisible et crédible.

Cette crédibilité repose sur le respect d'un principe : pas de dépense nouvelle sans une économie pour la financer. Ce principe, nous l'avons respecté dans le cadre de la construction du budget et nous le respecterons durant la discussion parlementaire. Il est exigeant, mais il n'entrave pas notre action, loin de là. En effet, au cours des derniers mois, le Gouvernement a dû faire face à de nombreux événements imprévus, souvent tragiques, qui appelaient une réponse de la puissance publique et la mobilisation de ressources nouvelles. À chaque fois, nous avons engagé les dépenses requises et réalisé les économies nécessaires pour les financer.

Je prendrai trois exemples.

Les événements de janvier nous ont conduits à renforcer considérablement les moyens consacrés à la sécurité des Français. Ces dépenses nouvelles ont un impact tant sur l'année 2015 que sur l'année 2016. Pour 2015, nous les avons financées par les annulations de crédits prévues dans le décret d'avance du 9 avril et par des mises en réserve complémentaires de crédits. Pour 2016, ces dépenses, en particulier la hausse de 600 millions d'euros du budget de la défense liée à la révision de la programmation militaire, ont été intégrées à la construction du budget, et elles sont prises en compte dans la baisse de 1,3 milliard d'euros des dépenses de l'État par rapport à la loi de programmation.

Plus récemment, le Gouvernement a dû réagir à deux crises d'importance. Pour répondre à la crise agricole, des dépenses nouvelles seront engagées dès 2015, dans le collectif de fin d'année, pour un montant de l'ordre d'une centaine de millions d'euros ; le Gouvernement vous proposera, dans le même temps, des annulations de crédits sur d'autres ministères pour compenser strictement ces dépenses. En ce qui concerne l'accueil des migrants, une adaptation du projet de loi de finances, strictement gagée, vous sera proposée au cours du débat pour intégrer les décisions les plus récentes, qui ne pouvaient pas être toutes prises en compte dans la construction budgétaire.

Ces exemples illustrent le fait que la discipline budgétaire conduit à se poser systématiquement la question du financement des actions menées. Pour financer ces dépenses nouvelles et réduire le déficit, nous engageons, en 2016, la deuxième tranche du plan d'économies de 50 milliards d'euros. Ce projet de loi de finances comporte ainsi de nouvelles économies.

S'agissant de l'État, les dépenses des ministères et les ressources affectées aux opérateurs baisseront, en valeur – j'y insiste –, par rapport à 2015, d'un milliard d'euros à périmètre constant. Il s'agit d'un effort considérable – je le souligne, car la répartition de l'effort est à juste titre un sujet de débat –, plus marqué que celui des autres collectivités publiques. Ainsi, les dépenses de personnel de l'État resteront maîtrisées, même si notre effort en matière de sécurité nous conduit à revoir à la hausse la trajectoire des effectifs de la défense et du ministère de l'intérieur. La révision de la loi de programmation militaire (LPM), en particulier, entraîne une augmentation nette des effectifs de l'État en 2016. Toutefois, hors révision de la LPM, l'effort est réel, avec une baisse de 1 495 équivalents temps plein.

Par ailleurs, nous poursuivrons l'effort de réduction des dépenses de fonctionnement des ministères et des opérateurs, grâce à une nouvelle baisse des ressources affectées et à une extension de plus de 50 % du champ de leur plafonnement, ce qui correspond à une quasi-généralisation de cet excellent principe de gouvernance.

Le projet de loi de finances comporte aussi des réformes structurelles qui, soit permettent des économies directes, soit assurent la soutenabilité de l'intervention publique. J'en citerai quelques exemples.

En ce qui concerne la politique du logement, ces réformes consistent, d'une part, dans l'évolution des modalités d'attribution et de calcul des aides personnelles au logement (APL) – évolution qui est inspirée du rapport de votre collègue François Pupponi et qui favorisera une plus grande équité entre les bénéficiaires – et, d'autre part, dans une modification du financement des aides à la pierre, avec la création d'un fonds autonome dont la gouvernance et le financement seront partagés entre l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales.

En outre, la réforme des modalités d'indexation des prestations sociales fait l'objet de deux dispositions, l'une dans le projet de loi de finances, l'autre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit d'harmoniser les dates de revalorisation des allocations. À l'exception de celle des pensions de retraite, cette revalorisation interviendra désormais le 1er avril, sur la base de l'inflation des douze derniers mois constatée. Il convient de citer également la réforme du financement de l'aide juridictionnelle et l'affectation d'une nouvelle ressource fiscale destinée à garantir le financement de l'audiovisuel public et son indépendance.

S'agissant des collectivités territoriales, la baisse des dotations sera poursuivie et accompagnée, comme le Premier ministre s'y est engagé, par la création d'un fonds d'aide à l'investissement local doté d'une capacité d'engagement d'un milliard d'euros. Le Gouvernement souhaite ainsi faire en sorte que les économies réalisées par les collectivités locales, indispensables dans le cadre de l'effort de l'ensemble des administrations publiques, ne remettent pas en cause l'investissement local.

