Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 27 mai 2015 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

C'est un sujet extrêmement difficile : il y a d'un côté le devoir de réparation, mais aussi celui de ne pas tout mélanger. Il y a le principe de responsabilité de la France à l'égard des citoyens maltraités pendant le régime collaborationniste de Vichy, mais il y a aussi la question de la responsabilité de la République française au plan international comme continuatrice de l'Etat de Vichy, ce qui est acté par cet accord. Selon le paragraphe 3 de l'article 1er, « les termes « déportation liée à la Shoah » désignent le transfert d'un individu depuis la France vers une destination située hors de France dans le cadre des persécutions antisémites exercées par les autorités allemandes d'Occupation ou par le Gouvernement de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Il y a eu des réparations allemandes, versées en vertu d'accords internationaux, parce que l'Allemagne était un Etat vaincu. D'ailleurs, vous auriez peut-être pu en donner la liste dans le rapport. Mais à ma connaissance, c'est la première fois que la République française se place en continuatrice du Gouvernement de Vichy dans le cadre d'un accord international. Que la diplomatie américaine ait traité avec le Gouvernement de Vichy pendant la seconde guerre mondiale, qu'elle ait même essayé de placer Giraud au pouvoir, le considérant comme l'interlocuteur des Etats-Unis à l'époque, c'est un fait. Mais que la diplomatie américaine continue à parler du Gouvernement de Vichy dans un accord, 70 ans plus tard, et que votre Gouvernement signe un tel texte, je ne peux pas l'admettre et je ne l'admettrai pas. Cela n'a rien à voir, Madame la présidente, et je vous le dis avec beaucoup d'amitié, avec le souci d'apaisement que je partage. Il faut naturellement se protéger de ces actions en justice qu'affectionnent divers groupes de pression, et il fallait arriver à un solde de tout compte, mais sans engager ainsi la République française.

L'affaire a commencé au début des années 2000 lorsque la SCNF s'est tournée vers les marchés de la Californie et de la Floride pour y vendre des trains. Les héritiers des victimes des transports organisés par la SNCF pendant la guerre, si j'ose employer ce terme de transports, ont saisi leurs députés et des avocats. Mais cela ne voulait pas dire que le Gouvernement français devait assumer une continuité historique et la responsabilité du Gouvernement de Vichy dans un accord avec notre allié. Je le répète : le statut de la France à la fin de la deuxième guerre mondiale était celui d'un Etat vainqueur, et non celui d'un Etat vaincu. A ce titre, en tant qu'Etat vainqueur, nous ne devons pas de réparations à un Gouvernement étranger. Je n'accepte pas cette construction juridique et je ne comprends pas comment le ministre des affaires étrangères a pu laisser faire un texte pareil. On aurait pu arriver au même résultat avec une tout autre négociation. Je ne reconnais pas le Gouvernement de Vichy et je dénie au Département d'Etat américain le droit de l'inscrire aujourd'hui dans un accord international.

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