Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 7 juillet 2015 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, ministre :

Il est impossible de répondre à toutes les contributions qui ont été apportées à ce débat.

M. Aboubacar a évoqué la titrisation des parcelles et la stratégie foncière de l'État. Il n'est pas possible de définir une vision stratégique pour l'ensemble de l'outre-mer. Mme Berthelot a raison : nous allons corriger le titre du projet de loi en reprenant le terme « les outre-mer » puisque nous sommes pleinement conscients de la diversité des situations.

À Mayotte, nous avons proposé la création d'un établissement public foncier de l'État afin de permettre à la collectivité d'avancer sur ce sujet compliqué. Vous savez comme moi que la population de Mayotte s'accroît à un rythme très soutenu. Notre volonté de lutter contre l'habitat insalubre ou l'habitat spontané risque de se heurter à cette réalité qui évolue bien plus rapidement que toutes les mesures de modernisation envisagées par l'État et les élus locaux.

Quant à la continuité territoriale, nous voulons garantir la mobilité des jeunes en formation professionnelle. Mayotte profite aujourd'hui assez largement de ce dispositif : c'est même une des îles où il est le mieux utilisé. Le projet de loi de finances pour 2015 a fixé une enveloppe budgétaire car nous ne pouvions pas laisser augmenter indéfiniment ce poste. En revanche, pour la mobilité des jeunes en formation professionnelle, nous finançons ce qui est nécessaire. Vous pensez sans doute aux lycéens – les étudiants sont pris en charge par le dispositif existant. Il fut un temps où les lycéens étaient obligés de venir étudier en métropole. Aujourd'hui, la stratégie de l'État consiste plutôt à construire des établissements scolaires outre-mer. Nous espérons ainsi dispenser des jeunes de devoir quitter leur famille pour étudier au lycée.

Quant au dispositif de lutte contre la vie chère, il semble fonctionner. Nous avons donc intérêt à poursuivre dans cette voie et à intensifier les efforts. Je vous confirme que nous nous battons pour continuer l'excellent travail de Victorin Lurel et garantir aux consommateurs ultramarins qu'ils ne paient pas des sommes indues.

Nous sommes également attentifs à la précarité dans la fonction publique. La difficulté à Mayotte tient au fait qu'il faut intégrer un grand nombre d'agents dans des conditions qui leur permettent d'accéder à des emplois compatibles avec leur formation, améliorer leur formation et veiller à ce que les collectivités ne soient pas écrasées par les coûts. C'est la raison pour laquelle cette intégration est effectuée de manière progressive.

Le député Gibbes nous a rassurés sur l'utilité de ce projet de loi. Il a raison de souligner les particularismes de l'aéroport de Saint-Barthélemy. Je suis soulagée de savoir qu'une compétence spécifique est exigée des pilotes pour y atterrir. Avec le président de la République, nous avons failli ne pas pouvoir repartir puisque, passée une certaine heure, les vols sont interdits. Nous allons étudier vos amendements afin de nous assurer que la situation de Saint-Barthélemy, qui s'apparente à une dérogation permanente, est bien prise en compte. Toutefois, le texte comporte déjà une disposition applicable à Saint-Barthélemy car nous sommes conscients des problèmes spécifiques qui s'y posent.

L'agriculture dans les outre-mer, qu'ont évoquée M. Aboubacar et Mme Berthelot, pose un certain nombre de questions, en particulier à Mayotte et en Guyane. Je ne suis pas convaincue que la SAFER soit la réponse au besoin de performance de l'agriculture. Je veux bien en reparler avec le ministère de l'Agriculture. Nous faisons déjà un pas en créant une structure qui prenne en compte ces problèmes. Si elle ne remplit pas son rôle, nous pourrons envisager d'aller plus loin. Mais il me semble que c'est prendre un risque que de refuser une structure déjà bien lancée pour lui préférer une autre qui n'est pas encore sur les rails. Cette solution de continuité me semble dangereuse, notamment pour l'agriculture.

Je suis en accord sur de nombreux points avec le président Letchimy. La zone des cinquante pas géométriques remonte à l'époque des rois. C'est donc une vieille histoire. Sur ces espaces près des mers se sont installés des gens extrêmement modestes. C'est l'une des raisons pour lesquelles les agences n'ont pas progressé autant qu'il le faudrait : la solvabilité des résidents est parfois un problème difficile à résoudre. Je suis favorable à ce que nous travaillions ensemble avec détermination car il n'est pas satisfaisant de constater que des problèmes identifiés depuis quinze ans n'ont toujours pas trouvé de solution. Puisque ces questions vont être transférées aux collectivités, il faut que, dans le délai de cinq ans, nous réussissions à progresser significativement. L'amendement permettant de déposer des dossiers jusqu'à la fin du délai de cinq ans me semble être une fausse bonne idée : si des dossiers sont déposés à la dernière minute, on ne parviendra pas à résoudre les problèmes dans le délai imparti.

Une grande partie des enfants ou des héritiers de ces occupants sont disséminés sur le territoire métropolitain. Les agences ont donc du mal à retrouver les propriétaires potentiels de ces petites maisons et à reconstituer l'hérédité. Nous devons sortir de cette difficulté. Les agences ont été dotées de moyens : nous devons étudier comment les utiliser le plus efficacement possible pour mener à bien cette affaire de titrisation ; peut-être aussi faudra-t-il faire un choix dans l'affectation des moyens entre les équipements du territoire et la régularisation des situations individuelles.

