Intervention de Philippe Debrosse

Réunion du 23 juin 2015 à 17h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Debrosse, directeur des soutiens et des finances de la direction générale de la Gendarmerie nationale :

Dans le cadre du plan de lutte antiterroriste – LAT –, dont la mise en place a été décidée en début d'année, il est prévu de créer, pour la gendarmerie, 100 ETP en 2015, 55 en 2016, puis le même nombre en 2017. Ces personnels seront pour partie affectés au renseignement territorial, et pour partie dans des services spécialisés. Ils pourront aussi être chargés de missions de renseignement dans certaines villes qui connaissent des faits de délinquance un peu spécifiques, comme Lunel, où se trouve une importante filière djihadiste.

Il n'est évidemment pas possible de recruter cent personnes au pied levé. Dans un premier temps, l'opération s'effectue en conséquence par redéploiement. Nous avons augmenté les effectifs d'entrée dans les écoles pour répondre au besoin, mais nous redéployons aussi des personnels par voie de mutation sur les postes créés qui nécessitent une certaine expérience. Nous comptons parvenir à les pourvoir tous lors du plan de mutation annuel de l'été 2015, une partie des effectifs étant déjà en place.

Une importante masse budgétaire a par ailleurs été débloquée pour l'emploi de la réserve. Alors que 40 millions d'euros sont traditionnellement consacrés aux réservistes, 9 millions supplémentaires ont été consentis dans le cadre du plan de lutte antiterroriste, ce qui représente 100 000 jours de réservistes en moyenne annuelle, soit près de cinq cents ETP d'active. L'avantage des réservistes, c'est qu'ils existent et ont donc pu être immédiatement déployés : 36 000 « jours-réservistes » supplémentaires ont d'ores et déjà été mis en oeuvre dans le cadre du plan LAT. L'effet est quasi immédiat : il suffit d'augmenter le nombre de jours octroyés.

Monsieur Francina a évoqué le fait que nos unités sont très fortement sollicitées depuis le début de l'année. Cette question nous préoccupe. À ce stade, le nombre de jours d'emploi des escadrons de gendarmerie mobile équivaut à celui constaté l'année dernière à la même époque. Nous parvenons donc à peu près à maîtriser la charge de travail, mais nous ne disposons d'aucune marge de manoeuvre. Cet été, dans le cadre des renforcements saisonniers, nous devrions déployer trente escadrons, comme en 2014, mais nous ne disposerons plus que de deux escadrons en réserve. Il ne faudrait donc pas que se produise un événement d'ampleur, ce qui nous obligerait à procéder à des redéploiements.

Il va de soi que les réservistes impliqués dans le plan de lutte antiterroriste se consacrent aussi à la sécurité générale, ce qui constitue un renfort appréciable dans les unités. Leur arrivée dans les brigades de gendarmerie est un élément visible et immédiatement perceptible. Ils peuvent par exemple permettre aux personnels de prendre des repos et les aider dans des services particuliers, comme le Tour de France ou des événements divers.

Nous restons évidemment très attentifs à tout ce qui peut advenir. Ainsi, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP21, qui se tiendra à Paris à la fin de l'année, devrait nous solliciter fortement.

Une hausse de l'indemnité journalière d'absence temporaire a récemment été décidée pour les CRS et les gendarmes mobiles. Il s'agit aussi d'une manière de compenser ou de prendre en compte les charges de travail particulières et les spécificités des emplois concernés.

En ce qui concerne les dépenses hors titre 2, ce sont les achats de matériels de protection – gilets pare-balles, véhicules blindés pour les pelotons qui n'en étaient pas dotés, de munitions – qui ont été privilégiés, afin de compléter les dotations des militaires. Des efforts ont également été consentis en matière de formation des militaires d'active et des réservistes, de moyens d'information et de communication et de moyens d'investigation comme les drones. Une partie de ce financement provient des crédits ouverts dans le décret d'avance, une autre partie est autofinancée, mais nous comptons évidemment sur la levée de la mise en réserve pour boucler l'opération. Cette décision nous a permis d'anticiper la commande d'environ 900 véhicules qui commencent aujourd'hui à équiper les unités. Il ne s'agit peut-être pas très directement de la lutte antiterroriste, mais, lorsqu'un véhicule neuf arrive dans une brigade, cela fait des heureux !

