Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 9h30
Expérimentation d'un service civique de défense — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaiterais vous faire part de quelques observations concernant la proposition de loi de notre collègue Yves Fromion.

Je suis particulièrement sensible aux questions que le texte soulève, car il touche au lien qui existe et doit être renforcé entre la population française et nos armées. On constate en effet qu’en raison du rôle que celles-ci jouent dans la sécurisation et le maintien de la paix dans le monde, mais aussi des missions qu’elles assurent suite aux attaques de janvier dernier, nos concitoyens restent attachés aux femmes et aux hommes engagés sous les drapeaux. Ce que l’on nomme le lien armée-Nation demande à être renforcé, et cela passe notamment par le développement d’un véritable esprit de défense, c’est-à-dire l’adhésion de la Nation aux efforts consacrés à l’appareil de défense grâce à une bonne compréhension des enjeux et à une préparation aux crises.

À la suite des événements de janvier, nous avons également perçu la nécessité de renforcer le sentiment d’appartenance républicaine chez nombre de nos compatriotes.

Pour répondre à ces deux besoins et aux attentes des Français, plusieurs dispositifs existants pourraient monter en puissance.

La commission de la défense a lancé en décembre dernier une mission d’information, dont je suis le co-rapporteur avec ma collègue Marianne Dubois, consacrée au bilan et à la mise en perspective des dispositifs citoyens du ministère de la défense.

Dans ce cadre, nous nous sommes attachés à évaluer la cohérence globale des différents dispositifs, à détecter d’éventuels doublons et à envisager les perspectives de progrès possibles. Sans révéler la totalité de nos travaux, je peux affirmer ici que, si des améliorations sont certes envisageables, le corpus du dispositif fait actuellement sens. Il semble donc peu opportun d’ajouter un service civique de défense, aux attributions par ailleurs floues, à un ensemble cohérent.

Le ministère de la défense, impliqué au premier chef, remplit actuellement de nombreuses missions par ces mécanismes pour répondre aux enjeux qui parcourent la société française.

Sur la question de la défense de notre territoire, l’actualisation de la loi de programmation militaire, votée mardi dernier, prévoit une adaptation des déflations initialement prévues. L’opération Sentinelle, déployée depuis plusieurs mois sur le territoire national, assure une présence de 7 000 à 10 000 militaires pour assurer la sécurité de nos concitoyens mais aussi la sécurisation des lieux sensibles. La loi de programmation militaire prévoit également le développement de la réserve par le recrutement de 12 000 nouveaux réservistes, avec une enveloppe augmentée de 75 millions d’euros. Ce recours aux réservistes opérationnels permettra d’assurer les missions de sécurisation, de protection et d’intervention au profit des populations, ce qui rencontre, monsieur le rapporteur, vos demandes.

Le service civique actuel, dont l’esprit promeut le volontariat au service de l’intérêt général, répond au besoin d’engagement républicain de la jeunesse. Ce dispositif va être renforcé, c’est le projet du Gouvernement, pour permettre à 150 000 jeunes d’en profiter d’ici 2016.

Mais le ministère de la défense et les armées participent également à la lutte contre l’exclusion des jeunes. L’établissement public d’insertion de la défense, ou EPIDE, le service militaire adapté et le tout nouveau service militaire volontaire offrent l’opportunité concrète de donner une seconde chance à ces jeunes en transmettant les savoir-être et savoir-faire de nos armées à travers un encadrement militaire et des formations propres à favoriser la réinsertion. Le ministère de la défense a sous sa tutelle, conjointement avec les ministères chargés de l’emploi et de la ville, l’établissement public d’insertion de la défense. Depuis sa création, sous la précédente majorité, en 2005, celui-ci propose des parcours d’insertion à 3 000 jeunes par an, dans dix-huit centres répartis sur le territoire métropolitain. Son succès n’est plus à démontrer puisque huit volontaires sur dix sont insérés en entrant dans la vie active. D’ailleurs, j’ai pu observer que l’objectif initialement prévu par le ministre de la défense de l’époque était très supérieur, mais qu’il y avait des difficultés pour l’atteindre. Il est bon de le rappeler, quand même, parce que le volontariat a ses limites, au plan du nombre.

