Intervention de Philippe Duron

Réunion du 26 mai 2015 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron, président de la commission « Avenir des trains d'équilibre du territoire » :

Jean-Paul Chanteguet, Martine Lignières-Cassou et certains autres orateurs ont raison de souligner la dysharmonie entre les investissements et les recommandations d'exploitation, qui illustre bien la faiblesse de l'État stratège et le défaut de cohérence entre l'infrastructure et les services. Pour utiliser l'argent public de manière raisonnable et améliorer l'efficacité des transports, tant du point de vue des régions que de celui des usagers, il faut absolument renforcer cette cohérence. C'est une vaste tâche !

Monsieur Gilles Savary, la SNCF et les autres compagnies envisagent de supprimer les trains de nuit. Une autre solution consiste à continuer à supprimer des tronçons chaque fois que l'on rencontre des difficultés. Pour notre part, nous proposons de repenser complètement l'offre pour prendre en compte les besoins touristiques qui s'ajoutent aux nécessités des déplacements quotidiens des populations, et jouer sur les complémentarités dans l'utilisation du matériel entre l'hiver et l'été, la montagne et le littoral. Cette opération, dont la réussite n'est pas assurée, mérite d'être tentée sur certains territoires. Dans ce contexte, une offre prémium sur les trains de nuit pourrait avoir du sens.

Le renouvellement du matériel – que vous êtes nombreux à avoir évoqué – paraît indispensable, mais est-ce à l'État, à l'opérateur ou à un tiers investisseur de le prendre en charge ? La réponse peut varier selon les types de matériel nécessaire. Sur certaines lignes courtes – notamment celles du grand bassin parisien –, une vitesse de 160 kilomètres-heure s'avère parfaitement pertinente ; mais sur des distances plus longues, le V200 s'impose, et parfois des trains plus rapides encore. La ligne Paris-Limoges-Toulouse, la plus performante des années 1950 et 1960, doit retrouver ce niveau ; il faut donc la doter de trains susceptibles de transporter les voyageurs sur une longue distance. Il en va de même pour Paris-Clermont, Bordeaux-Marseille et peut-être Nice, ainsi que pour Paris-Cherbourg et Paris-Le Havre, la ligne nouvelle Paris-Normandie devant permettre de monter jusqu'à 230 kilomètres-heure.

Changer de matériel permettra de mettre les vitesses en cohérence. Le contrat-cadre signé entre les régions et la SNCF permettra de s'équiper de Régiolis ou de Regio 2N ; pour l'instant, cependant, les régions n'ont commandé qu'un peu plus de 300 trains sur les 1 000 prévus, et peuvent difficilement aller au-delà. Pour l'heure, on peut utiliser les matériels, en les up-gradant, mais ce n'est pas toujours une solution. Ainsi – Mme Louwagie le sait bien –, au début des années 2000, les autorails X 72500 d'Alstom ont provoqué bien des problèmes sur la ligne Paris-Granville. Notre regrettée collègue Sylvia Bassot a failli brûler un 14 juillet dans un début d'incendie, la climatisation arrêtée et les portes bloquées, parce qu'on faisait faire un parcours beaucoup trop long à un matériel inadapté. Veillons à ne pas faire une mauvaise utilisation de l'argent public.

Vous êtes nombreux à avoir évoqué la suppression des lignes. Personnellement, je préfère parler de transfert et d'optimisation des services offerts à la population. En effet, il faut s'interroger sur l'adaptation du moyen de transport au service à remplir. Pour certaines distances, le train se révèle optimal – le TGV est souvent meilleur que l'avion –, mais en deçà d'un niveau de fréquentation, ce n'est plus le cas. Jean-Marie Sermier a eu raison de souligner que le tout collectif ne représentait pas la panacée. Sur des territoires à faible densité, le train – conçu pour transporter un grand nombre de personnes – n'est pas adéquat. En définissant les trains interrégionaux (TIR), le rapport Barel, évoqué par Gilles Savary, avait ainsi noté qu'un automoteur devait transporter au minimum quatre-vingts passagers de l'origine à la destination, sans compter les arrêts intermédiaires ; mais un train tracté a besoin d'au minimum 160 ou 180 passagers. En réalité, on est très souvent au-dessous de ces chiffres. Entre l'origine et la destination, on est à vingt, vingt-cinq, trente ou quarante passagers. Il faut donc s'interroger sur l'organisation et le type de train à utiliser : un TET doit faire 200, 250 ou 300 kilomètres en un temps court. On ne rend plus le même service si l'on fait du cabotage sur 300 kilomètres.

Valérie Lacroute a cité la presse de province. Méfions-nous des informations de deuxième main et à la surinterprétation de certaines confidences ! Nous avons rencontré deux fois la FNAUT, dont le nouveau président, avec lequel j'ai débattu ce midi sur RTL, partage en grande partie notre diagnostic et adhère à une série de nos préconisations : repenser le service sur certaines distances, mettre la SNCF en concurrence dans quelques domaines, etc. Créer, à côté de l'autorité organisatrice, des comités de ligne – que toutes les régions ont mis en place pour les TER – permettrait de mieux connaître les besoins et le ressenti des usagers.

Le déclassement des TET constitue une réalité ; mais en Picardie, on renforce la ligne Paris-Amiens, car ce grand bassin a besoin de capacités pour le transport quotidien. Sur le Paris-Nevers, madame Valérie Lacroute, c'est Paris-Montargis qui représente le principal tronçon. La ligne est fortement imbriquée avec les TER, qui desservent principalement le trajet Montargis-Nevers. Nevers est également desservi par la ligne Paris-Clermont que nous proposons de renforcer.

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