Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 21h30
Consultation sur l'accession de la nouvelle-calédonie à la pleine souveraineté — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Madame la présidente, madame la ministre des outre-mer, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, intervenir dans une discussion générale sur la Nouvelle-Calédonie, c’est nécessairement évoquer l’affectif « destin commun », notion devenue constitutionnelle depuis la signature de l’Accord de Nouméa. Comme il s’agit tout autant d’une promesse d’avenir que d’une conviction sentimentale, chacun mesure alors la subjectivité qui va entourer sa réalisation. C’est la raison pour laquelle pour construire ce « destin commun », il faut pouvoir s’appuyer, pour reprendre les termes de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, sur des « principes simples et incontestables ». C’est l’unique et l’exacte ambition de ce projet de loi organique dont vous avez rappelé, madame la ministre, le contenu. Le rapporteur vient de le développer. Surtout, il a développé les conditions de son élaboration par l’extraordinaire, au sens propre du terme, comité des signataires du 5 juin dernier.

Comme tous, je me félicite de pouvoir adopter ce texte sans modification et sans avoir à rendre des arbitrages en faveur d’une partie des Calédoniens contre les autres. Au demeurant, je suis aussi rassuré que ce vote vienne clore une période de tensions qui m’a semblé – à bien des égards – excessive. Et je veux souhaiter que nous puissions ensemble en tirer des leçons pour aborder avec sérénité les prochaines questions, que vous avez évoquées, madame la ministre, et dont la résolution réclamera inévitablement patience, doigté et respect mutuel.

Mon premier enseignement, c’est, alors que s’estompent inévitablement les souvenirs des années antérieures, qu’il ne faut jamais oublier la volonté des signataires des accords de Matignon-Oudinot et de ceux de l’accord de Nouméa. Ils traversèrent des moments de doute, des moments de découragement. Ils firent face à des impasses. Et ils surent toujours, par la négociation, imaginer des solutions de compromis, aux termes desquelles personne n’avait à renier ses idéaux. À chaque fois que la vie politique a apporté son lot de divisions, que de nouveaux clivages sont apparus, que de nouveaux problèmes ont surgi, ils ont su ouvrir des voies pour que soient reprises les discussions et que soient franchis les obstacles successifs.

Cette force, cette détermination doivent être pour nous une source d’inspiration. Le dialogue ne consiste pas essentiellement à être d’accord, ou à se mettre d’accord, mais à se parler, à essayer de se comprendre. La Nouvelle-Calédonie, plus que d’autres terres, a besoin de maçons pour construire des ponts et non des murs.

Seconde leçon que je tire de ces derniers mois : il faut garder le sens de la mesure. Dans la vie publique, les gesticulations sont rarement d’utiles conseillères. Il ne sert à rien de mettre en scène les clivages les plus naturels comme s’il s’agissait de déchirements effroyables ou de confrontations inexpiables. À Nouméa, le 24 avril dernier, alors que j’accompagnais, avec Philippe Gosselin, le président de l’Assemblée nationale, j’ai entendu des slogans et lu des pancartes dont la tempérance n’était pas la principale qualité – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.

Je sais bien que dans notre pays, le respect de l’autre fait peu ou prou figure de trahison, et que l’invective est le plus souvent un mode d’expression naturel. Mais au regard de la sensibilité de la période que nous traversons, je peine à comprendre l’intérêt de parler et d’agir comme si l’interlocuteur s’identifiait aux forces du mal.

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