Intervention de Philippe Gomes

Réunion du 7 juillet 2015 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Je me bornerai à parler de la Nouvelle-Calédonie. Certains sujets peuvent sembler de faibles importances, mais ils conditionnent l'application des lois et règlements calédoniens, en matière d'actualisation du code pénal, de procédure contentieuse et procédure pénale pour les autorisations d'urbanisme, de constatation des infractions par les agents assermentés dans le domaine social et médico-social. Toutes ces dispositions doivent nous être étendues par ordonnance ; j'ai présenté une série d'amendements d'appel destinés à inviter le Gouvernement à prendre, si tant est que cela soit juridiquement possible, ces dispositions à caractère purement techniques, mais sans lesquelles nos textes resteront lettre morte.

D'autres amendements concernent la jeunesse calédonienne. Une fracture se fait jour entre deux jeunesses : une jeunesse qui prend le train de son avenir grâce aux bourses, aux dispositifs d'accompagnement et d'insertion sociale et professionnelle, et une autre qui reste sur le quai, en déshérence, tombant dans le désarroi sur elle-même et sur sa place dans la société. Aussi voudrais-je attirer l'attention sur l'intérêt d'une extension des établissements publics d'insertion par la défense (EPIDe) en Nouvelle-Calédonie. À une question écrite de ma part, le ministre de la Défense m'a aimablement répondu que ces établissements n'ont pas leur place en Nouvelle-Calédonie, au motif que le service militaire adapté y existe déjà. Or ce n'est pas du tout la même clientèle : certes, le groupement du service militaire adapté (GSMA) reçoit, à Koumac et à Koné, non moins de 500 stagiaires par an ; la Nouvelle-Calédonie contribue au financement des installations, tandis que l'État prend en charge leu fonctionnement. Mais l'EPIDe s'adresse à des jeunes qui ne seraient pas retenus pour le GSMA, car la demande est largement plus importante que l'offre. Le dispositif militaire adapté peut être un moyen de les aider à retrouver un droit chemin, et certains repères qu'ils ont perdus. En ce domaine, c'est l'État qui est compétent. L'outil a fait, en métropole, la preuve de sa validité. Il aurait toute sa pertinence dans notre territoire.

En matière d'habitat social, j'ai formulé une proposition qui fait son chemin depuis trois ans, jusqu'à présent sans succès. La première fois, l'Assemblée nationale ne l'a pas adoptée. La deuxième fois, elle a été adoptée, mais la commission mixte paritaire l'a finalement laissée de côté. Gageons que la troisième fois sera la bonne et que l'État pourra bientôt céder des parcelles de son domaine pour la réalisation de projets collectifs par les collectivités ou pour la réalisation de programmes d'habitat social par les organismes habilités à construire des logements sociaux. Cette possibilité a été prévue par la loi de finances initiale de 2010 ou de 2011. Le décret d'application a été adopté, qui prévoit de dresser une liste des terrains cessibles, qui peuvent faire l'objet d'une décote plus ou moins forte, voire d'une cession gratuite. Cette liste est établie après la consultation des collectivités concernées. Or, aucune disposition ne prévoit quelles collectivités sont consultées en Nouvelle-Calédonie, si bien que la liste n'a pu être dressée. Je voudrais seulement rectifier ce petit oubli. À ma deuxième tentative, les spécialistes du ministère étaient d'accord avec la formulation de mon amendement. Un rapport récent de la chambre territoriale des comptes souligne au demeurant qu'il faut produire non moins de 1 100 logements sociaux par an en Nouvelle-Calédonie. La capacité à disposer du foncier est l'une des clefs pour atteindre ces objectifs. Aussi est-il particulièrement important que ce dispositif devienne opérationnel.

