Intervention de Hervé Guillou

Réunion du 2 juin 2015 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Hervé Guillou, président-directeur général de DCNS :

DCNS a toujours exporté une portion croissante de son chiffre d'affaires : 10 % dans les années 80, 20 à 25 % au début des années 2000 et la part de prise de commandes à l'export est, pour 2014 et 2015, de 40 %. Quant à la part de la production destinée à l'export, elle a dépassé 33 % – 35 ou 37 % selon les mesures.

Notre stratégie consiste à répondre à l'évolution du marché en tenant compte du fait que les pays émergents veulent avoir sur leur sol, tout à fait légitimement, une partie de leur BITD, en particulier pour des matériels aussi critiques que les navires de guerre. Il s'agit également de répondre à une concurrence beaucoup plus mondialisée, non seulement avec nos collègues européens habituels – ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) pour les sous-marins, Damen pour les bateaux de surface –, mais aussi désormais avec des Coréens, des Chinois et d'autres.

Un des enjeux de la prochaine décennie pour DCNS est d'accélérer son développement international en adaptant ses offres de produits aux besoins des marchés émergents et en croissance. Cette démarche avait été mise en oeuvre au cours de la décennie précédente sur les sous-marins, avec l'offre Scorpène qui avait connu un certain succès auprès du Chili, de la Malaisie et de l'Inde.

Ensuite, il importe d'internationaliser la société : 95 % de nos effectifs sont en France, mais cette proportion devra changer pour que nous passions le cap de la prochaine génération. Nous ne pouvions pas, tant que nous étions une administration publique, nous déployer à l'international. Depuis onze ans que nous sommes devenus une véritable société, de gros efforts ont été accomplis, que je souhaite accélérer. Nous sommes présents en Inde, à Bombay, où nous construisons des sous-marins ; nous avons une société à Itaguaí, au sud de Rio et un bureau d'études à São Paulo, où nous travaillons avec la marine brésilienne à la fois sur les sous-marins et sur la refonte des porte-avions ; nous avons, en Malaisie, une joint-venture à Kota Kinabalu, sur l'île de Bornéo, où sont construits des sous-marins, et une autre près de Kuala Lumpur où sont produites des frégates. Cela reste néanmoins insuffisant par rapport au déploiement de la concurrence qui, après la chute du mur de Berlin, a investi très rapidement l'international. TKMS, notre concurrent allemand, dispose par exemple de seize sociétés hors d'Allemagne et a vu, par effet d'un cercle vertueux, son chiffre d'affaires croître en Allemagne même ; Fincantieri a vingt-trois implantations hors d'Italie et Damen en a vingt-sept hors des Pays-Bas.

Nous nous déployons dans trois cercles. Le premier, où nous nous trouvons déjà et où nous pouvons donc accélérer en croissance organique, est composé de la Malaisie, du Brésil et de l'Inde. Le deuxième est constitué de zones de prospection : l'Australie, qui a lancé un énorme appel d'offres de sous-marins ; l'Arabie Saoudite, où nous allons commencer par un investissement dans l'entretien-flotte ; l'Égypte, où il faudra accompagner l'effort sur les corvettes ; enfin, peut-être, la Pologne, où notre programme se développe. Le dernier cercle est l'Europe, en laquelle j'ai la foi du charbonnier. J'ignore si les étoiles vont s'aligner ou non, mais si un train passe, qu'il soit allemand, italien ou autre, il ne faudra pas le rater. Nous gardons à l'esprit qu'il faudra être ouvert à la discussion.

Pour ce qui est du SOUTEX, nous entretenons une relation très étroite avec la marine. Je remercie l'amiral Rogel et l'équipage de l'ex-Normandie du sacrifice auquel ils ont consenti pour nous aider en Égypte. Nous sommes mobilisés pour que leur capacité opérationnelle ne s'en trouve pas pénalisée, et nous avons immédiatement accéléré la construction des FREMM suivantes. Ils auront donc leurs six frégates de lutte anti sous-marine (ASM) en 2019.

L'engagement avec la marine prend des formes très variées. Nous bénéficions, tout d'abord, d'une facilité puisque nous pouvons profiter des traversées de longue durée pour, en escale, présenter nos équipements, nos systèmes et nos solutions. Ainsi, rien qu'au cours des douze derniers mois, le Dixmude est l'un des BPC qui, avec la frégate La Fayette Aconit, est allé à Cochin, à Singapour, à Djakarta. La frégate Chevalier Paul s'est, pour sa part, rendue très récemment au Qatar puis, avec le porte-avions Charles de Gaulle, en Inde. Les autorités qataries ont visité une FREMM et une frégate Horizon. La marine a également envoyé une FREMM au Canada, au Brésil…

Un autre modèle de coopération a été amorcé avec le patrouilleur hauturier L'Adroit que nous avons construit à nos frais. Nous avons passé une convention avec la marine, à laquelle la corvette n'a rien coûté, et qui s'en sert pour un certain nombre d'opérations. C'est L'Adroit qui a récupéré une partie de nos ressortissants au Yémen il y a quelques semaines. Dans le même temps, au cours des six derniers mois, nous avons fait une campagne de promotion au Kenya, en Afrique du Sud, au Congo-Brazzaville et au Cameroun.

Par ailleurs, le soutien et l'expertise opérationnels sont pour nous très importants. Ainsi, en Arabie Saoudite, la marine va aider la flotte de l'Ouest, à Djeddah, à améliorer ses concepts de maintenance et de disponibilité opérationnelle. Nous en profitons pour promouvoir le modèle français de MCO et, comme complément naturel de la marine, nous trouvons toute notre place dans ces discussions.

Cette coopération vaut également pour la formation. Ainsi, tout l'équipage de la première FREMM destinée à l'Égypte se trouve précisément à Lann-Bihoué et à Lorient pour prendre des cours dispensés, d'une part, par Défense conseil international (DCI) pour la partie industrielle, et, d'autre part, par la marine nationale. Il est indispensable de créer et d'entretenir le dialogue de marine à marine sur les concepts opérationnels, sur les opérations elles-mêmes, afin de susciter une relation de confiance.

Enfin, sans la marine, nous ne saurions pas faire tous ces efforts de promotion, ne serait-ce que parce que nous ne disposons pas de bateaux en propre.

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