Intervention de François Rochebloine

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 9h30
Signalement de la maltraitance par les professionnels de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en matière de maltraitance, les chiffres évoqués par M. le rapporteur sont préoccupants : 98 000 cas connus d’enfants en danger, dont 19 000 sont victimes de maltraitance et 79 000 se trouvent dans des situations à risque. Ces chiffres contrastent avec le faible nombre de signalements d’enfants en danger, de l’ordre de 5 %, effectués par le secteur médical.

La proposition de loi déposée par nos collègues du groupe Les Républicains vise à répondre à ce véritable problème de société, qui touche non seulement les enfants, mais également de nombreuses femmes, ainsi que des personnes vulnérables, handicapées ou âgées.

Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que la lutte contre la maltraitance des enfants ou des personnes vulnérables est une cause hautement prioritaire. Il est capital, en effet, de renforcer la détection précoce et la prise en charge des situations de maltraitance, tout en protégeant les professionnels et auxiliaires médicaux contre l’engagement de leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire.

Les médecins, certains membres des professions médicales et auxiliaires médicaux, sont souvent les acteurs de proximité qui sont les mieux placés pour identifier les signes d’une maltraitance. Pourtant, la plupart des cas ne sont pas signalés et les signalements provenant des professionnels de santé sont loin de représenter la majeure partie des signalements.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la faible utilisation de la procédure de signalement.

Cette situation peut résulter d’un défaut de formation des médecins. Les signes de maltraitance peuvent être difficiles à détecter et ne se traduisent pas toujours par des manifestations évidentes.

Au-delà de la détection des signes eux-mêmes, le médecin n’a pas toujours connaissance des outils dont il dispose : la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, la CRIP, ou encore la possibilité de saisir le procureur de la République.

En outre, on peut aisément comprendre que la peur des poursuites judiciaires et disciplinaires en cas de fausse dénonciation, la crainte de manquer à leur devoir de loyauté puissent faire reculer les médecins au moment de décider d’effectuer un signalement. Une dénonciation n’est pas anodine, elle va entraîner les médecins dans une procédure judiciaire dont ils ne sont pas toujours familiers.

Il ne faut pas négliger les conséquences auxquelles s’exposent les médecins, en particulier en cas d’erreur : rupture de la personne signalée avec sa famille, coût humain et social de la procédure, mais aussi conséquences sur la réputation du médecin. Ce dernier est alors placé devant un véritable cas de conscience.

Pour améliorer ces situations, la confiance et la protection doivent être renforcées tant du côté de la victime que de celui du médecin, afin de briser le silence et de libérer la parole.

Initialement, la proposition de loi déposée au Sénat mettait en place une obligation de signalement. Cette disposition aurait posé des difficultés car, si le médecin ne signale pas une situation de maltraitance, il risque de voir sa responsabilité civile engagée, alors même que ces situations sont, dans 90 % des cas, difficiles à caractériser. À l’inverse, pour satisfaire à cette obligation, les médecins seraient contraints de signaler le moindre fait. Dès lors, il deviendrait très difficile pour le procureur d’identifier les signalements de situations particulièrement dangereuses. Par ailleurs, cette nouvelle obligation pourrait mettre en danger les victimes mineures ou incapables, qui risqueraient de se voir privées de soins, les auteurs des sévices hésitant à présenter la victime à un médecin par crainte d’être dénoncés.

Le texte tel qu’il est présenté à l’Assemblée nationale ce matin semble plus satisfaisant. Parce que les médecins doivent aussi se sentir en confiance, l’affirmation claire de l’irresponsabilité civile, pénale et disciplinaire du médecin est essentielle.

L’autre intérêt de cette proposition de loi est qu’elle étend le champ d’application du dispositif à l’ensemble des membres des professions médicales et auxiliaires médicaux, infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes et autres.

Le médecin de famille, par la stature qu’il a et la confiance qu’il est censé inspirer, n’est paradoxalement pas toujours le mieux placé pour procéder à un signalement. Il est donc nécessaire d’associer d’autres acteurs à cette procédure. Permettre à l’ensemble du personnel paramédical et aux auxiliaires médicaux d’être également couverts par l’immunité pénale en cas de violation du secret professionnel est de ce fait une initiative que l’on peut saluer.

Ainsi que je l’ai indiqué, l’impact humain et social d’un signalement est lourd. Il peut conduire, en cas d’erreur, à la destruction d’une famille ou de la carrière professionnelle de la personne soupçonnée. Le renforcement de la formation au repérage des signes de maltraitance, prévu à l’article 2, est donc nécessaire, afin d’atténuer les doutes et les hésitations des médecins et de les aider à établir leur diagnostic.

Enfin, la proposition de loi permet aux médecins de solliciter directement la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. Cette mesure devrait également favoriser l’intervention des médecins. Ces derniers sont généralement plus enclins à dialoguer avec cette cellule qu’à s’adresser directement à l’autorité judiciaire.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les députés du groupe UDI voteront en faveur de cette proposition de loi de bon sens, qui, nous l’espérons, permettra d’encourager les signalements de maltraitance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion