Intervention de Jacques Rapoport

Réunion du 8 juillet 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jacques Rapoport, candidat à la présidente déléguée du directoire de la SNCF :

L'intégration de RFF, de SNCF Infra et de la direction des circulations ferroviaires n'était pas simple compte tenu, je l'ai évoqué, des différences culturelles et, affirmons-le clairement, du fait que, pendant dix-huit ans, RFF et SNCF Infra étaient les meilleurs ennemis du monde. J'affirme aujourd'hui très sereinement à la représentation nationale que ces difficultés ont été surmontées les unes après les autres et que l'intérêt d'avoir un gestionnaire d'infrastructure unifié GIU est reconnu par tous. Nous restons attentifs évidemment à ce que les apports méthodologiques de RFF soient non seulement préservés mais encore diffusés au sein du corps social issu de l'infrastructure SNCF qui a une connaissance du réseau et de ses enjeux inégalée. Je rappelle que la difficulté de maintenir le réseau est liée à la diversité des technologies implantées : plus d'un siècle de strates technologiques se sont accumulées. Nous avons donc besoin d'un personnel apte à entretenir et à dépanner des technologies qui, depuis l'électromécanique jusqu'à l'informatique, n'ont rien à voir les unes avec les autres. Je tiens en tout cas, concernant l'intégration, à exprimer ma satisfaction et mon optimisme.

Pour ce qui est de la sécurité, l'accident de Brétigny-sur-Orge nous a éclairés sur bien des points, pour partie repris dans le rapport de l'EPSF : avec la montée en charge des travaux depuis la fin des années 2000, une sorte d'inversion psychologique s'est opérée et d'inversion de l'allocation des moyens qui étaient davantage orientés vers les travaux, cela pendant une période où les effectifs ont très sensiblement baissé – entre 2000 et 2010 –, puis modérément augmenté – depuis 2011. L'accident de Brétigny a conduit à mettre un terme à cette évolution et le secrétaire d'État lui-même y est très attentif. Aujourd'hui, plus aucun moyen n'est détourné de la maintenance vers les travaux qui, de ce fait, peuvent prendre du retard – ainsi sur la ligne Nantes-Pornic-Saint-Gilles. Trois solutions existent : industrialisation – à travers la massification des travaux –, externalisation – par le biais du recours à des prestataires qui vont nous aider et qui porteront la parole de la France dans le monde entier – et innovation – avec l'introduction du numérique qui doit considérablement améliorer nos performances.

En matière de renouvellement, 2,5 milliards d'euros seront-ils suffisants ? Tout le monde admet en Europe et tous les experts le soulignent : un bon système de maintenance, c'est un tiers d'entretien et deux tiers de renouvellement. Il y a cinq ans nous en étions bien à cette proportion mais en sens inverse… alors qu'aujourd'hui la répartition est à parts égales. Nous avons donc beaucoup progressé depuis 2007, date de l'inversion de la dynamique dans le bon sens, mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines : nous devons accroître la part du renouvellement pour atteindre l'équilibre mentionné et qui permettra à l'avenir de faire diminuer les dépenses de maintenance, ce qui ne peut s'effectuer que dans le cadre d'un budget d'investissement en baisse, dans un contexte contraint pour les finances publiques dont nous sommes parfaitement conscients. Nous avons atteint, de 2012 à 2014, le niveau sans précédent, depuis le XIXe siècle, de 7 milliards d'euros d'investissements par an et nous en sommes aujourd'hui à 6 milliards d'euros – montant qui nous permet d'assurer l'ensemble de nos besoins dès lors que le curseur de l'équilibre développement-renouvellement se déplace vers ce dernier.

Les conflits concernant les péages entre le secteur mobilités et le secteur réseau sont réels : SNCF Mobilités a intérêt à ce qu'ils soient les moins élevés alors que SNCF Réseau a intérêt à ce qu'ils soient le plus élevés. Vous connaissez la guerre de tranchées qui, à l'époque, sur cette question, a opposé RFF et la SNCF et qui devait systématiquement faire l'objet d'un arbitrage ministériel. Or, fait nouveau, nous nous parlons. Nous savons, par exemple, que nous avons un problème sur les péages fret, compte tenu de la baisse de la compensation d'État ; eh bien, nous discutons de la meilleure solution pour l'intérêt public et non pas pour l'une ou l'autre entité. En outre, les péages sont une facilité essentielle et la décision relève in fine de SNCF Réseau – décision prise en fait au niveau interministériel – sous le contrôle du régulateur. Ce dialogue, l'échange de nos analyses respectives constituent un progrès par rapport à la période antérieure. Le meilleur exemple en est SEA, cas pour lequel nous sommes parvenus, à partir d'une divergence considérable, à une vision partagée.

Pour ce qui est du maintien des petites lignes – il est préférable de parler de lignes à trafic réduit – ou de leur réouverture, la stratégie relève des autorités publiques, soit à travers les CPER, soit à travers les dotations de l'AFITF – qui concourent d'ailleurs aux CPER. Nous avons participé, M. Guillaume Pepy et moi-même, il y a quelques semaines, à l'inauguration de la réouverture de la ligne Sorgues-Carprentras. Nous travaillons, dans le cadre du CPER, à la réouverture de la ligne Belfort-Delle… Nous sommes l'expert qui analyse le projet et donne des éléments quant à ses coûts et à ses perspectives commerciales et, une fois la décision prise par les pouvoirs publics compétents – à savoir, pour les réseaux secondaires, les CPER –, nous les mettons en oeuvre. Il s'agit bien de décisions politiques au sens noble du terme. Nous sommes les experts au service des décideurs publics.

Je suis favorable, bien sûr – faute de quoi vous considéreriez que je ne suis pas à ma place –, à la requalification de la dette et à sa reprise par l'État. Il faut se montrer raisonnable et efficace en poursuivant parallèlement le désendettement et l'amélioration de la productivité.

La question des conséquences du réchauffement climatique sur notre activité rejoint celle du vieillissement du réseau : au cours des dix derniers jours de canicule, aucun problème n'a été relevé sur les LGV ni sur le réseau de banlieue RATP, au contraire des installations vieillissantes. Une accélération du renouvellement et de la mise à niveau du réseau contribuera à réduire les conséquences des conditions climatiques extrêmes, aussi bien en été qu'en hiver.

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