Intervention de Philippe Duron

Réunion du 26 mai 2015 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron, président de la commission « Avenir des trains d'équilibre du territoire » :

En effet.

Dans certains territoires, vous proposez d'expérimenter l'ouverture à la concurrence. Lancer rapidement l'expérimentation pour les trains de nuit permettrait à la SNCF comme à l'État de maîtriser les sujets auxquels ils devront inéluctablement se confronter aux termes du quatrième paquet ferroviaire. Mais pour l'autoriser, nous avons besoin d'un véhicule législatif. La prudence exige également d'attendre la signature d'une convention collective de branche – qui devra être cohérente, afin de ne pas générer de divergences d'un opérateur à l'autre.

Monsieur Bertrand Pancher, tous les CPER font référence à la commission Mobilité 21 – dont vous avez été un membre actif – et tendent à prendre en compte ses recommandations. Certes, toutes les préconisations ne sont pas suivies : la commission avait notamment renvoyé la ligne Poitiers-Limoges au-delà de 2030 et le dossier n'a été rattrapé que par la déclaration d'utilité publique (DUP).

François-Michel Lambert a mentionné le difficile dialogue entre la route et le fer, évoquant la ringardise du ferroviaire. À mon avis, les TGV ont au contraire redonné une modernité à ce mode de transport. L'implication et les investissements des régions ont également renforcé l'attractivité des TER. Ce qui ringardise les TET, c'est l'abandon dans lequel ils sont restés pendant trop longtemps, ainsi que l'usure du concept. S'agissant des gares – qui n'entrent pas vraiment dans notre sujet –, elles améliorent l'accueil et les services, et cette tendance devrait se confirmer. Enfin, le problème du digital, cher à François-Michel Lambert, reste complexe car les technologies évoluent vite. Plutôt que de se doter de son propre système, la SNCF négocie avec des opérateurs une meilleure couverture le long des lignes. Je ne peux juger la pertinence de cette approche, mais la SNCF promet une amélioration rapide de l'accès à Internet depuis les trains.

Monsieur Olivier Falorni, les trente-cinq lignes Intercités – chiffre qui figure toujours sur le site de la SNCF – ne sont plus que trente : vingt-deux de jour et huit de nuit. Peu à peu, ces lignes ont tendance à s'évanouir. C'est pourquoi il faut les moderniser vite avant qu'elles ne disparaissent complètement. Pour ce qui est de la lutte contre l'effet de serre et de la conférence COP21, deux orateurs ont souligné à juste titre qu'il n'existait pas de corrélation simple entre les émissions et le mode de transport ; tout dépend du ratio entre le nombre de voyageurs et le matériel utilisé. Ainsi, l'impact environnemental des cars conformes à la norme Euro 6 est plus faible que celui des TER thermiques à moitié vides.

Plusieurs députés ont évoqué la ligne Quimper-Toulouse, qui a besoin d'être améliorée. On a privilégié l'axe Toulouse-Rennes parce que Rennes possède un potentiel de clientèle plus important, grâce aux étudiants de ses universités dynamiques et de ses écoles d'ingénieurs. Le trajet Quimper-Nantes étant assuré plusieurs fois par jour par des TER, il faut aménager une correspondance efficace afin de renforcer les recettes de Nantes-Bordeaux-Toulouse. La ligne Nantes-Bordeaux est pénalisée par une infrastructure obsolète et des travaux de régénération qui ralentiront les trains pendant plusieurs années, la rendant moins performante que la liaison par autoroute. On y fera pourtant rouler du matériel neuf, les engins thermiques devant être remplacés dès 2017. Cette ligne a une vraie utilité car elle dessert des villes importantes.

Toujours dans l'Ouest de la France, la ligne Caen-Le-Mans-Tours, à faible ou moyen trafic, est empruntée par peu de voyageurs de l'origine à la destination ; à ce trajet long et inconfortable, les usagers préfèrent l'autoroute, infiniment plus performante quoiqu'un peu chère. Nous conseillons de créer une articulation entre Le Mans-Tours et Le Mans-Caen, pour assurer un transport continu à ceux qui ont vraiment besoin de prendre le train. Aujourd'hui, cette ligne ne fonctionne pas comme un TET, mais plutôt comme une ligne de collecte des populations ; même si elle marche bien sur certains segments – Caen-Argentan, Argentan-Alençon-Le Mans, les segments au sud du Mans –, elle relève plus des trafics TER que des trafics TET. Quant à la ligne Metz-Hirson, elle fait en effet l'objet d'un démembrement ; mais on n'est plus à la dimension d'un TET.

Martial Saddier a évoqué la ligne Paris-Savoie – région qui joue un rôle économique important, notamment grâce à son activité touristique. Ce territoire est désormais bien desservi par les TGV et beaucoup de skieurs optent pour cette formule. Le TGV direct vers Bourg-Saint-Maurice et vers Saint-Gervais a démodé les trains de nuit, mais il faut rester vigilants pendant l'hiver.

Monsieur Yannick Favennec, la situation de la ligne Quimper-Nantes et les investissements réalisés sur la plateforme de Redon illustre bien le manque de cohérence entre les réflexions sur l'infrastructure et les services.

