Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 15 juillet 2015 à 12h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, Président :

Monsieur le ministre, je souhaiterais, en attendant le débat général qui aura lieu cet après-midi, vous poser quelques questions précises d'ordre financier.

La première d'entre elles a trait au programme d'assistance du Mécanisme européen de stabilité, lequel, je le rappelle, n'a été sollicité jusqu'à présent que pour l'Espagne et Chypre. Cette assistance prendrait la forme d'une aide comprise entre 82 et 86 milliards d'euros, la quote-part de la France s'élevant à 22 %. Le Gouvernement entend-il demander, à l'instar de ce qui se fera en Allemagne, l'autorisation explicite du Parlement pour la mise en oeuvre de ce nouveau programme d'assistance ? Cette question est d'autant plus importante qu'il est précisé, dans la déclaration publiée à l'issue du sommet de la zone euro du 12 juillet, que cette aide est soumise à des conditions extrêmement strictes. Or, on peut douter de leur fiabilité lorsqu'on sait que le produit des privatisations, par exemple, qui sont à l'ordre du jour depuis 2010, s'élève pour l'instant à 3 milliards d'euros, alors qu'on en attend 50 milliards.

Deuxièmement, selon la même déclaration, « il est attendu d'un État membre de la zone euro demandant l'assistance financière du Mécanisme européen de stabilité qu'il adresse, lorsque cela est possible, une demande similaire au Fonds monétaire international », dont un nouvel accord sera donc indispensable. Or, celui-ci a fait savoir, hier encore, qu'il souhaitait une nouvelle restructuration de la dette, qui suppose une décote nominale exclue dans le protocole. Il est vrai que la dette grecque a déjà été considérablement restructurée, puisqu'en 2010 et 2011, la moitié de la dette privée a subi une décote – 53 % en moyenne –, de sorte que 100 milliards d'euros ont été abandonnés. L'ensemble de la dette a alors été concentrée entre les mains, non plus de créanciers privés, mais de créanciers publics, principalement l'Europe et le FMI. Ainsi, les maturités ont déjà été prolongées et les taux d'intérêt abaissés – la Banque de France ayant même procédé à des restitutions. On ne voit donc pas très bien quelle nouvelle restructuration pourrait être engagée. Dès lors, comment envisagez-vous la coordination de l'action européenne avec le FMI ?

Troisièmement, on parle souvent de la solidarité envers les Grecs, mais n'oublions pas le contribuable français. Là encore, je souhaiterais que vous nous donniez des chiffres précis, monsieur le ministre. Jusqu'à présent, la France a accordé à la Grèce 11,4 milliards d'euros de prêts bilatéraux, dont la première échéance interviendra en 2023. Elle a par ailleurs garanti, à hauteur de 30 milliards d'euros, les prêts accordés dans le cadre du Fonds européen de stabilité financière et dont la première échéance interviendra à la même date. Mais la quote-part, très importante, de la France dans l'Eurosystème n'a pas été évoquée. Que valent les obligations grecques achetées par la BCE ? Et quelle est la quote-part de la Banque de France, c'est-à-dire de notre système financier national, dans les liquidités d'urgence ELA ?

Quoi qu'il en soit, on peut évaluer les engagements de la France à hauteur de près de 70 milliards d'euros, soit 1 000 euros par Français ou le produit d'une année d'impôt sur le revenu. C'est donc loin d'être négligeable. On nous dit qu'une sortie de la Grèce de la zone euro coûterait beaucoup plus cher. Mais qu'en est-il exactement ? Le programme d'aide supplémentaire, auquel nous participerions à hauteur d'une trentaine de milliards, porterait notre engagement total à 100 milliards. Or, rien ne nous dit que les mêmes causes, à l'oeuvre depuis des années, ne produiront pas les mêmes effets. En tout état de cause, le temps est venu, monsieur le ministre, d'apporter des éléments de réponse aux questions que se pose le contribuable français.

Enfin, si le gouvernement de M. Tsipras a évolué, c'est parce que les Grecs, qui ne peuvent plus retirer que très peu d'argent aux distributeurs, commencent à ressentir les effets de la crise dans leur vie quotidienne. Cela me conduit à vous demander si vous disposez d'éléments d'information sur la situation des banques grecques. Satisfont-elles aux ratios de solvabilité ? Il a été expliqué qu'une grande partie de leurs fonds propres serait constituée de crédits d'impôt sur l'État grec, sur la valeur desquels on peut s'interroger. Monsieur le ministre, nous vous demandons, dans le cadre de cette audition qui n'est pas ouverte à la presse, de répondre à ces questions précises. S'agissant de montants aussi colossaux, il faut que nous sachions où nous engageons notre pays.

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