S'agissant de LADOM, je partage votre analyse sans en tirer les mêmes conclusions. De nombreuses personnes ont quitté les Antilles – la moitié de la population de la Martinique, me semble-t-il – et n'y font donc plus d'enfants. Tant l'État que les régions financent la formation des jeunes. Je suis souvent étonnée de constater que l'on investit beaucoup d'argent pour former les jeunes mais beaucoup moins d'attention pour leur permettre de saisir les opportunités d'emploi dans leur département d'origine. Nous devons réussir à établir une liaison entre LADOM, les collectivités régionales qui souvent connaissent les projets économiques et passent les commandes publiques, et Pôle emploi qui doit associer les jeunes aux opportunités existant sur leur territoire. Je suis persuadée que nous pouvons y parvenir sans mettre en place des usines à gaz. Si, pour commencer, une concertation régulière était organisée entre LADOM, la région et Pôle emploi sur les jeunes diplômés ou formés, susceptibles de revenir dans leur département d'origine, nous aurions déjà significativement progressé. Peut-être devrait-on consacrer un groupe de travail à cette question. Pour l'instant, je ne suis pas persuadée que cette mission doive être confiée à LADOM en tant que telle. Nous avons à créer une structure réunissant les trois entités, qui prenne à bras-le-corps cette question. La situation actuelle n'est pas satisfaisante : souvent, ces jeunes ne se voient pas proposer de mettre leurs compétences au service de la collectivité qui les a aidés à bénéficier d'une formation.

Il est vrai, madame Sage, que ce type de projet de loi est l'occasion de faire surgir ou arriver à maturité des sujets qui sont en discussion depuis un certain temps. Vous avez abordé tant la question de la continuité territoriale au sens où elle est le plus largement entendue que celle de la continuité territoriale interne. Sur ce sujet, il convient de distinguer entre ce qui relève de l'État et ce qui relève de la compétence territoriale, car chacun doit intervenir à l'intérieur de sa sphère de compétences. Pour ce qui est de l'État, il peut, grâce à la défiscalisation des avions, faciliter les mouvements nécessaires entre les îles de la Polynésie française, car la taille de ce territoire rend ces liaisons difficiles à vendre.

Quant à l'homologation des peines, un fort toilettage des textes a eu lieu grâce à vous, mais il est difficile d'arriver en cette matière à l'automaticité, car l'État demeure l'autorité compétente en matière pénale. Je conviens cependant que des lois de pays tardent à être homologuées, ce qui n'est pas satisfaisant du point de vue de la politique pénale, qui mériterait un toilettage régulier.

Mme Lagarde, nous ne sommes pas tout à fait d'accord sur la question des armes, dont on débat depuis plus d'un an. Mais nous nous accordons sur la nécessité d'une concertation approfondie qui doit permettre de rendre ce décret acceptable par tous. Pour ce faire, nous devons pourtant d'abord habiliter le pouvoir réglementaire à le prendre. La concertation sera la plus large possible en Nouvelle-Calédonie, une fois que nous serons habilités. Nous ne remplirions pas nos obligations en ne traitant pas de cette question.

Mme Berthelot a déclaré d'une manière très ferme que nous n'allons pas tomber d'accord, ce qui m'attriste quelque peu… Mais nous ferons tout pour améliorer les choses. S'agissant de l'emploi du terme outre-mer au singulier ou au pluriel, sa suggestion est tout à fait positive. Sur la question du foncier, un certain nombre de rapports concernant la Guyane ont déjà été publiés, car le sujet est ancien : ce territoire a longtemps été marqué par le fait qu'il n'avait qu'une population réduite pour une vaste étendue. Mais cette population se développe beaucoup aujourd'hui, tant et si bien que nous sommes désormais en mesure de mieux tirer parti de ce vaste territoire, pour y faire de l'agriculture et pour y réaliser des équipements. L'État a déjà mis à disposition des terrains pour construire des équipements. Cela étant, lorsque des projets d'aménagement sont adoptés, compte tenu de la vitesse où ils se mettent en place, il n'est pas rare que les parcelles concernées, quand les travaux démarrent enfin, aient fait entre-temps l'objet d'un squat. Ce problème doit être traité.

S'agissant de l'agriculture, la Guyane est certes le poumon de la planète, mais la population doit pouvoir cultiver plus de terrain pour sa subsistance. Peut-être devra-t-on, sur cette question, partir de la réflexion contenue dans les rapports existants ? Je verrai avec M. Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, si l'Agence foncière de Guyane peut être la structure capable de porter certaines missions qui vous semblent indispensables. Mais si nous adoptons de ce projet de loi, car les projets pourront alors démarrer immédiatement, ce qui n'est pas sans intérêt.

La commission des Affaires économiques a abordé la question des observatoires des prix et de leur fonctionnement, du transfert dans de bonnes conditions aux collectivités des agences des cinquante pas géométriques. La lutte contre l'habitat indigne est également au nombre de ses préoccupations, lutte où les collectivités territoriales me semblent s'y être déjà engagées. Malheureusement, ce type d'habitat se reforme pourtant régulièrement. La ville de Pointe-à-Pitre par exemple était un vaste bidonville qui a été totalement reconstruit ; mais quarante ans plus tard, il se recrée de nouveaux bidonvilles… Nous devons motiver les élus en leur donnant le moyen de prendre le problème à bras-le-corps. Des crédits de la politique de la ville et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) sont déjà disponibles pour lutter contre l'habitat insalubre, mais il reste toujours des gens trop modestes pour accéder à l'habitat social. On ne luttera bien avec succès contre l'habitat insalubre que le jour où l'on sera en mesure de faire échapper un plus grand nombre d'habitants des outre-mer.

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