Intervention de Denis Baranger

Réunion du 10 avril 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Denis Baranger :

La notion d'accélération s'applique avec pertinence à notre société médiatique, car elle permet d'appréhender l'accroissement de la violence du système qui affecte la manière de faire de la politique. C'est en parlant avec des élus que je me suis rendu compte de leur mise en tension permanente par les médias. Cela restreint leur liberté et les différencie de leurs devanciers : imaginez Michel Debré interviewé par Jean-Jacques Bourdin ! Le résultat ne serait pas bon… À l'inverse, on peut se demander comment Manuel Valls fait pour ne pas s'énerver lorsqu'il doit subir le ton d'autorité et l'aplomb avec lesquels M. Bourdin le soumet à la question.

Cette tension empêche toute possibilité d'adopter une position antisystème. L'actuel conflit de générations au Front national montre que, pour gagner la prochaine élection, ce parti doit se séparer de ses éléments opposés au système, y compris son président d'honneur. Tout responsable politique est susceptible d'être critiqué pour un propos ou un dérapage – ce terme de « dérapage » étant d'ailleurs peu opportun : une sortie antisémite ne constitue pas un dérapage, mais un discours inacceptable –, ce qui n'est pas sans influence sur son discours. Après une intervention du Président de la République, le journaliste d'un média d'information continue recensera les annonces ; attendait-on du général de Gaulle qu'il fasse des annonces ?

La mise sous tension dissuade également tout conservatisme et tout progressisme. Le conservateur demande l'accélération du changement, quand le progressiste plaide, comme le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) il y a quelques années, pour « ne rien lâcher » ; le premier souhaite donc le mouvement quand le second veut garder les choses en l'état. La politique a beaucoup changé.

Cela posé, que pouvons-nous faire pour les institutions, madame ? Luc Carvounas a parlé du Sénat qui représente le type d'institution éloignée du fonctionnement des médias, comme la chambre des Lords au Royaume-Uni. Ces organes ignorent le séquençage que vous avez très bien théorisé. Que feriez-vous si vous pouviez changer la Constitution ?

Puisque vous bénéficiez d'une praxis théorique – ou d'une théorie de votre praxis –, vous pourrez répondre à cette interrogation : comment régule-t-on le monde des médias aujourd'hui ? On reproche au Conseil supérieur de l'audiovisuel de vouloir sanctionner des médias, mais il se trouve gêné dans les difficultés que traverse Radio France car il en a nommé le président-directeur général sans pouvoir influencer l'action de celui-ci. Que doit-on faire pour que les médias produisent moins de violence politique ?

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