Intervention de Régine Povéda

Réunion du 20 mai 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégine Povéda :

Lieu culturel pensé depuis de nombreuses années – le concours international a été remporté par l'architecte Jean Nouvel en 2007 –, la Philharmonie de Paris invente un nouveau concept de partage de la culture. En effet, si elle s'inscrit dans le tissu culturel parisien, elle est un lieu à vocation nationale et même internationale. Avec la Cité de la musique, elle constitue un atout clair pour notre pays en matière de rayonnement culturel et musical.

La Philharmonie, c'est une architecture audacieuse sans équivalent dans le monde, un espace de 2 400 places largement modulable et capable de s'adapter à différentes formes de musiques, des salles de répétitions ouvertes au public, une acoustique innovante, un espace d'exposition et une grande partothèque. Le projet de Jean Nouvel s'inscrit dans le parc de La Villette, lieu de rencontres et de promenades privilégiés de l'Est et du Nord parisiens mais aussi franciliens. Le complexe formé par la Philharmonie et la Cité de la musique qui abrite le Musée de la musique et une grande médiathèque, deviendra, j'en suis certaine, un lieu incontournable de la vie culturelle française.

Ce bâtiment a choisi de s'ouvrir largement, aussi bien dans son architecture que dans sa politique de programmation et de médiation culturelle, aux publics souvent éloignés de productions musicales jugées trop élitistes ou tout simplement méconnues.

Il manquait une salle musicale dans l'Est parisien, quartier en pleine mutation, à proximité des grands moulins de Pantin et du futur campus universitaire Condorcet d'Aubervilliers. Le toit accessible du bâtiment permet d'embrasser Paris et la petite couronne d'un seul et même coup d'oeil. La Philharmonie est le premier des ponts qui seront lancés vers les départements jouxtant Paris, en l'espèce la Seine-Saint-Denis. Non seulement son implantation rééquilibre l'offre classique parisienne, concentrée au centre et à l'ouest, mais elle place la Philharmonie au coeur de la future métropole parisienne.

Avec un démarrage fracassant, dû notamment à la venue de l'excellente exposition consacrée à David Bowie, la Philharmonie a accueilli depuis son inauguration officielle, en janvier dernier, plus de 450 000 spectateurs. Les chiffres que vous avez cités montrent que les Parisiens, les Franciliens et les Français avaient besoin de disposer d'une salle de référence en matière musicale, plus ouverte que ne l'était la salle Pleyel.

La Philharmonie a pour vocation de faciliter, pour tous, la pratique et la connaissance de la musique dans son ensemble. La musique baroque sera représentée, avec Les Arts Florissants de William Christie et l'Orchestre de chambre de Paris. Les orchestres résidents et associés, l'Orchestre de Paris, l'Ensemble intercontemporain, créé par Pierre Boulez, et l'Orchestre national d'Ile-de-France y jouiront de plusieurs salles de répétition. Les orchestres étrangers en tournée pourront y séjourner, et y développer une programmation et des échanges. Le jazz, les musiques actuelles et du monde seront également bien présents dans la programmation.

Nous regrettons qu'aujourd'hui les concerts classiques soient toujours réservés à un cercle d'initiés. Plus qu'ailleurs, les inégalités socioculturelles sont visibles dans la fréquentation des scènes musicales. Pour enrayer ce phénomène, le renouvellement des publics est une nécessité. Il s'agit de l'un des objectifs principaux de la Philharmonie. Selon les premiers résultats de l'enquête menée par le sociologue Stéphane Dorin, l'âge médian des publics du classique est de soixante ans aujourd'hui, contre trente-six ans en 1973. La volonté de la Philharmonie de réduire la distance entre la musique classique et le public se retrouve dans un détail concret, amusant mais intéressant : la distance entre le pupitre du chef d'orchestre et le fauteuil de la salle qui en est le plus éloigné a été réduite au minimum pour une salle de cette taille.

Une offre artistique et pédagogique très diversifiée vise les jeunes et leurs familles, notamment les jeunes franciliens. La démarche intergénérationnelle de votre établissement renouvelle les pratiques des établissements culturels. Une politique tarifaire avantageuse sera mise en place pour les jeunes, mais vous pourrez sans doute nous en dire plus sur les recettes et sur ces politiques dédiées.

La Philharmonie dédiera en outre quinze salles au pôle éducatif. Votre souhait d'ouvrir le week-end aux familles est une excellente chose : les ateliers destinés aux enfants sont particulièrement importants dans une structure comme la vôtre.

Le numérique a également sa place à la Philharmonie qui intègre pleinement les technologies d'aujourd'hui et de demain. C'est un élément essentiel de la transmission culturelle et vous pourrez peut-être nous donner quelques détails sur votre projet en la matière.

Nous ne pouvons que saluer votre volonté de retransmettre les concerts de la Philharmonie en direct et en différé : cinquante nouveaux concerts par an sont disponibles durant au moins quatre mois sur Philharmonie Live, site qui sera enrichi par de nombreux entretiens avec des musiciens et des musicologues ainsi que par des reportages autour des thématiques de la saison. Il permettra aussi d'accéder aux archives audiovisuelles de la Cité de la musique et de la Salle Pleyel, soit près de cinq cent cinquante concerts. Ces contenus seront aussi accessibles grâce à une application mobile et sur tablette. Il s'agit bien d'un outil supplémentaire pour diffuser largement la production musicale.

Face aux enjeux et aux défis à relever, pouvez-vous nous indiquer quelles orientations il convient de donner à la Philharmonie pour qu'elle accueille un large public, notamment les scolaires, les publics empêchés, et tous ceux qui résident hors de l'Île-de France ?

En matière d'investissement, suite à 1a polémique à laquelle a donné lieu le coût élevé des travaux, il semble important de faire le point sur l'avancement du chantier et sur le coût prévisionnel définitif. Qu'en est-il par ailleurs de la pérennité du budget de fonctionnement qui paraît somme toute élevé ? Il est vrai que si la culture n'a pas de prix, elle a un coût, et je pose ces questions afin que nous puissions répondre aux critiques de ceux qui ne voient dans la Philharmonie qu'une salle de plus, pour ne pas dire « de trop ».

1 commentaire :

Le 10/06/2015 à 04:05, laïc a dit :

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IL est toujours gênant que le mot "culture" ne serve à désigner qu'un seul type de musique : la musique classique. Quand on va sur France culture, on n'entend que cette musique classique qui, si elle a de bons morceaux, trop rares à mon goût, ne véhicule le plus souvent qu'une suite de sons sans mélodie intéressante, et afflige le public par son uniformité qui ne suscite qu'ennui dans le meilleur des cas, répulsion carabinée dans le pire des cas. Je me suis d'ailleurs souvent demandé quel plaisir les musiciens pouvaient avoir à jouer certains morceaux tellement ceux-ci étaient affreux à entendre... L'aliénation de classe, qui apparemment est cause de cet engouement pour cette musique classique insipide et pour tout dire laide, empêche-t-elle de discerner entre le beau et le laid, le bien et le mal ? Dans ce cas, c'est un fort mauvais service rendu à la culture, qui doit être un tremplin vers ce beau et ce bien, que de persister dans l'erreur de la confusion entre culture et musique classique...Il serait bon ainsi que cette philharmonie serve à propulser autre chose que de la musique classique, et que même celle-ci ne soit produite que de manière minoritaire en ce lieu. La culture, ce n'est pas la musique classique, celle-ci fait partie de la culture, mais n'en est en aucune cas le constituant essentiel voire unique que certains voudraient en faire.

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