Intervention de Guillaume Pepy

Réunion du 8 juillet 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Guillaume Pepy, candidat à la présidente du directoire de la SNCF :

Je m'exprimerai à la fois comme président-directeur général de SNCF Mobilités et président du directoire.

Sous le contrôle du conseil de surveillance et de l'État stratège, SNCF Mobilités a entrepris trois chantiers. Le premier vise à mettre les transports de la vie quotidienne – les TER, les Transilien et les Intercités –, au niveau de qualité des TGV. Je tiens à rappeler que les transports de la vie quotidienne transportent 3 millions de voyageurs par jour contre 350 000 pour le TGV. Des travaux sans précédent ont été engagés sur le réseau, qui dureront encore plusieurs années. La régularité des RER a également été redressée : les lignes A, B, C et D étaient les plus en retard de France. Nous sommes à mi-pente : il reste, là encore, quelques années de travail à fournir. S'agissant enfin des TER, la facture des régions est stabilisée mais elles nous demandent de la baisser.

Nous devons également rendre la lutte contre la fraude efficace – ceux qui paient n'en peuvent plus –, permettre l'utilisation des nouvelles technologies non seulement dans le TGV mais également dans le TER et le Transilien pour faciliter les transports de la vie quotidienne – la France n'est pas en avance en la matière – et améliorer la productivité pour baisser la facture des régions.

C'est sur les transports de la vie quotidienne que la SNCF est la plus attendue et doit être la plus proche des Français, des élus et des territoires.

Notre deuxième priorité est de faire bénéficier les Français du train pour tous et du porte-à-porte. Les Français trouvent le train trop cher. La seule solution pour faire baisser les prix est de diminuer les coûts. Nous avons lancé différents produits, dont Ouigo, qui a réussi à diminuer de 40 % les coûts sans créer de filiale ni supprimer le statut des cheminots mais en remettant à plat l'organisation du travail et de la production. Nous allons doubler le nombre de Ouigo en quelques mois, sans perdre d'argent.

Le porte-à-porte répond à l'attente des clients qui se déplacent non pas de gare à gare mais d'adresse à adresse. La division logistique du fret de la SNCF transporte d'ailleurs les biens d'adresse à adresse. Notre métier s'étend, notamment aux modes doux. La SNCF est le deuxième acteur du vélo en libre-service derrière le groupe Decaux. Elle participe aussi pleinement à la mobilité partagée, qui représente 15 % des déplacements en France – le chiffre doublera sans doute d'ici à dix ans. La SNCF est le deuxième acteur du marché du covoiturage et de la location de voitures entre particuliers et parmi les premiers du marché en matière de location de voitures électriques. Nous avons également pris l'engagement qu'à la fin de 2016 il sera possible de téléphoner et de faire de la transmission de données dans tous les trains – 17 000 par jour. Nous signerons à cette fin un accord avec Orange et SFR dans les prochaines semaines.

Un support unique est nécessaire pour combiner tous ces types de transports : iDPass permettra de disposer, sur une carte ou sur son téléphone mobile, de tous ses billets, de toutes ses réservations et du moteur de recherche pour se rendre d'un point à un autre.

Notre troisième priorité est de renforcer la place de la SNCF comme champion français à l'échelle internationale. La SNCF est un vrai groupe français d'envergure internationale, ce que les Français ne savent pas suffisamment alors qu'elle réalise 30 % de son chiffre d'affaires, à savoir 30 milliards d'euros, hors de France. De plus, 40 000 salariés travaillent pour l'export. La France est dans le « top 3 » des champions internationaux du transport collectif. Cette présence à l'international remporte trois points de croissance par an dans nos métiers et procure des emplois en France. De plus, autant l'image de la SNCF est contrastée en France, autant elle est forte et belle à l'étranger.

La RATP et la SNCF ont une entreprise commune d'ingénierie, Systra, qui est deuxième au plan mondial et peut devenir première. Il convient également d'améliorer la logistique. Nous regrettons le départ aux États-Unis de Norbert Dentressangle et la fermeture de Mory et de Sernam. Il faut aider Geodis, qui reste le premier groupe de transport de marchandises de France, et conforter notre présence aux États-Unis. Notre objectif est de réaliser 50 % de notre activité en France – il faut une base solide –, 25 % en Europe et 25 % dans le reste du monde.

La consolidation a déjà commencé : le marché est appelé à se structurer autour de deux ou trois très grands groupes – la Deutsche Bahn, Mass Transit Railway Corporation (MTR), qui est un groupe chinois, et la SNCF.

Nos trois objectifs s'appuient sur la sécurité, la qualité de service et la performance – le socle quotidien rappelé par M. Frédéric Saint-Geours.

Nous devons évidemment améliorer la qualité du service en dépit des travaux, redévelopper le fret, qui est redressé aux quatre cinquièmes – nous croyons au développement du fret ferroviaire –, et convaincre que le pire service à rendre à la SNCF serait de la laisser face à la bascule de l'arrivée de la concurrence, qu'elle se produise en 2019 ou en 2022, sans l'avoir régulée et sans avoir élaboré les règles sociales nécessaires pour rassurer les personnels.

S'agissant de la fonction de président du directoire, la loi du 4 août 2014 est déjà largement mise en oeuvre puisque les personnels ont été affectés le 1er juillet 2015 dans les trois établissements publics et que les actifs ont été transférés.

Nous avons beaucoup insisté sur les valeurs de l'entreprise publique française, qui est à la fois une entreprise de service public pour la moitié de ses activités et une entreprise de marché pour l'autre moitié. Cette nouvelle loi n'est pas un retour à l'avant-1997, à une SNCF sûre d'elle, dominatrice et fermée : la SNCF est une entreprise qui doit s'ouvrir plus que jamais à l'Europe, à ses clients, aux élus et aux territoires. C'est une nouvelle page de son histoire qui s'ouvre.

La loi prévoit que les accords sociaux, y compris les accords sur les 35 heures, qui ont quinze ans, tombent le 1er juillet 2016. Il est donc indispensable de renégocier avec les cheminots le pacte social pour défendre le rail par rapport à la route et à l'aérien ainsi que par rapport à ses concurrents privés.

Il nous reste à construire une fusée à trois étages : un décret socle qui dépend de l'État, une convention collective qui dépend de la branche et un accord d'entreprise qui concerne la SNCF. Étant entré dans l'entreprise en 1988, je sais que c'est, pour la SNCF et ses emplois sur le long terme, l'heure de vérité. Les vraies raisons du nouveau pacte social, ce sont l'entreprise publique, le service public, la qualité du service et celle de la production. Il convient de renégocier le périmètre, trop rigide, des métiers, l'organisation de la durée du travail et les organisations de production sur le terrain pour gagner des points d'efficacité.

Les exemples d'Air France, de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ou du transport maritime nous incitent à faire preuve de volontarisme, à obtenir le soutien de l'ensemble des élus et à mener une concertation exemplaire si nous voulons réaliser nos objectifs d'ici à dix-huit mois.

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