Monsieur le rapporteur spécial, la Cour des comptes évoque un coût de 168 millions d'euros concernant le plan PAGRE. Je m'inscris en faux concernant l'appréciation relative à l'absence de réflexion stratégique. Il suffit de regarder la pyramide des grades de la gendarmerie pour constater qu'elle ressemble à une véritable pyramide. Le nombre d'officiers a augmenté, mais, entre le lancement du plan initial, pour lequel on comptait plus de 9 000 officiers, et aujourd'hui, nous avons fait marche arrière, puisque nous ciblons environ 6 400 officiers. Il faut aussi relativiser, car une bonne part des postes d'officiers est créée à partir de ceux autrefois occupés par des sous-officiers. Il s'agit évidemment d'une importante évolution symbolique et d'une reconnaissance personnelle, professionnelle et sociale, mais il faut bien admettre que, en termes budgétaires, la différence de rémunération entre un lieutenant ou un capitaine et un adjudant-chef ou un major est extrêmement faible : il se passe de longues années avant qu'un effet se fasse vraiment ressentir sur la solde. Cela explique notamment que le coût par ETP n'ait pas progressé au-delà de l'inflation. Le pouvoir d'achat de l'ETP gendarmerie n'a pas évolué. Il est vrai que la gendarmerie bénéficie d'un léger avantage par rapport à la police : le fait que les carrières y sont un peu plus courtes et la non-application des mesures qui permettent de rester en poste très au-delà de la limite d'âge nous permettent d'avoir un glissement vieillesse technicité – GVT – négatif significatif grâce au départ à la retraite, qui permet de contenir la pression sur la masse salariale. Je n'évoque évidemment pas l'impact du CAS Pensions.

Un projet de création d'une école à Dijon est actuellement à l'étude pour répondre aux besoins en capacités de formation. À l'occasion de ce travail, plusieurs pistes de mutualisation ont été évoquées : celles relatives aux chiens ou aux motos en ont bien fait partie, parmi de nombreuses autres. Notre principale préoccupation reste d'augmenter nos capacités, car nous avons besoin de désengorger les écoles de Châteaulin et de Chaumont, dans lesquelles les élèves sont à l'étroit. Nous savons aussi que nous devrons faire face à une augmentation des départs à la retraite à partir de 2017. La base de Dijon bénéficie d'installations qui permettront de la transformer en école.

Nous travaillons à la mutualisation de certaines formations techniques ainsi qu'en matière de police technique et scientifique. Nous devons aller encore plus loin. L'un des principaux problèmes que nous rencontrons tient, si l'on passe outre les phénomènes culturels traditionnels, aux différences entre les protocoles de travail qu'il faut faire évoluer.

J'en viens à la différence entre les postes créés et les postes pourvus. En 2014, la création de 162 ETP était autorisée dans le cadre du budget. Dans le même temps, un certain nombre d'ETP ont été réaffectés à l'administration pénitentiaire, qui a repris une partie des missions de transfèrement, et environ 260 ETP sont passés du programme Gendarmerie au programme Police dans le cadre de la création des SGAMI. En sens inverse, des personnels de la police affectés au service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure ou au SAELSI ont été intégrés dans le programme Gendarmerie. Il ne suffit pas de regarder le solde mais de connaître le détail des évolutions infra-annuelles.

Nous sommes en mesure d'identifier les 2 000 « trous à l'emploi » puisque nous disposons d'un tableau des effectifs autorisés, qui précise les effectifs théoriques, unité par unité, à partir des dispositions votées en loi de finances. En revanche, la construction budgétaire ne nous permet pas de financer l'intégralité de ces postes. Si nous voulions créer les 2 000 effectifs qui n'existent pas, nous aurions besoin d'une dotation équivalente à la charge salariale en question, additionnée de quelques crédits de fonctionnement. Cette identification permet d'adapter notre présence en fonction de l'actualité et des évolutions de la délinquance et des besoins. Je ne dirais pas que nous « gérons la pénurie », mais plutôt que nous disposons d'une base de travail qui nous permet d'effectuer les ajustements de la manière la plus rationnelle possible.

Il n'est pas possible de réduire le problème de la pression en effectifs et de l'évolution de la délinquance à un chiffre comme le taux d'élucidation. N'oublions pas que la gendarmerie assure une présence sur le territoire. J'ai visité, il y a quelques semaines, un groupement de gendarmerie dans le Sud-Ouest. En une année, on y décompte par exemple cinquante faits constatés par une brigade composée de six personnes, située dans une zone très peu peuplée. La question du bien-fondé du maintien de cette brigade pourrait se poser, mais la nécessité d'une présence sur le territoire induit des diversités de charge de travail et de taux d'élucidation – si l'on rapporte le nombre d'actes délictueux aux ETP, il n'y a aucune comparaison possible entre cette brigade et une autre se trouvant à la périphérie d'une grande ville.

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