Quant à la défiscalisation, nous nous trouvons en ce moment dans un no man's land juridique très préjudiciable à l'économie des collectivités françaises du Pacifique. Il était prévu l'an dernier que de nouveaux dispositifs ou la prorogation des dispositifs de soutien existants à nos collectivités soient présentés d'ici la fin de cette année. Rien n'est paru. Pourtant, si aucun signe d'une prochaine prolongation ou de modalités nouvelles d'intervention n'est donné en 2015, les dossiers cesseront dès maintenant d'être déposés, car les projets correspondants ne sauraient aboutir pour 2017, année où le dispositif existant arrive à échéance. Aucun investisseur n'acceptera de s'engager sans être sûr de bénéficier d'une défiscalisation. Du coup, on tue le dispositif existant. Même si ce sujet ne saurait être traité dans ce projet de loi, il serait opportun que des précisions soient données à notre commission et à l'Assemblée afin que nous puissions traverser le mur de 2017 et offrir un nouvel horizon aux investissements productifs en outre-mer, en particulier dans les collectivités françaises du Pacifique.

Sur la question des armes enfin, madame la ministre, j'ai failli tomber de ma chaise en vous entendant. L'État a pris un décret que le haut-commissaire a découvert dans le Journal officiel… J'y vois un dysfonctionnement majeur. Le projet de texte a en effet été présenté à M. Jean-Jacques Brot lorsqu'il était haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, mais non à son successeur. Un an avant sa parution et selon les modalités prévues par la loi organique, il avait par ailleurs été soumis au gouvernement néo-calédonien, qui avait rendu un avis défavorable. Aussi les choses semblaient-elles devoir en rester là, faute de consensus. Pourtant, à quelques aménagements près, le décret a fini par être publié au Journal officiel !

S'il ne prévoit pas de plafond à la détention d'armes détenues par un particulier majeur, cela n'est dû qu'au fait que le Conseil d'État a jugé qu'il s'agit d'une atteinte à une liberté publique ne pouvant être régie que par la loi. Mais soyez assurés que le décret aurait sinon d'ores et déjà limité cette détention à quatre armes par personne. Pourquoi seulement quatre armes en Nouvelle-Calédonie alors qu'on peut en posséder deux mille sur le reste du territoire national ? Nous aurions pour une fois aimé que, dans ce domaine, on ne fasse pas état de notre spécificité… Comme toute région du territoire national, comme toute campagne française, la Nouvelle-Calédonie a ses traditions de chasse, qu'il s'agisse des propriétaires terriens de souche européenne ou des membres des tribus kanakes. Tout le monde a par tradition une ou plusieurs armes. Cela fait partie du mode de vie calédonien. Et cela ne se limite pas à de la chasse sportive : cela sert à se nourrir. Tous les congélateurs calédoniens, dans les tribus, dans les vallées, dans les villages, sont remplis de viande de cerf ou de cochon sauvage. Et les armes sont transmises de père en fils : c'est ainsi que se retrouvent dans les maisons les armes de ceux qui chassent régulièrement, mais aussi celles des frères, des soeurs, des enfants, des grands-parents.

Pourquoi faudrait-il les limiter à quatre par personne ? Je cherche en vain la réponse à cette question dans le rapport. L'article 17 du projet de loi renvoie seulement à un décret en Conseil d'État pour fixer un plafond. S'agit-il peut-être de démanteler des arsenaux constitués ? Lorsque j'ai demandé si la gendarmerie ou les renseignements généraux en auraient trouvé, il m'a pourtant été répondu que non. Une autre raison, avancée par le haut-commissaire au cours d'un entretien au journal télévisé, serait que l'on tire sur les gendarmes. Certes, à Canala, dans un passage entre deux tribus, une balle est venue perforer la carrosserie d'un véhicule de gendarmerie, certes non blindé. Mais en quoi la limitation de la détention à quatre armes par personne aurait-elle pu protéger les gendarmes de ce tir qui provenait d'une arme unique et très probablement volée ?

Aucun des arguments développés pour justifier cette limitation ne tient. Pire, au lieu de remettre de l'ordre, cela aura l'effet inverse. Comme je l'avais fait à la suite de l'avis du Conseil d'État du 29 janvier sur la possibilité d'inscrire les Calédoniens nés en Calédonie, je vous mets en garde aujourd'hui : si, en application de ce texte, l'État envoie ses agents dans toutes les fermes de Nouvelle-Calédonie pour y compter toutes les pétoires et confisquer celles qui seraient en surnombre – et il peut y en avoir beaucoup : même sans être collectionneur, il arrive d'en détenir une quinzaine –, cela créera inévitablement des désordres.

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