Sur la ligne Nantes-Bordeaux, monsieur Alain Leboeuf, seule une voie a pour l'instant été inscrite à la rénovation au CPER et la question devra à nouveau être posée vers 2018 ou 2019. Il ne faut pas se précipiter : il y a quinze ans, considérant que la ligne Paris-Granville n'offrait plus assez de trafic pour bénéficier de deux voies, la SNCF a conseillé à la région de cofinancer le démembrement d'une d'entre elles. Six ou sept ans plus tard, le trafic augmentant, la SNCF m'a demandé d'organiser des dérivations pour permettre le doublement des trains. Mieux vaut donc ne pas démonter la deuxième voie, mais la garder pour le jour où, la structure rénovée et les trains remplacés, il faudra porter l'infrastructure à la hauteur des besoins.

Monsieur Jean-Louis Bricout, la fréquentation de la ligne Paris-Saint-Quentin-Maubeuge est importante jusqu'à Saint-Quentin et faiblit vers Maubeuge. Il faut maintenir cette ligne au même niveau jusqu'à Saint-Quentin et trouver des solutions au-delà. Rémi Pauvros et les associations d'usagers proposent ainsi la reprise du trafic vers Charleroi, qui dessert un bassin d'1 million d'habitants. La ligne, dont l'infrastructure subsiste encore, a été abandonnée parce que la zone était desservie par le Thalys ; celui-ci n'allant plus vers Liège et Charleroi, il existe une opportunité de faire revivre ce trajet, dans le sens Paris-province et province-Paris.

Guillaume Chevrollier a souligné qu'il ne fallait pas sacrifier les territoires ruraux ; nous sommes également convaincus de la nécessité de trouver des solutions de mobilité appropriées pour chaque territoire. Par ailleurs, j'ai déjà évoqué la compensation financière des régions.

Madame Françoise Dubois, j'ai également répondu à votre question relative à la ligne Caen-Alençon-Le Mans-Tours.

Monsieur Jean-Pierre Vigier, nous sommes également persuadés de l'importance du Cévenol pour le désenclavement du Massif central. Ce train peut prendre la forme d'un TET ou éventuellement d'un TER renforcé. Comme nous voulons aussi répondre au défi de la dégradation financière, il faut considérer ces enjeux avec prudence.

Suzanne Tallard a évoqué le tronçon La-Roche-sur-Yon-La-Rochelle de la ligne Nantes-Bordeaux. Il existe en France 3 000 kilomètres de ralentissements ; en revanche, je ne saurais répondre à la question relative à la suppression sur ce parcours des trains du vendredi soir et du dimanche soir, qui relève de l'offre 2016 de la SNCF. Le volet industriel ne faisait pas partie des sujets abordés par notre commission, mais le renouvellement des matériels des TET aura évidemment un impact positif sur l'industrie ferroviaire, pour peu que le Gouvernement ou les opérateurs choisissent des fournisseurs français. Les possibilités restent d'ailleurs larges : Alstom a, par exemple, racheté la technique italienne du train pendulaire, évoquée par le président, et la vend dans plusieurs pays, notamment en Angleterre – le Virgin est un train de ce modèle – et en Pologne, où ce modèle roulera entre Varsovie et Cracovie à 240 kilomètres-heure. Ces trains sont chers, car il faut rectifier un certain nombre de courbes, mais pourquoi nous priver de cette solution intermédiaire entre les TER et les TGV ?

Les annulations et les retards des trains représentent une réalité dommageable pour l'offre, que nous constatons tous.

Quant à savoir si la SNCF est une entreprise compétitive, Keolis, dont j'ai rencontré deux fois les représentants, et Transdev, qui prend également des marchés à l'étranger, montrent que les cheminots français possèdent un véritable savoir-faire et peuvent se mesurer aux concurrents étrangers. Il n'existe donc aucune impossibilité technique ou humaine à l'ouverture du rail français à la concurrence, mais des blocages culturels empêchent encore ce phénomène dans notre pays. Il faudra pourtant s'y habituer, les cheminots comme les usagers ayant intérêt à voir le système évoluer vers davantage de résilience. Nous avons évoqué ces sujets à la commission ; certains souhaitaient plus de concurrence, d'autres y étaient hostiles, mais la majorité a estimé qu'expérimenter cette solution était le meilleur service à rendre à l'opérateur historique et à l'autorité organisatrice qui doit se préparer à certaines évolutions.

Monsieur Alain Calmette, pour ce qui est de l'Aubrac et des risques qui pèsent sur le fret ferroviaire et l'atelier de maintenance, nous pensons qu'il faut maintenir la desserte de l'usine de Saint-Chély-d'Apcher, et donc garder l'infrastructure dans un bon état. On peut imaginer de faire circuler des TER sur cette ligne, même si certains usagers sont passés à la route. Pour ce qui est des garanties en matière de cars, les sociétés qui profiteront de la libéralisation de ce secteur – notamment les opérateurs d'entreprises moyennes – se montrent très intéressées par les lignes intermédiaires. Plusieurs options peuvent être explorées : une opération d'autocars peut s'installer sur ce marché ou la SNCF peut commander des cars pour remplacer les TET, comme elle le fait pour remplacer les TER. C'est à l'autorité organisatrice de choisir parmi ces possibilités.

Christophe Priou a évoqué l'accueil dans les gares et l'état des escaliers mécaniques ; en effet, dans ma gare, les escaliers mécaniques refaits à neuf grâce au plan de relance sont déjà en panne deux ans plus tard… Faut-il incriminer le fournisseur de la SNCF ou l'agressivité des passagers du train ? Quoi qu'il en soit, ces dispositifs sont importants pour les personnes âgées et à mobilité réduite.

Martine Lignières-Cassou a mentionné le désenclavement du Piémont pyrénéen. La ligne Toulouse-Hendaye doit bénéficier d'investissements, mais elle n'est pas performante sur toute sa longueur et peu de voyageurs l'utilisent de bout en bout.

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