Intervention de Daniel Gibbes

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 9h30
Signalement de la maltraitance par les professionnels de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes, mes chers collègues, l’unanimité est rare dans notre hémicycle et il est d’autant plus important qu’elle existe, aujourd’hui, sur le délicat sujet que nous abordons : le signalement de la maltraitance.

On ne peut donc que se féliciter que sur ce sujet, qui concerne la protection des personnes vulnérables, chaque groupe ait, en commission des lois, apporté son soutien au texte adopté par nos collègues du Sénat. Je remercie notre rapporteur Olivier Marleix pour son excellent travail sur ce texte et notre président de groupe qui l’a inscrit dans notre journée d’initiative parlementaire.

Tout d’abord, je voudrais écarter un reproche qui nous a été fait la semaine dernière, lors de la réunion de la commission des lois. Pourquoi ne pas avoir introduit le dispositif proposé par ce texte, par voie d’amendement, dans la proposition de loi sur la protection de l’enfant discutée ici même, le 12 mai dernier ?

Il y a, mes chers collègues, deux raisons à cela. D’abord, si ce texte concerne évidemment, en premier lieu, des enfants, sa portée est un peu plus large que la protection du seul enfant puisqu’il s’applique également aux femmes battues et aux personnes âgées maltraitées.

Ensuite, parce que si ce texte est adopté conforme, comme l’a demandé notre rapporteur Olivier Marleix, il deviendra alors immédiatement applicable, contrairement à ce qui a été dit par une de nos collègues en commission. Nous allons donc, sur ce sujet grave, gagner du temps.

En effet, l’examen en seconde lecture de la proposition de loi de protection de l’enfant n’a pas été inscrit à l’ordre du jour du Sénat et personne ne sait quand il le sera. En revanche, mes chers collègues, en adoptant aujourd’hui ce texte, tel qu’il a été travaillé par nos collègues sénateurs, nous ferons avancer très concrètement les moyens offerts par notre législation pour protéger les plus faibles de nos concitoyens.

Sans signalement, aucune protection n’est possible : les cas susceptibles de faire l’objet de mesures de prévention ne peuvent pas être repérés, et il n’est pas possible de prendre des mesures d’intervention en milieu ouvert ni des décisions de placement. Le signalement est donc bien la clé de tous ces dispositifs que nous pouvons mettre en oeuvre.

Si nous ne travaillons pas sur la manière dont il s’opère, si nous ne savons pas créer des conditions pour que les personnes compétentes y aient systématiquement recours lorsqu’elles perçoivent un danger, nous nous heurterons au mur du silence et à l’incapacité des services compétents à apporter l’aide nécessaire.

Or, cela a déjà été dit à plusieurs reprises, on s’aperçoit aujourd’hui que la grande majorité des signalements concernant les enfants visent d’abord les parents eux-mêmes et sont émis par des voisins ou des amis qui ont des doutes.

En revanche, contrairement à ce que l’on pourrait penser a priori, les signalements faits par les professionnels de santé sont rares, pour ne pas dire rarissimes. Alors qu’ils devraient constituer, et constituent très souvent, le recours naturel des personnes battues, leurs signalements ne représentent que 5 % des signalements d’enfants en danger, dont 1 % seulement par les médecins libéraux.

Il est donc légitime de se poser des questions, de tels chiffres sont assez inquiétants. Cela a été dit, les raisons en sont multiples. Outre les risques encourus pour violation du secret professionnel, il existe un manque de formation. C’est la raison d’être de ce texte.

Alors que plusieurs pays européens – la plupart des pays scandinaves, l’Espagne, l’Italie ou l’Autriche – ont surmonté la difficulté en instaurant une obligation de signalement, cette obligation, qui a constitué la piste de départ de ce texte, n’existe en France que pour les médecins fonctionnaires.

Ce n’est finalement pas cette solution que nous allons mettre en oeuvre, et ce qui nous est proposé ici est plus prudent. En effet, on risquait, par l’instauration d’une seule obligation de signalement, de dissuader la victime ou le représentant légal de la victime de se présenter chez le médecin, par crainte de faire l’objet d’un signalement systématique.

Il nous est donc proposé ici, premièrement, de renforcer le principe d’irresponsabilité pénale, civile et disciplinaire du médecin qui effectue un signalement, pour éviter les procédures contre les médecins signalant des situations de maltraitance ; deuxièmement, de faciliter la transmission de ces signalements, qui pourront être adressés à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes ; et, troisièmement, d’étendre aux membres des professions médicales et aux auxiliaires médicaux la procédure de signalement et la protection qui en découle. Enfin, pour compléter le dispositif, le texte prévoit la mise en place d’une formation aux modalités de signalement des situations de violences aux autorités administratives et judiciaires.

Il a été trouvé, avec ces mesures concrètes, un équilibre qui me semble de nature à faciliter le recours au signalement de la maltraitance sans risquer d’être contre-productif. Telle est notre volonté partagée. C’est pourquoi notre groupe soutient ce texte sans réserve et engage nos collègues sur tous les bancs à confirmer le vote conforme qui a eu lieu en commission.

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