Intervention de Jean-Louis Chaussade

Réunion du 30 juin 2015 à 16h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement :

Vous avez raison, c'est le terme exact. Aujourd'hui, ces centres d'enfouissement technique sont presque tous équipés pour produire du méthane. De la même façon, les grandes stations d'épuration sont presque toutes équipées de systèmes de méthanisation, et celles qui ne le sont pas devraient l'être.

Nous disposons, pour les déchets urbains, d'une usine à Montpellier – il nous a fallu du temps pour la mettre au point, mais aujourd'hui, elle fonctionne bien. La méthanisation agricole est beaucoup plus complexe : l'agriculture est rythmée par les saisons, et les déchets varient donc énormément suivant les périodes, ce qui nous complique la tâche. En Allemagne, cela fonctionne, mais ils ont résolu le problème de façon simple : ils méthanisent du maïs. Ce n'est pas, très franchement, la recommandation que je ferais !

Que faire, ensuite, du méthane produit ? C'est la vraie question. Historiquement, on a plutôt produit de l'énergie électrique, pour réduire par exemple la consommation des stations d'épuration. Mais le rendement est très faible, et nous ferions bien mieux, à mon sens, d'alimenter le réseau de gaz naturel, c'est-à-dire d'utiliser le méthane plutôt pour produire de la chaleur. Nous travaillons sur ces sujets : ainsi, à Strasbourg, nous produisons, à partir des eaux usées, du biométhane qui est ensuite injecté dans le réseau de gaz naturel. D'autres opérations similaires se préparent.

Vous me demandez pourquoi nous ne sommes pas présents en Afrique noire. L'Afrique est indiscutablement le continent de demain, et nous ne pouvons pas la laisser de côté. Nous cherchons à nous y implanter, mais c'est relativement difficile : nos métiers demandent des investissements à long terme, donc des pays sûrs et dont la gouvernance est stable, raisonnable. De plus, nous devons être payés en monnaie locale. Mais nous étudions toutes les possibilités qui s'offrent, et nous accompagnons par exemple les grands organismes internationaux.

S'agissant du « plan de vigilance » des entreprises et de leur responsabilité, nous sommes d'habitude plutôt des apporteurs de solutions, et à ce titre peu concernés. Les entreprises que je connais sont globalement assez responsables, et il faut à notre sens éviter un surcontrôle, un excès de réglementation qui nous pénaliserait par rapport à nos concurrents.

Je veux souligner qu'en matière de santé et de sécurité au travail, les normes, comme les objectifs, sont les mêmes chez nous partout dans le monde. Toutes nos business units doivent progresser, sans quoi leurs managers sont pénalisés. Nos actions en faveur du développement durable comportent un volet sur l'égalité entre hommes et femmes : cela concerne l'ensemble de nos activités, sur toute la planète. C'est, je ne vous le cache pas, plus difficile à mettre en place au Maroc qu'en France, mais ce n'est pas forcément facile en Espagne… De même, nous menons des actions en faveur des seniors, ou encore sur le thème du handicap ou de l'insertion. Sur tous ces sujets, nous avons mis en place des indicateurs, à l'échelle du groupe et à l'échelle de chaque pays, et ces indicateurs progressent.

Pourquoi ne peut-on pas réutiliser l'eau des stations d'épuration ? Car, vous avez raison, c'est légalement impossible. La France étant un pays généralement très bien arrosé, la réutilisation des eaux résiduaires traitées pour l'irrigation ou l'agriculture n'est de toute façon pas indispensable. Mais il faut surtout comprendre que nos métiers – en France comme ailleurs en Europe – sont nés dans les années 1880, après des épidémies qui ont coûté la vie à des milliers de personnes, notamment en ville. Nous partageons donc tous l'idée que l'eau potable doit être d'une qualité extrêmement bonne, et qu'il faut absolument éviter tout contact entre l'eau potable et l'eau résiduaire. Tout ce qui pourrait compromettre la qualité de l'eau et affecter la santé est interdit, par précaution.

Nous avons en ce moment des discussions qui devraient mener à l'autorisation d'utiliser l'eau résiduaire traitée dans certains cas, par exemple l'irrigation d'arbres fruitiers – puisqu'il n'y a aucun contact entre l'eau traitée et le fruit. Nous espérons avoir l'autorisation de lancer des essais avant la fin de cette année. Mais cela reste, dans notre pays, un sujet très sensible.

Je n'ai pas l'intention, Monsieur le président, de me lancer dans la déconstruction des parties chaudes des centrales nucléaires – c'est plutôt le métier d'EDF, d'Areva, d'Engie, que le nôtre. Nous sommes intéressés par certaines tâches que je qualifierai de périphériques : la dépollution, par exemple, de sols pollués au mercure – sujet sur lequel nous travaillons déjà avec Areva et EDF. Nous participerons très certainement à la déconstruction de parties froides de certaines centrales nucléaires, qui sera quelque chose de très important.

S'agissant du sous-investissement dans les réseaux, je vous ai dit ma conviction profonde : si, après les deux grands cycles d'investissement du XXe siècle, nous cessons d'investir, alors nous allons au-devant de graves ennuis. Une question a été posée sur les médicaments et les perturbateurs endocriniens. Ces pollutions dont nous ne connaissons pas les conséquences pour la santé de nos concitoyens constituent un problème sérieux, qu'il faut prendre à bras-le-corps. Il faut commencer par absorber moins de médicaments et par en jeter moins ; il faudra aussi mettre au point des traitements – bactériologiques ou chimiques –, ce que nous nous efforçons de faire.

S'agissant enfin de nos grandes orientations en matière de recherche, je citerai quelques grands enjeux.

Le dessalement de l'eau doit devenir vraiment universel et, pour cela, il faut diminuer la consommation énergétique de la production d'eau potable à partir d'eau salée. Pour dessaler l'eau de mer par osmose inverse, il faut une pression de 80 bars environ, ce qui est extrêmement énergivore. Énormément d'efforts ont été faits au cours des vingt-cinq dernières années : nous sommes passés de 15 à 2 kilowatts par mètre cube. Une baisse supplémentaire d'un tiers de la consommation d'énergie permettrait de rendre le dessalement accessible vraiment à toute la planète ; nous y travaillons. Cela peut durer cinq, dix, quinze, vingt ans, mais il peut aussi y avoir des ruptures. J'estime qu'il faut que nous soyons présents dans ce domaine.

Un autre axe très fort concerne les plastiques. C'est un domaine dont vous n'imaginez pas la difficulté… Très facile à produire, le plastique est très difficile à recycler. Cette petite bouteille d'eau que j'ai devant moi comprend déjà trois composants : le bouchon, sans doute un PEHD, le corps de la bouteille lui-même, sans doute du PET, et du papier pour l'étiquette. Et puis il y a des couleurs différentes, toutes les bouteilles ne sont pas conçues de la même façon… et quand cela arrive chez nous, tout est mélangé ! Il faut donc trier. De plus, beaucoup de nos clients demandent du plastique blanc, alors que les plastiques sont par nature colorés : nous faisons ainsi des recherches sur le blanchiment des plastiques, afin d'arriver à une réutilisation intelligente et, surtout, qui permette de créer de la valeur.

C'est en effet par là que je voudrais terminer. Beaucoup de questions portaient sur l'économie circulaire : celle-ci ne peut pas fonctionner si les filières qui sont mises en place ne sont pas rentables, ou si les variations du prix des matières premières vierges sont telles que des installations qui demandent des investissements importants – 50, 100 millions – perdent de l'argent dès leur ouverture. Il y a un problème technologique – nous devons améliorer nos installations pour traiter et trier de mieux en mieux. Il y a aussi un problème normatif – il faut définir les usages autorisés des plastiques recyclés. Mais il faut surtout déconnecter le prix de ces matières secondaires du prix des matières premières vierges. C'est pour ces raisons qu'il faudrait, comme je le disais, donner un prix au carbone : c'est un bon moyen, parmi d'autres, d'arriver à ce résultat.

Je vous renouvelle mes excuses : je dois maintenant partir. Mais je serai tout à fait ravi de vous recevoir dans nos laboratoires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion