Intervention de Annie Genevard

Réunion du 27 mai 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Cette proposition de loi répond à un engagement socialiste, pris sous la précédente législature, de supprimer les titres de circulation, jugés discriminatoires, pour les gens du voyage.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, les différentes propositions issues des rapports présentés par les parlementaires Didier Quentin et Pierre Hérisson. Vous avez fait le choix de proposer d'abroger l'intégralité de la loi du 3 janvier 1969 et de supprimer les titres de circulation, pourtant jugés constitutionnels et même générateurs de droits en matière d'accès aux aires d'accueil.

Avec l'abrogation de cette loi, l'article 1er de la proposition de loi supprime aussi les conditions particulières de rattachement administratif des gens du voyage à une commune de résidence, notamment la limitation à 3 % de la population de la commune du nombre de gens du voyage rattachés. Pourtant, cette limite, imaginée pour éviter tout déséquilibre dans la composition du corps électoral, a été validée en son principe par la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité du 5 octobre 2012. Ainsi, l'a emporté sur toute autre considération la volonté de faire des gens du voyage des citoyens de droit commun et de leur appliquer le dispositif de domiciliation prévu pour les personnes sans domicile stable, c'est-à-dire sans domicile fixe. Ce statut est-il pour autant moins discriminant que celui des gens du voyage, dont la singularité des modes de vie est reconnue comme s'inscrivant dans une longue histoire, faite de traditions anciennes et spécifiques ? Il y a, d'ailleurs, une forme de contradiction à vouloir faire des gens du voyage des citoyens comme les autres, tout en prévoyant des dispositions propres à leur accueil, tant cette population est particulière, parfois difficile.

Présentés comme des droits supplémentaires, ces deux abandons des titres de circulation et des règles particulières de rattachement à une commune auraient pu être assortis de devoirs supplémentaires exigibles auprès de ces populations et de moyens, pour les communes et leurs groupements, de faire respecter plus efficacement l'observation des règles. Ce n'était malheureusement pas le cas, jusqu'à l'annonce que vous venez de faire.

Telle qu'elle nous a été présentée, cette proposition de loi n'est pas satisfaisante du point de vue de l'équilibre entre droits et devoirs des gens du voyage. Elle renforce le pouvoir de substitution des préfets en cas de manquement d'une commune ou d'un EPCI à ses obligations de construction d'aires d'accueil en lui permettant de recourir à une procédure de consignation des fonds communaux ou intercommunaux via un comptable public. Certes, le taux de réalisation des aires est encore largement perfectible, mais il faut rappeler le coût pour les collectivités, dont la Cour des comptes a attesté l'ampleur. La réticence des populations, l'arrêt des aides d'État, la mauvaise volonté de certains groupes qui n'organisent pas leurs déplacements en grands passages, tout cela, il faut le comprendre, n'incite guère les élus, de surcroît, dans un contexte budgétaire difficile.

Les maires, de victimes d'agissements répréhensibles – dégradations, installations sauvages, comportements agressifs –, se retrouvent en position d'accusés. Cela n'est pas acceptable. J'ai entendu avec satisfaction, monsieur le rapporteur, que vous avez infléchi votre proposition sur les installations illicites. La condition complémentaire à l'évacuation, de l'existence dans un rayon de cinquante kilomètres d'une aire spécialement aménagée offrant des capacités d'accueil suffisantes, ne permettait pas de répondre au problème spécifique du « saut de puce » au sein d'une même commune ou d'un EPCI. Votre nouvelle proposition est très intéressante – c'était d'ailleurs l'objet de deux de nos amendements. Elle constitue une avancée extrêmement importante, même si elle ne résout pas tous les problèmes, en particulier le fait de disposer de suffisamment de forces de sécurité pour pouvoir faire procéder à l'évacuation. Dans l'attente de l'adoption de ces amendements, nous en resterons là.

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