Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 15h00
Précision de l'infraction de violation de domicile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

On peut dès lors regretter l’approche initiale de nos collègues sénateurs. Je souhaite que la nôtre se focalise sur cet enjeu de violation de domicile, problème que nous devons tenter, sinon de régler, du moins d’aborder avec des solutions efficaces.

Le rapporteur Marc-Philippe Daubresse s’est placé dans ce cadre, ce que nous avons apprécié. La preuve en est que nous nous sommes abstenus en commission des lois dans l’espoir d’aboutir au vote conforme que le Gouvernement appelle par ailleurs de ses voeux.

La conception de la version initiale était assez singulière. D’abord, on portait le délai de la flagrance à quatre-vingt-seize heures. Ensuite, on modifiait l’article 38 de la loi DALO pour permettre au maire, à défaut d’initiative du propriétaire – seul le propriétaire était mentionné ! –, de demander une reprise d’action.

Le Sénat a eu raison d’écarter ces deux hypothèses qui n’étaient pas au coeur du problème et qui soulevaient d’énormes difficultés.

S’agissant de la prolongation de la flagrance, vous savez que la notion de délai de flagrance n’existe pas en termes de construction pénale. C’est une interprétation de la jurisprudence, qui laisse toujours au juge le soin de l’apprécier.

Quant à l’intervention des maires, Arnaud Richard, qui a participé comme moi aux débats, sait que cela ne correspond pas à l’esprit de la loi DALO. Le dispositif législatif qui a été introduit avait pour objet de conforter le reste du texte, dont la vocation était d’affirmer le droit au logement – celui dont l’État est responsable et que chaque citoyen peut opposer.

Le Sénat a donc repris le dispositif et s’est placé dans le cadre de l’article 226-4 du code pénal, examinant les difficultés posées par son application. Arnaud Richard l’a dit, la notion de violation de domicile est problématique et l’appréciation qui en est faite par la jurisprudence insatisfaisante. Par amendements, j’ai proposé de préciser cette notion. Si nos collègues du groupe Les Républicains retirent leurs amendements pour que nous puissions adopter un texte conforme, nous retirerons les nôtres. Il nous reviendra alors de préciser la notion de violation de domicile dans un autre cadre législatif.

Il nous faut considérer la contradiction manifeste du dispositif pénal : en effet, les manoeuvres et voies de fait caractérisent l’introduction dans le domicile, mais traduisent aussi – c’est l’interprétation assez partielle de la jurisprudence – l’hypothèse du maintien dans le domicile.

Une circulaire ministérielle a écarté cette interprétation, considérant que le délit était en quelque sorte continu, ce qui était en soi peu satisfaisant. Comme le ministre l’a rappelé, une jurisprudence de la Cour d’appel de Paris est venue contredire cette hypothèse. Ainsi, le maintien dans le domicile peut être caractérisé par des manoeuvres ou voies de fait. Comme il est très complexe de réunir les éléments constitutifs, l’incrimination du maintien est pratiquement impossible.

Nos collègues sénateurs ont donc décidé de s’en tenir à une redéfinition de l’incrimination, en distinguant l’introduction dans le domicile – caractérisée par les manoeuvres et voies de fait – du maintien dans le domicile, puni des mêmes peines.

Par amendement, nous avons proposé de retenir l’hypothèse que le maintien dans les lieux devait être occulte ou dissimulé. Cela évite les situations dans lesquelles le titulaire de la domiciliation, après avoir accepté l’occupation pendant des mois, déciderait de se lancer dans une procédure au pénal.

Mais je le répète, chers collègues, le groupe socialiste, républicain et citoyen est d’accord pour retirer ces deux amendements, si notre assemblée adopte, à l’unanimité, le texte issu du Sénat. Cela ne nous exonère pas de revisiter la loi concernant les notions de domicile et de maintien dans le domicile d’autrui.

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