Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

Lors des différents débats, à l’Assemblée et au Sénat, nous avons souligné que le droit d’asile n’avait pas vocation à être remis en cause, mais qu’il nécessitait une réforme profonde, nous sommes tous d’accord pour le reconnaître.

Fidèle aux valeurs qui fondent notre République, la France accueille, depuis plus de deux siècles, les personnes persécutées dans leur pays d’origine.

Cependant, aujourd’hui, notre système est au bord de l’asphyxie, nous le reconnaissons tous. En effet, en raison de l’augmentation constante des demandes d’asile, les délais de traitement s’allongent, et les règles sont alors dévoyées. De ce fait, notre système s’est transformé, malgré lui, en ticket d’entrée en France pour les clandestins. Cette situation n’est plus tenable.

Aussi, au terme de nos débats, permettez-moi d’exprimer de nouveau l’immense inquiétude que suscite ce texte – et d’une manière générale, votre politique migratoire. Nous aurons l’occasion d’y revenir prochainement lors de l’examen du projet loi relatif au droit des étrangers en France. Ce texte qui pourrait aller dans le bon sens – je pense notamment à la carte de séjour pluriannuelle –, masque en réalité un nouvel assouplissement des conditions d’accueil des étrangers en France.

Sur la question du droit d’asile, vous n’avez pas daigné prendre en compte les différentes mises en garde formulées par la Cour des comptes, le Comité d’évaluation et de contrôle de notre assemblée, ou encore par plusieurs parlementaires. Mon collègue Éric Ciotti, rapporteur pour avis du budget relatif à l’asile, tire depuis trois ans la sonnette d’alarme sur l’insoutenabilité financière de votre politique.

Alors même que le constat est sans appel, que notre système d’asile est à bout de souffle, que des centaines et des centaines de migrants continuent d’affluer chaque semaine sur les côtes nord de la Méditerranée, vous préférez faire la sourde oreille et ne procédez qu’à du rapiéçage.

Cette réforme n’est pas celle que nous souhaitions. En effet, les solutions proposées ne permettront pas de sauver durablement notre politique d’accueil des demandeurs d’asile. Pis, elles risquent d’aggraver les dysfonctionnements actuels.

Votre majorité se contente, hélas, d’un texte qui passe totalement à côté des véritables réformes. Or les maux que nous devons traiter, nous les connaissons.

Le système implose sous l’effet de l’augmentation constante des demandes. Cette hausse des demandes s’explique surtout par un détournement de procédure de la part d’étrangers, qui voient dans la procédure d’asile un moyen comme un autre de se maintenir clandestinement en France, sans droit ni titre.

Il faut le reconnaître, certains immigrés invoquent le droit d’asile, mais sont en réalité poussés à migrer pour des raisons économiques, ce que l’on peut comprendre, mais qui met en danger toute la procédure du droit d’asile. Aussi, je déplore que notre Assemblée soit revenue sur l’ensemble des dispositions adoptées au Sénat qui visaient à faciliter l’éloignement des personnes s’étant vu définitivement refuser l’asile.

Actuellement, il existe de réelles difficultés pour exécuter les obligations de quitter le territoire français des demandeurs d’asile déboutés. Seuls 1 % des déboutés de la demande d’asile quittent effectivement le territoire. Ce n’est pas admissible ! Or vous avez repoussé nos propositions qui visaient à ce que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA ou la CNDA vaille obligation automatique de quitter le territoire français. Cette obstination est regrettable. Avec ce refus, madame la secrétaire d’État, vous faites en réalité des formalités de demande d’asile la principale fabrique de clandestins qui désormais restent en France.

Rien ne dissuadera donc les migrants qui arrivent sur notre territoire, pas même l’obligation de quitter le territoire en cas de rejet de leur demande puisque dans la grande majorité des cas, l’OQTF n’est pas effective. Des dizaines de milliers de candidats à l’immigration clandestine, qui ne sont pas de vrais réfugiés politiques, continueront donc de détourner les procédures pour se maintenir illégalement en France.

Au final, ce texte est totalement silencieux sur la question de l’éloignement des demandeurs d’asile déboutés. Pourtant, tant que la question de l’organisation systématique et rapide des déboutés ne sera pas réglée, le système ne pourra pas fonctionner correctement et fera le jeu des filières clandestines.

De toute évidence, rien n’est fait au niveau national pour lutter contre l’immigration illégale qui nuit à l’exercice effectif du droit d’asile. C’est la raison pour laquelle je m’opposerai à ce texte.

Je profite de la minute qui me reste pour dire que rien n’est fait au niveau européen, je l’ai du reste rappelé lors du débat en première lecture. Au Conseil de l’Europe, je préside la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Quand j’entends parler de répartition de migrants en situation irrégulière entre pays sur trois ans, je dis qu’on est loin du compte.

Le vrai débat que nous devrions avoir au niveau européen devrait porter d’abord sur la façon de protéger nos frontières. Comment, tout en respectant le droit d’asile, faire en sorte que la procédure ne soit pas détournée et que, comme c’est le cas actuellement, des centaines, voire des milliers de personnes certains week-ends, débarquent sur les côtes méditerranéennes et restent définitivement sur le sol européen ?

Les semaines qui viennent de s’écouler ont, hélas, montré que l’Europe a complètement abdiqué en matière de défense de ses frontières. L’Europe s’est résignée à un afflux de migrants qu’elle essaie plus ou moins de répartir. Répartir des clandestins n’est pas une politique acceptable. Ce que nous attendons de la France et de l’Europe, c’est une politique migratoire qui permette de respecter ceux qui, légalement, ont droit à l’asile politique en France.

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