Ces évolutions seront accompagnées d'une profonde réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal. Cette réforme, inspirée par le rapport de votre collègue Christine Pires Beaune – un temps accompagnée par feu Jean Germain – sera un moment important du débat parlementaire. Il s'agit de rendre la DGF plus juste et plus transparente, et de résorber progressivement les écarts excessifs et souvent injustifiés entre collectivités, tout en développant la péréquation. La réforme, présentée hier au Comité des finances locales, a fait l'objet de commentaires et de suggestions portant sur l'adéquation ou l'inadéquation d'un certain nombre de critères, tels que la densité de population ou un nouveau mode de calcul de l'effort fiscal. Nous mettrons à profit les semaines qui nous séparent de l'examen de cet article en séance publique pour travailler avec tous ceux qui le souhaitent.

Compte tenu de la baisse des dotations de l'État, l'objectif d'évolution de la dépense publique locale (ODEDEL) est fixé à 1,2 % en 2016 et à 1,6 % pour les dépenses de fonctionnement. Nous anticipons donc un ralentissement de la dépense de fonctionnement, en lien avec l'adaptation progressive des collectivités à l'évolution de leurs dotations.

Au total, l'ensemble des économies proposées permettent non seulement de financer les dépenses nouvelles mais aussi de réaliser un effort complémentaire de 1,3 milliard d'euros par rapport à la loi de programmation de décembre 2014, qui constitue notre référence. Ce budget traduit donc le cadrage présenté lors du débat d'orientation des finances publiques en juillet dernier.

Il comporte également de nouvelles baisses d'impôts en faveur des ménages.

L'impôt sur le revenu baissera ainsi de 2 milliards d'euros supplémentaires, pour atteindre la diminution totale de 5 milliards d'euros annoncée lors de la présentation du pacte de responsabilité et de solidarité, en avril 2014. 8 millions de ménages seront concernés par cette mesure. 5 millions d'entre eux bénéficient déjà cette année d'un allégement de leur impôt, grâce à la suppression de la première tranche du barème ; quant aux 3 millions de foyers qui ne sont pas concernés par cet allégement, ils bénéficieront de la baisse qui sera mise en oeuvre l'an prochain.

Pour cela, nous réformons la décote à l'impôt sur le revenu et nous en majorons le montant. Cela permet non seulement de lisser l'entrée dans l'impôt – un euro supplémentaire de revenu se traduira demain par un impôt moins important qu'aujourd'hui – mais aussi d'offrir un gain – compris entre 200 et 300 euros pour un célibataire, entre 300 et 500 euros pour un couple – à un nombre important de contribuables.

Cette réduction de l'impôt sur le revenu ne sera pas la seule baisse d'impôts en 2016. En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte la deuxième étape du volet « entreprises » du pacte de responsabilité et de solidarité ; le projet de loi de finances met en oeuvre les mesures du plan de soutien à l'emploi pour les TPE et les PME ; enfin, la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés disparaît.

Au total, en prenant en compte la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), les baisses d'impôts s'élèvent à 11 milliards d'euros, entièrement financés sur le budget de l'État. J'y insiste car, en 2016 comme en 2015, celui-ci prendra en charge la totalité du coût du pacte de responsabilité et de solidarité et compensera donc entièrement le manque à gagner qui en résulte pour la sécurité sociale, soit plus de 5 milliards d'euros. Je précise, du reste, que cette compensation explique une partie significative de la hausse du budget de l'État. Ceux qui jugent modeste la réduction de son déficit – qui diminuerait tout de même d'un milliard en 2016, pour atteindre 72 milliards d'euros, soit son niveau le plus bas depuis 2008 – ne doivent pas oublier cet élément essentiel dans l'appréciation qu'ils portent sur le projet de loi de finances pour 2016. En tout état de cause, les économies réalisées permettent non seulement de financer les baisses d'impôts mais aussi de réduire le déficit.

Avant de conclure, je voudrais détailler la mise en place du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Cette réforme, qui sera la plus importante modernisation de cet impôt depuis des décennies, représentera un vrai gain pour les contribuables, en particulier ceux qui traversent des épisodes difficiles et qui voient leur revenu baisser. Elle ne remettra en cause ni la progressivité ni la conjugalisation ni la familialisation de l'impôt.

Comme nous l'avons annoncé, elle sera effective au 1er janvier 2018. Cela peut paraître loin mais, compte tenu de l'ampleur du chantier, le calendrier est très serré. Nous nous engageons à donner un an à l'ensemble des acteurs pour s'adapter aux nouvelles démarches et obligations, qui doivent encore être précisées, car il ne faut prendre personne par surprise. C'est pourquoi nous présenterons au Parlement avant le 1er octobre 2016 les modalités de mise en oeuvre de la réforme. Ainsi un large débat public pourra avoir lieu, tout au long de l'année 2016, sur la base des travaux techniques qui ont déjà commencé dans notre administration. Une discussion sera également organisée au Parlement, avant la fin de cette année.

Une première étape est amorcée dès aujourd'hui dans ce projet de loi de finances, avec la généralisation progressive de la télédéclaration et du télépaiement. Elle se fera dans le respect des contraintes de chacun, en particulier de ceux qui n'ont pas internet à leur domicile ou qui ne peuvent pas ou ne savent pas s'en servir, quelle qu'en soit la raison – j'insiste sur ce point.

Notre politique budgétaire est à la fois stable et réactive. Elle est stable parce que les engagements sont tenus en ce qui concerne la baisse du déficit et des impôts ; elle est réactive parce nous pouvons mobiliser rapidement nos ressources pour faire face à l'urgence. Pour qu'elle conserve ces deux qualités, nous devons réaliser les économies que nous vous proposons dans ce budget.

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