Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 9h30
Expérimentation d'un service civique de défense — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, bien que nous partagions l’idée développée par cette proposition de loi, à savoir qu’il est nécessaire de contribuer au renforcement du lien entre l’armée et la Nation au travers de la jeunesse, l’armée étant un creuset de mixité sociale et un outil d’apprentissage des valeurs républicaines, il nous semble inutile d’expérimenter un service civique de défense dans la mesure où de nombreux dispositifs allant dans ce sens existent déjà et que certains vont être renforcés.

Ainsi, lors de la journée défense et citoyenneté organisée par le ministère de la défense, tous les jeunes entre 17 et 25 ans suivent des modules d’information sur les responsabilités du citoyen et les enjeux de la défense, des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française, une initiation aux gestes de premiers secours et, éventuellement, effectuent une visite des installations militaires. En outre, les jeunes en difficulté peuvent, s’ils le souhaitent, obtenir des conseils d’orientation vers des structures d’aide adaptée dans l’éducation nationale ou dans les missions locales. Au final, ce sont chaque année 750 000 jeunes Français qui, à l’issue de cette journée, sortent informés de leurs droits et devoirs en tant que citoyens, du fonctionnement des institutions de leur pays, ainsi que des valeurs et métiers de la défense.

Autre dispositif contribuant à la pérennité du lien entre l’armée et la jeunesse : le volontariat. Alors que l’ancien service national était fondé sur l’obligation, le volontariat traduit un choix personnel et répond au désir d’être utile à la communauté nationale. Tous les ans, près d’un millier de jeunes de 18 à 25 ans, souhaitant connaître une première expérience professionnelle, s’engagent comme volontaires, pour une durée d’un à cinq ans, dans les forces armées. Cette expérience peut, pour ceux qui le souhaitent, déboucher sur un engagement dans les réserves ou les armées.

Chaque année, ce sont aussi 3 500 volontaires qui entrent, pour une durée de huit à vingt-quatre mois, dans un établissement public d’insertion de la défense. Ce programme, réparti dans dix-huit centres sur le territoire français, a pour mission de sécuriser et de donner des repères indispensables à une insertion dans la vie sociale et dans l’emploi durable à des jeunes de 18 à 25 ans. Le séjour est individualisé et différencié. Il comprend un parcours citoyen, des séances de remise à niveau scolaire à visée d’insertion professionnelle, des activités sportives, de l’accompagnement sanitaire et social ainsi que des stages en entreprises ; 85 % des jeunes qui effectuent la totalité du parcours trouvent un emploi ou une formation qui les y conduira.

Autre dispositif d’insertion professionnelle qui a fait ses preuves : le service militaire adapté. Créé en 1961 aux Antilles, avant d’être étendu aux autres départements et collectivités d’outre-mer, le SMA est destiné à de jeunes volontaires de 18 à 25 ans sans diplômes ou en difficulté d’insertion. Ces jeunes suivent d’abord une formation militaire d’un mois, assez sommaire, destinée principalement à leur apprendre les règles de vie en collectivité ; puis les stagiaires du SMA bénéficient d’une formation professionnelle de cinq à onze mois, en fonction de la spécialité choisie au moment de leur engagement. Les spécialités enseignées sont très variées – plus d’une cinquantaine : métiers du bâtiment, menuiserie, conduite… S’y ajoutent une formation citoyenne ainsi qu’une remise à niveau scolaire et une préparation au permis de conduire.

Les sept régiments du SMA ont accueilli près de 6 000 jeunes volontaires en 2013, avec un taux d’insertion, remarquable, de 76 %. Pour réussir cette insertion, le SMA mène une politique de partenariat avec l’ensemble des acteurs de l’orientation, de la formation et de l’emploi, au plan territorial aussi bien que national. Il entretient des liens avec les régions, Pôle emploi, les missions locales, les chambres consulaires, les organisations professionnelles et, naturellement, les entreprises. Au fil de ses cinquante ans d’existence, le SMA a su s’intégrer pleinement dans le tissu économique local et représente désormais un label très apprécié des recruteurs. Il s’agit d’un dispositif d’une efficacité reconnue sur le plan tant éducatif et social que professionnel, faisant des armées un puissant vecteur d’intégration républicaine.

