Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 5 mai 2015 à 15h00
Débat sur le rapport du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation du réseau culturel de la france à l'étranger

Annick Girardin, secrétaire d’état chargée du développement et de la francophonie :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation à débattre aujourd’hui du rapport d’information parlementaire sur le réseau culturel de la France à l’étranger.

Je salue les deux rapporteurs, M. François Loncle et Mme Claudine Schmid, et les félicite pour ce rapport de très grande qualité, nourri par de nombreuses auditions et des déplacements riches en enseignements, qui complète utilement, comme cela a été rappelé, les travaux de la Cour des comptes.

Ces remerciements ne sont aucunement l’expression d’une quelconque flagornerie. Ce rapport n’est pas allé, comme trop souvent, garnir une étagère des archives du ministère. Son caractère concret et opérationnel a permis une étude attentive ; toutes les propositions des rapporteurs ont fait l’objet d’une réponse circonstanciée du ministère, transmise à votre assemblée le 28 mars 2014. Un certain nombre d’entre vous ont insisté pour que nous soyons très rapidement opérationnels. Je peux vous dire que nous avons d’ores et déjà mis en oeuvre une action sur plusieurs points. Je me félicite de ce travail en commun, conforme à l’idée que je me fais des relations entre les pouvoirs exécutif et législatif.

Votre rapport souligne à juste titre la position pionnière de la France en matière de rayonnement international. Mais les chiffres de 2014 illustrent aussi l’intensité de son activité. Notre réseau d’enseignement français à l’étranger est constitué de plus de 500 établissements implantés dans 135 pays, pour 330 000 élèves scolarisés, soit une augmentation des effectifs de 50 % en vingt ans. Plus de 15 000 bourses du gouvernement français ont été attribuées l’an dernier. Dans le domaine plus strictement culturel, 29 000 manifestations culturelles ont été organisées en 2014 par le réseau et ont touché 24 millions de spectateurs ; 42 millions d’heures de cours de langue ont été dispensées aux élèves. Il faut davantage faire connaître ces chiffres.

Par facilité, je reprendrai aujourd’hui, dans nos discussions, l’expression de « réseau culturel ». Mais je veux rappeler que, si c’est bien l’une de ses missions essentielles, ce réseau n’est pas seulement culturel. C’est aussi un réseau de coopération, de développement et de solidarité internationale. Au-delà, ce réseau est très impliqué dans le rayonnement et l’influence de la France, et ceci inclut notamment la francophonie.

Cette précision renvoie à une réalité politique : celle d’une diplomatie globale, qui croise tous nos leviers d’action pour renforcer l’influence et l’attractivité de la France, sur tous les plans. Tel est l’objectif fixé par le Président de la République et par le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Dans un contexte évolutif et contraint, que vos rapporteurs ont fort bien analysé, le ministère adapte en permanence ses moyens et ses actions aux priorités définies dans le cadre de cette diplomatie globale. Dans cet esprit, notre réseau fait l’objet d’un renforcement de son pilotage et de ses instruments, d’une complémentarité accrue avec les Alliances françaises et d’une modernisation de ses moyens d’action pour accroître son autofinancement.

L’objectif de diplomatie globale implique une amélioration de la coordination interministérielle sur le terrain, sous l’autorité des chefs de poste. L’exigence de globalité de notre action extérieure, dont la diplomatie culturelle et de coopération est une dimension essentielle, a été posée dans la stratégie d’action culturelle validée par Laurent Fabius en 2013. Les ambassadeurs sont désormais invités à réunir systématiquement auprès d’eux un conseil en charge de l’influence et de l’attractivité. Ce conseil d’influence a pour objectif l’articulation entre toutes les dimensions de l’action diplomatique de la France : action culturelle, diplomatique, économique, politique des visas, promotion du tourisme, coopération universitaire, aide au développement. Cette façon de penser de manière commune, globale et complémentaire est importante. Il faut le dire davantage. Je l’ai souvent constaté sur le terrain : il faut absolument que les ambassadeurs soient les chefs de file de cette équipe France. Cette dernière doit avancer sur le terrain en étant plus visible.

Cette façon de penser nos outils de manière commune, globale et complémentaire se double d’une autre volonté : celle de renforcer des partenariats et des coopérations entre les acteurs économiques.

Je veux mentionner à cet égard Business France, les chambres de commerce et d’industrie et les entreprises, dont le rôle est également très important sur le terrain, ainsi que l’Institut français et l’Alliance française.

J’ai pu constater lors de mes visites en Tunisie, dont la dernière remonte à quelques jours, que lorsque l’équipe France est au travail avec une volonté commune et une cohérence d’action, le résultat est plus efficace, plus performant.

L’autre évolution marquante qui s’attache à cette diplomatie globale, c’est le choix d’un recours croissant à des opérateurs, qui mettent en oeuvre les différents volets de notre action. Aux opérateurs traditionnels comme l’AFD, l’Agence française de développement, l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, ou l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement, sont venus s’ajouter les opérateurs issus de la loi de 2010, l’Institut français et Campus France. Enfin, une nouvelle génération d’opérateurs est née au cours des derniers mois : Atout France, désormais rattaché à notre ministère, et plus récemment encore Business France et Expertise France.

Là encore, deux chiffres donnent la dimension de cette action : les opérateurs sur lesquels le ministère exerce une tutelle, exclusive ou partagée, représentent un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros et emploient aujourd’hui 11 000 agents. Chacun de ces opérateurs correspond à une fonction précise, ce qui lui permet de déployer une spécialisation génératrice d’efficacité sur son métier propre.

Nous concentrons nos efforts davantage sur le pilotage de ce dispositif et son interaction avec le réseau diplomatique que sur une rationalisation supplémentaire dont la pertinence ne serait pas avérée. C’est nécessaire à l’échelon local, je l’évoquais à l’instant, mais cela s’impose aussi dans le pilotage de ces opérateurs ici même, à Paris. Il nous faut absolument renforcer ce pilotage, notamment par la désignation de responsables faisant référence dans leur domaine.

Ensuite, pour renforcer notre politique d’influence, la complémentarité entre le réseau public des Instituts français et le réseau associatif des Alliances françaises est également déterminante.

Le réseau des 400 Alliances françaises implantées dans le monde entier est une véritable richesse pour notre action et notre rayonnement, vous l’avez tous évoqué, mesdames, messieurs les députés.

Dans bien des cas, comme en Amérique latine, en Chine, en Inde ou encore en Russie, les Alliances françaises incarnent véritablement notre présence. La répartition des implantations respectives des Instituts français et des Alliances françaises dans chaque pays est le fruit d’une sédimentation historique qu’il faut respecter. Nous sommes cependant attentifs à la cohérence d’ensemble de ce réseau : les doublons ont été supprimés dans la plupart des capitales – il était important de le faire – et un dialogue permanent est mené sur l’implantation des différentes structures. Cet effort de cohérence et de complémentarité des réseaux doit être salué et, surtout, poursuivi.

Afin de rendre notre action plus efficace, il est indispensable de mieux identifier à la fois les pays et les publics prioritaires. La cartographie des emplois du réseau culturel évolue en fonction de ces impératifs. En 2014 et 2015, des redéploiements ont été réalisés en faveur des pays émergents de la Méditerranée et du Sahel. Ils ont été ciblés sur certaines thématiques, comme la diplomatie économique, l’innovation ou encore le climat.

S’agissant des publics visés, notre ambition est très claire : ouvrir davantage nos instituts culturels, nos coopérations, nos débats d’idées à la jeunesse, aux classes moyennes et à la société civile, comme c’est actuellement le cas sur les enjeux liés à la Conférence Paris Climat 2015.

Dans le même temps, il nous faut répondre à l’attrait pour la langue française, tant dans les pays émergents ou pré-émergents que dans certains pays dits francophones. Me déplaçant souvent en Afrique, j’ai pu mesurer le succès des cours de perfectionnement en français dispensés y compris dans des pays où l’enseignement public est censé être effectué en français.

Il nous faut donc conquérir de nouveaux publics, mais aussi mieux connaître les publics existants afin de fidéliser les centaines de milliers de bénéficiaires ou d’usagers de notre réseau. Il a donc été demandé à l’Institut français de mener un travail d’analyse de ses publics pour répondre à ce double objectif. Nous avons d’ailleurs hâte de connaître les résultats de ce travail, qui nous permettra de mieux répondre aux demandes et aux besoins.

Des actions sont d’ores et déjà menées dans ce sens. À titre d’exemple, le réseau social www.francealumni.fr, animé par Campus France, a été lancé en novembre 2014 pour assurer le suivi des anciens étudiants, chercheurs et boursiers étrangers. Ainsi que vous l’avez souligné tout à l’heure, monsieur Loncle, cet outil était indispensable pour maintenir un tel réseau actif. Dans de nombreux pays, cette mise en réseau via Internet se double de la création d’associations d’anciens boursiers, qui sont autant de relais d’influence pour notre pays et un véritable vivier pour la création d’entreprises locales et le développement des affaires.

Je suis habitée par la conviction que la langue française ne restera puissante que si elle est utile à ceux qui la partagent, en particulier dans leur démarche d’insertion professionnelle. Je pense que tous ces jeunes qui, aujourd’hui, sont attirés par la langue française, doivent pouvoir s’assurer que cette maîtrise sera pour eux une chance, qu’elle sera utile dans leur parcours.

Le renforcement du réseau passe aussi par sa modernisation et sa professionnalisation.

La formation initiale et continue des agents du réseau est par conséquent une priorité. Les crédits sont confiés aujourd’hui à l’Institut français, l’Alliance française bénéficiant quant à elle d’une subvention annuelle spécifique pour soutenir son plan de professionnalisation.

De nouveaux instruments de gestion ont été déployés, notamment le logiciel de gestion des établissements à autonomie financière. La mise en place, fin 2014, d’un contrôle interne budgétaire et comptable constitue une avancée significative, comme l’a relevé la Cour des comptes. L’organisation de réunions régionales de conseillers de coopération et d’action culturelle et la transmission régulière d’instructions de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats aux postes ont par ailleurs permis un meilleur pilotage du réseau. J’ai tenu à participer personnellement aux travaux de certaines de ces réunions et j’ai pu y mesurer la valeur ajoutée que constitue ce réseau en termes de compréhension des enjeux locaux et de propositions d’action.

Il faut bien sûr évoquer les moyens d’action du réseau, qui sont également modernisés pour développer les ressources propres et les cofinancements. Le ministère contribue pleinement à l’effort de redressement des finances publiques ; j’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer à plusieurs reprises ici depuis mon arrivée voilà plus d’un an.

Pour répondre aux inquiétudes exprimées par MM. les députés François Asensi, Sergio Coronado et Jérôme Lambert, je tiens à préciser que la baisse des moyens budgétaires est restée maîtrisée. Nous stabilisons les enveloppes les plus importantes : l’attractivité bénéficie de 86 millions d’euros depuis 2012, et le réseau culturel a été doté de 150 millions d’euros en 2015, ce qui ne représente qu’une baisse de 3 % par rapport à 2014. Quant à l’AEFE, elle a été totalement sanctuarisée et bénéficie d’une subvention de 410 millions d’euros.

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