Intervention de Véronique di Benedetto

Réunion du 23 juin 2015 à 16h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Véronique di Benedetto, présidente de la commission « Femmes du numérique » du SYNTEC Numérique :

Tout d'abord, je vous remercie pour votre invitation. Présidente de la commission « Femmes du numérique » au sein de SYNTEC Numérique, je suis également directrice générale du groupe Econocom : cela me permet de disposer d'un point de vue privilégié sur la place des femmes dans le numérique ; mes convictions sont d'autant plus fortes qu'elles s'ancrent dans mon expérience quotidienne.

Quelques mots rapides sur SYNTEC : ce syndicat des professionnels du numérique regroupe 1 500 entreprises – 900 petites et moyennes entreprises (PME), 500 start-up, une centaine de grandes entreprises et d'entreprises de taille intermédiaire –, comprend quarante-cinq délégations régionales et compte 45 % de membres implantés en région. Le numérique, qui représente 7 % du produit intérieur brut (PIB) français et 25 % de sa croissance, est un secteur en plein essor : pas un jour ne se passe sans qu'on entende parler de transformation numérique ou de transformation digitale de l'économie française. Il est devenu transversal à toute l'économie.

La création en 2011 de la commission « Femmes du numérique » a été motivée par un triste constat : la faible proportion de femmes dans le secteur, sachant qu'elle se situe à environ 25 % si l'on englobe les professions liées aux ressources humaines, à la communication, au droit, professions nobles et nécessaires mais qui ne constituent pas le coeur même de l'économie numérique, où ce taux tombe entre 12 % et 15 %.

Dans notre démarche, nous avons été très soutenues par le président du SYNTEC, M. Guy Manou-Mani, qui a été à l'origine d'une plus grande ouverture du conseil d'administration aux femmes, désormais au nombre de huit parmi les trente membres qu'il compte actuellement.

Nous avons commencé par explorer les causes de la désaffection dont faisaient l'objet les métiers du numérique chez les femmes. Nos analyses nous ont permis de mettre en évidence l'existence de stéréotypes très ancrés dans la société : le numérique renvoie à l'image du geek boutonneux rivé toute la journée à son écran, ne développant pratiquement pas de relations avec son entourage alors que les femmes apparaissent traditionnellement plus tournées vers des fonctions de type social. Ajoutons à cela le faible nombre de rôles modèles qui induit un cercle vicieux : moins il y a en a, moins les femmes peuvent s'identifier, et moins il y a de femmes susceptibles de porter la parole du numérique. Toutefois, on note une évolution avec l'émergence de start-up fondées par des femmes nées avec le numérique, qui commencent à bousculer les stéréotypes même si elles ne représentent que 20 % des créations.

Ces stéréotypes, prégnants dans d'autres pays d'Europe et aux États-Unis, sont d'autant plus incompréhensibles que dans des pays d'Asie comme la Corée du Sud ou l'Inde les formations d'ingénieur comptent 60 % de femmes, contre 8 % à 20 % en France selon les écoles.

Nous encourageons vivement le développement du codage dès le plus jeune âge, persuadées que demain, tous les métiers nécessiteront une double compétence liée à la technologie et au business. La culture digitale sera indispensable, non pas seulement en termes d'usage, mais également en termes de compréhension des modes opératoires. Dans les professions que nous représentons, on doit non seulement savoir conduire une voiture mais également comprendre ce qui se passe sous son capot.

Nous travaillons autour de plusieurs axes d'action, à commencer par la route des femmes du numérique. Elle mobilise tout un écosystème de femmes et d'hommes qui portent la bonne parole afin de promouvoir la place des femmes dans les métiers du numérique, que ce soit dans les collèges, les universités, les lycées, les PME ou les associations. Partant du constat que la description des métiers du numérique passait généralement très mal auprès du public féminin parce qu'elle reposait sur des termes rébarbatifs, nous avons élaboré un guide destiné aux jeunes filles, rédigé sur un mode ludique : Les filles, une opportunité pour le numérique ; le numérique, une opportunité pour les filles. Ponctué de petites histoires et de « profils flash » présentant des métiers, il permet de montrer en quoi le numérique peut changer la société et, de ce fait, le rend plus attractif. À travers cette action, nous avons touché un public de plus de 5 000 jeunes. Nous avons pu compter sur la collaboration de « 100 000 entrepreneurs », association ayant pour but de promouvoir le monde de l'entreprise auprès d'un public scolaire.

Par ailleurs, nous avons créé le trophée Excellencia. Né d'une initiative conjointe de la commission « Femmes du numérique » et de l'EPITA (école de l'informatique et des techniques avancées), il mobilise aujourd'hui une dizaine d'écoles d'ingénieurs et récompense des femmes dans trois catégories : le prix de la femme entrepreneure vient accroître la visibilité des femmes, qui mènent de front plusieurs vies dans la même journée et manquent de temps pour se consacrer à cet aspect de leur carrière, et les inciter à se mettre en avant en tant qu'entrepreneure ; le prix de l'étudiante scientifique est décerné à des jeunes filles auxquelles les écoles participantes offrent des études d'ingénieur au vu de leur dossier et de leur motivation ; le prix de la femme investie dans une cause sociale ou humanitaire met en valeur les femmes qui travaillent dans le numérique et choisissent de consacrer une partie de leur temps à une action bénévole.

Nous avons également développé l'action des rôles modèles. Il est très important pour les jeunes filles et pour les femmes d'avoir des modèles inspirants de tous âges et dans tous les métiers du numérique.

Enfin, plusieurs études sont en cours. La première, lancée avec le cabinet d'études international Markess, repose sur l'analyse d'indicateurs destinés à cerner la place des femmes dans le numérique. Mise à jour tous les deux ans, elle a permis de mettre en évidence des facteurs encourageants comme l'augmentation du nombre de femmes dans le secteur, mais aussi des marges de progrès, notamment dans le domaine des salaires. Pour mémoire, rappelons que les écarts de salaires sont de 6 % à l'embauche.

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