L’expérimentation du service militaire volontaire, qui débutera au mois de septembre 2015 avec l’ouverture des deux premiers centres, remplira les objectifs d’insertion citoyenne et professionnelle des jeunes les plus en difficulté sur lesquels vous insistez. En effet, le SMV, M. le secrétaire d’État l’a rappelé il y a quelques minutes, permettra aux volontaires stagiaires de recevoir une formation initiale pour acquérir les savoir-être, véritable valeur ajoutée de nos armées. Être ponctuel, respecter les consignes, réapprendre le goût de l’effort sont autant de qualités recherchées par les recruteurs dans la vie active. Cette formation citoyenne et comportementale encadrée par des militaires s’accompagnera d’une remise à niveau scolaire, de la possibilité de passer le permis de conduire mais aussi de participer à des missions d’intérêt public. À côté de cette formation, une formation professionnelle adaptée aux besoins des territoires et des entreprises et services permettra d’atteindre le but visé par ce dispositif : la réintégration de ces citoyens dans la société.

Comme je l’ai indiqué lors du débat sur l’actualisation de la loi de programmation militaire, le SMV est une réponse adaptée et, surtout, financée, contrairement à certaines volontés de rétablir un service militaire universel, visant à accueillir 700 000 jeunes. Après les efforts qui ont été faits en termes budgétaires avec cette actualisation de la loi de programmation militaire, le dispositif du SMV est financé, contrairement au service civique de défense qui serait mis en place. L’idée d’ajouter un dispositif qui ferait doublon avec les mécanismes existants et qui ne serait pas financé ne peut être retenue.

Tous ces dispositifs me semblent adaptés, et leur renforcement est bienvenu. Certaines pistes pourront être étudiées afin de conforter d’avantage l’esprit de défense et le lien entre l’armée et la Nation, mais sans mettre en place un mécanisme supplémentaire. L’idée d’un parcours citoyen renforcé durant toute la scolarité pourrait être envisagée afin de faire de ces questions le fil rouge de la scolarité obligatoire. L’enseignement de la sécurité et de la défense à l’école ainsi que la journée défense et citoyenneté sont autant d’éléments à développer pour former nos concitoyens de demain. Ma collègue Marianne Dubois et moi-même ferons des propositions dans ce sens à l’issue de notre mission.

Cependant, la volonté de confier des missions relatives à l’entretien des matériels et des équipements, à la sécurisation et la protection d’infrastructures après seulement deux mois de formation initiale ne me semble pas réaliste, elle peut même être dangereuse pour les volontaires et les militaires. Que cela concerne les capacités d’entretien des matériels ou de sécurisation et de protection, une formation longue, précise et complète est nécessaire. De plus, dans un laps de temps aussi court, un tel dispositif pourrait avoir comme conséquence de perturber le fonctionnement des unités du fait de la durée très limitée et du roulement fréquent entre les jeunes qui arrivent et ceux qui doivent quitter leur affectation. Le dispositif que serait le service civique de défense semble donc inadapté dans ses missions et sa constitution, mais également mal articulé avec les dispositifs existants, qui ont fait leurs preuves et sont en train d’être renforcés.

Notre pays est confronté à des enjeux importants du point de vue de sa sécurité mais également du point de vue du lien que nos concitoyens entretiennent avec les valeurs républicaines et avec nos armées. Les objectifs que votre dispositif viserait – assurer la sécurité des Français et permettre la réinsertion de nos jeunes – sont actuellement remplis. La sécurisation se fait par l’augmentation de la réserve, qui permettra à des femmes et des hommes âgés d’au moins dix-sept ans de recevoir une formation et un entraînement spécifiques afin d’apporter un renfort temporaire. Cet engagement permet aussi à des jeunes de réaliser leur souhait de s’engager en faveur de leur pays et de leurs concitoyens. Le service civique va dans le même sens en offrant aux volontaires une occasion forte de s’impliquer au profit de la société. En ce qui concerne l’objectif d’insertion, je pense avoir démontré que les mécanismes EPIDE, SMA et SMV forment un corpus fort, mobilisé pour la réussite de nos jeunes. Les succès des dispositifs EPIDE et SMA donnent bon espoir quant à la réussite du SMV.

Nous devons, monsieur le secrétaire d’État, procéder par étapes. Renforcement du service civique ? Oui. Augmentation du nombre de jeunes dans les centres de l’EPIDE ? Oui. Renforcement de la réserve, qu’elle soit opérationnelle ou citoyenne ? Oui. Maintenant, expérimentons le service militaire volontaire, qu’il faudra évaluer par la suite. Nous verrons alors s’il faut aller un peu plus loin.

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