Intervention de Michaël Foessel

Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Michaël Foessel :

Merci aux deux intervenants pour leur exposé et leur impressionnant rapport. Béotien en matière de travail parlementaire, je n'en ai pas moins, moi aussi, quelques idées sur les méfaits de l'inflation législative, lesquels résultent peut-être d'abord de notre oubli de ce qu'est une loi. À l'heure où les termes de « républicain » et de « républicanisme » subissent eux aussi une forme d'inflation, on ne se souvient plus, en effet, du fait que la République est le gouvernement par la loi – ce qui ne veut pas dire par la norme, et nous devrions sans doute mieux distinguer les deux. La loi – je parle ici en rousseauiste – est un texte qui porte sur un objet d'intérêt commun : ce n'est ni un texte d'affichage, ni une norme procédurale.

Dans cette perspective, il convient de se demander comment faire moins de lois, c'est-à-dire, peut-être, comment faire de véritables lois, et non pas simplement des textes destinés à faire plaisir à telle ou telle partie de la population, à tel ministre, ou à adapter des normes venues d'ailleurs, par exemple de la Commission européenne.

Que pensez-vous de la récente proposition, assez radicale mais qui a le mérite de la simplicité, aux termes de laquelle une loi serait abrogée si ses décrets d'application n'ont pas été publiés au bout d'un délai donné ? Elle pourrait s'appliquer à toutes les lois qui ne visent que l'affichage.

Je m'interroge plus largement sur la notion même d'étude d'impact, apparemment évidente, mais discutable si l'on y regarde de plus près. Pour toute évaluation, en effet, on peut se demander qui évalue et selon quels critères. Dans quelle mesure l'efficacité doit-elle se substituer, pour légitimer une loi, à son caractère juste ou injuste ? Qu'aurait par exemple été une étude d'impact sur l'abolition de la peine de mort ? Quels en auraient été les critères a priori, et qui aurait dû en donner les conclusions ?

La notion d'impact est liée à une conception de la loi qui ne s'attache qu'à son efficacité économique. Je laisse de côté les cas où l'impact peut être de plus grande importance, lorsqu'il est environnemental ; mais, en général, on se demande si la loi est favorable ou défavorable à la liberté des entreprises, à la croissance, à l'emploi, etc. Or ces objectifs, qu'il ne s'agit pas de remettre ici en cause, supposent toutefois, comme l'a dit Mme Untermaier, de créer, entre le représentant et le représenté, une nouvelle autorité chargée de juger de cet impact, une institution d'experts qui pourrait creuser l'écart entre eux. C'est ce qui me paraît le plus préoccupant : une telle instance administrative relève le plus souvent de l'exécutif ; la production de la norme n'en sera-t-elle pas plus technocratique encore, ce qu'on lui reproche déjà ?

En somme, ne désirez-vous pas reprendre le pouvoir sur les critères de l'évaluation, décider, comme représentants du peuple, de ce qui a un impact positif du point de vue de l'idée que vous vous faites de la justice ? Une idée qui est nécessairement conflictuelle, liée aux clivages partisans qui traversent fort heureusement notre démocratie ; elle ne relève pas de l'expertise, mais du choix démocratique dans ce qu'il peut avoir de fragile, irréductible à une évaluation technicienne.

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