C’est pourquoi le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 adopté par l’Assemblée mardi dernier prévoit l’expérimentation en métropole d’un service militaire volontaire – SMV –, dispositif qui s’inspire du service militaire adapté. Il est proposé de créer, à titre expérimental, pour une durée de deux ans, un service militaire volontaire à destination de jeunes garçons ou filles de 18 à 25 ans qui auront été identifiés, notamment lors de la journée défense et citoyenneté, comme étant en situation fragile au regard de l’insertion professionnelle, et qui pourront ainsi recevoir une formation globale d’une durée de six à douze mois, en fonction de leur niveau général et de leur projet professionnel.

Cette formation sera composée de différents modules. D’abord, une formation militaire d’un mois – puisque ces jeunes deviendront des volontaires stagiaires du service militaire volontaire ; ce module pourra être l’occasion de porter assistance aux populations dans le cadre de missions de sécurité civile. Les jeunes concernés apprendront à cette occasion le goût de l’effort en se dépassant et bénéficieront de l’exemple des encadrants militaires.

Ils suivront en outre une formation citoyenne et comportementale – remise à niveau scolaire, apprentissage des valeurs de la République et des règles de vie en collectivité – et une formation au permis de conduire et au secourisme. Une formation professionnelle pourra également être proposée et, le cas échéant, les volontaires stagiaires pourront effectuer des périodes de mise en situation professionnelle en entreprise.

Ce service militaire volontaire présente par conséquent plusieurs intérêts. D’abord, il est une solution originale et innovante pour l’insertion des jeunes. Ensuite, il contribue au renforcement de la cohésion sociale et au développement de l’esprit de défense grâce à la diffusion de la culture militaire. Enfin, il apporte aux entreprises une ressource jeune, ayant acquis les bases de la vie en collectivité et de l’insertion professionnelle.

Autre levier essentiel de citoyenneté, de renforcement de la cohésion nationale et de mixité sociale : le service civique. En cinq ans, 85 000 jeunes l’ont déjà effectué. Fort de ce succès, le Président de la République a décidé de le développer, avec des objectifs ambitieux : qu’il concerne 70 000 jeunes dès cette année et 150 000 en 2016.

Depuis le 1er juin dernier, le service civique est ainsi devenu universel : tous les jeunes de moins de 25 ans peuvent demander à s’engager pour faire l’expérience du vivre-ensemble, de la citoyenneté et de l’intérêt général. Le service civique a en effet pour ambition première d’offrir aux jeunes l’occasion de s’engager et de donner de leur temps à la collectivité et aux autres. Il représente aussi la possibilité de vivre une expérience formatrice et valorisante, en proposant un choix parmi de nombreuses missions, dans des domaines très divers.

Il est en outre un moyen de s’insérer dans la vie professionnelle. Le nombre de jeunes Français qui quittent le système de formation initiale sans avoir obtenu un diplôme professionnel ou le baccalauréat est estimé à 140 000 par an – ce qui est beaucoup trop. Le service civique peut être un outil essentiel pour diviser par deux le nombre de décrocheurs d’ici à 2017.

Le renforcement annoncé des moyens de l’Agence du service civique permettra de concrétiser cette ambition et le ministère de la défense prendra sa part de volontaires en service civique. Ces efforts portent déjà leurs fruits : à la mi-mai, 23 000 postes ont déjà été attribués, soit un tiers de l’objectif fixé pour l’année.

L’existence de tous ces dispositifs rend donc inutile la création d’un service civique de défense, d’autant plus que la mise en place de ce dernier, outre qu’il supposerait l’existence d’infrastructures et de moyens humains dont le ministère de la défense ne dispose pas actuellement, reviendrait à un coût annuel de 300 millions d’euros pour 10 000 volontaires.

Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne votera pas cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion