Intervention de Brigitte Allain

Séance en hémicycle du 25 juin 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, je veux d’abord excuser mon collègue Sergio Coronado, chef de file du groupe écologiste sur ce projet de loi, que mes convictions permettront, je l’espère, de suppléer.

L’asile est un des piliers de notre tradition républicaine et la France est perçue, dans nombre de pays – et surtout par les militants pour la liberté – comme une terre d’asile.

Nous étudions aujourd’hui ce projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile dans un contexte grave. En raison de conflits armés dramatiques aux portes de l’Europe, des milliers de personnes fuient leur pays, dans des situations affreuses : 3 419 migrants sont morts en mer l’an dernier.

Sur l’asile comme sur l’immigration, il nous faut combattre les idées reçues et les discours démagogiques, et rappeler que la France est au huitième rang des pays européens les plus condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme pour manquement à ses obligations en la matière.

Il faut rappeler que la France est, parmi les cinq pays d’Europe rendant le plus grand nombre de décisions par an, celui qui accède le moins facilement aux demandes d’asile. Celles-ci ont reçu dans notre pays 17 % de réponses positives en 2013, contre 26 % en Allemagne, 38 % au Royaume-Uni et 53 % en Suède.

Notre système d’hébergement d’accueil est sous-doté. Au ler janvier 2014, 45 319 personnes étaient en attente d’une place en CADA. Les demandeurs d’asile sont plus nombreux dans les hébergements qui ne leur sont pas destinés que dans ceux qui leur sont réservés. À ce sujet, nous saluons le plan présenté il y a quinze jours par le Gouvernement.

Il est difficile de croire que le pays des droits de l’homme attire si peu les vrais réfugiés politiques, et en tous cas moins que le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Suède.

Le projet de loi vise à transposer de nouvelles directives européennes, adoptées en juin 2013. Il s’agit, notamment, de pouvoir statuer rapidement sur les demandes d’asile en parvenant à un délai moyen d’examen de neuf mois et de renforcer les garanties des personnes ayant besoin d’une protection.

Le texte permet d’incontestables progrès pour les demandeurs d’asile et les bénéficiaires de ce statut. Tout d’abord, il facilite l’enregistrement des demandes qui devra être fait dans les trois jours. Il ouvre un droit d’assistance pendant l’entretien à l’OFPRA, en prévoyant la présence d’un avocat ou d’un représentant d’une association, dispositif qui a déjà été expérimenté.

Il modifie la composition du conseil d’administration de l’OFPRA et permettra une saisine parlementaire et associative de la liste des pays sûrs. Notre groupe conteste cette notion de pays sûr qui dépend parfois plus du nombre de ressortissants qui demandent l’asile dans notre pays que de la sûreté réelle du pays d’origine. Mais cette saisine permettra un meilleur suivi de cette liste.

Ce texte facilite également le regroupement familial des réfugiés et améliore la gestion de leurs titres. À l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, le statut des apatrides a été inscrit dans la loi.

Il offre par ailleurs aux demandeurs d’asile en rétention ainsi qu’à ceux soumis au régime du règlement européen dit de Dublin la possibilité de former un recours suspensif. Nous regrettons cependant que ce droit soit si limité.

Le projet de loi ouvre également le droit à la formation et au travail pour les demandeurs d’asile lorsque, au terme d’un délai de neuf mois, l’OFPRA n’a pas statué sur leur sort. Nous regrettons, là aussi, une transposition a minima de la directive. L’idée que l’octroi du droit de travailler aux demandeurs d’asile agit comme un facteur d’attraction supplémentaire est contestable.

C’est en effet l’Allemagne qui enregistre le plus grand nombre de demandeurs d’asile aujourd’hui, mais ce sont la Finlande, l’Espagne et la Suède qui autorisent les demandeurs d’asile à travailler avant la fin du délai de neuf mois.

Le travail est un vecteur fort d’intégration, de dignité et d’autonomie. C’est pourquoi nous proposons un amendement visant à assouplir les conditions d’accès.

Ce texte fait également l’objet de vives préoccupations, qui ont été relayées tant par les associations que par le Défenseur des droits ou la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Ce projet de loi est censé permettre d’écarter rapidement les demandes infondées au profit des personnes qui ont réellement besoin de protection. En différenciant les bons et les mauvais demandeurs, on introduit l’idée fausse que le détournement de la procédure d’asile serait aujourd’hui la règle. Nous ne partageons pas cette conviction, cela ne correspond pas à la réalité. L’augmentation des demandes d’asile s’explique pour l’essentiel par la multiplication des conflits armés visant des populations civiles et des guerres.

Je voudrais également mettre l’accent sur l’accélération des procédures. Il faut assurer la difficile conciliation entre la volonté de statuer rapidement, dans un délai moyen de neuf mois, sur les demandes d’asile et l’impératif du respect des droits.

Le texte multiplie les hypothèses dans lesquelles les procédures peuvent être accélérées et renforce le rôle joué par le préfet dans le déclenchement d’une procédure de rejet. Le fait d’être ressortissant d’un pays considéré comme sûr, d’avoir déposé une demande tardive, d’avoir brûlé ses empreintes aura pour conséquence la mise en oeuvre de la procédure accélérée, pour une obligation de quitter le territoire.

Sur cette procédure accélérée, la réforme se ferme à la collégialité de la Cour nationale du droit d’asile, pourtant indispensable pour juger des situations diverses et complexes. La collégialité est essentielle en matière d’asile. Ainsi, l’assesseur nommé par le Haut commissariat aux réfugiés apporte une connaissance fine du terrain, des conflits et des situations géopolitiques.

Le texte prévoit aussi le maintien en zone d’attente des mineurs non accompagnés, à titre exceptionnel. Nous sommes opposés à cette exception, et nous le rappellerons en séance. Il prévoit même la possibilité que des mineurs isolés soient jugés en procédure accélérée, alors que, pour nous, un mineur doit être spécialement protégé, soutenu et pris en charge.

Nous contestons aussi l’hébergement directif, faisant d’un réfugié un prisonnier plutôt qu’un étranger reçu dans notre pays. En cas de refus de l’hébergement proposé, le demandeur perdra en effet son droit aux allocations et, en cas d’absence injustifiée, sa demande sera examinée en procédure accélérée. Le caractère contraignant de ce dispositif ne fait pas honneur à un pays d’accueil.

Ces points d’opposition sont connus. Nous les avons déjà soulignés en première lecture, au Sénat et en commission.

En première lecture nous avions noté les avancées apportées par notre assemblée à ce projet de loi, à l’initiative notamment de la rapporteure, dont je salue le travail. Néanmoins, compte tenu des nombreux problèmes posés par le texte en termes de procédure, nous nous étions abstenus.

Le Sénat a considérablement durci le texte,…

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