Intervention de Philippe Baumel

Séance en hémicycle du 16 avril 2015 à 9h30
Accord d'association union européenne-moldavie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Baumel :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la Moldavie, pour beaucoup de nos concitoyens, c’est un peu une part de notre enfance, c’est presque la part du rêve, c’est ce que nous avons lu dans les albums de Tintin, c’est Le Sceptre d’Ottokar qui nous revient à la mémoire. Je le dis pour sourire, mais aussi parce qu’il faut se rappeler que Hergé lui-même, lorsqu’il a écrit Le Sceptre d’Ottokar, avait à l’esprit une actualité politique très prégnante – c’était en 1939. Il a voulu parler, à travers cet album de bande dessinée, de l’annexion d’un pays par un autre, qui s’était passée dans des conditions peu acceptables pour la population, précisément la population de la Moldavie. Peut-être a-t-il aussi voulu parler d’une autre Anschluss, évidemment, ailleurs en Europe centrale. Tout cela n’est pas anodin, et peut-être faut-il aussi avoir en mémoire ce qui s’est passé dans les années trente pour essayer aujourd’hui, au début du XXIe siècle, d’éviter un certain nombre d’écueils.

On l’a dit, la Moldavie, fait figure d’exception parmi les anciennes républiques soviétiques. Comme la Roumanie voisine, ce pays est de tradition latine, et le rapporteur nous rappelait à juste titre que plus d’un quart de sa population parle français. Nous avons donc la francophonie en partage et nous devons veiller à renforcer nos échanges et nos liens amicaux.

L’accord d’association avec la République moldave – je dis bien « d’association », et pas « d’adhésion », je tiens aussi à le souligner, comme les orateurs qui m’ont précédé –, que notre assemblée examine aujourd’hui, s’inscrit dans le cadre du Partenariat oriental de l’Union européenne, lancé en juin 2009. Quel est son objectif ? Il est de renforcer le volet oriental de la politique européenne de voisinage en direction de six anciennes républiques soviétiques : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Tout cela s’inscrit dans un contexte que nous ne connaissons que trop bien, où il serait peu approprié de donner un nouveau mauvais signal au voisin russe, qui ne doit pas, là aussi, se sentir mis en cause dans sa sphère d’influence naturelle. L’intérêt de l’Union européenne, en Moldavie comme ailleurs, n’est pas de jouer un expansionnisme qui ne correspond pas à l’intérêt des relations internationales sur le Vieux Continent. Alors, accord, oui, partenariat, oui, perspective d’intégration, clairement, non.

Cet accord, signé le 27 juin 2014 à Bruxelles, va ouvrir de nouvelles relations entre l’Union européenne et la Moldavie, en les inscrivant dans un nouveau cadre juridique mais surtout en fournissant à ce pays un outil de modernisation et de réforme dont il a bien besoin. Il vise clairement à renforcer le dialogue politique et les échanges économiques et commerciaux entre l’Union européenne et la Moldavie, en permettant, notamment, un rapprochement réglementaire et normatif.

Concrètement, cet accord comprend trois volets destinés à renforcer les réformes politiques, la coopération, et le commerce et les échanges.

Le premier volet est marqué par la volonté d’approfondir le dialogue politique entre l’Union européenne et la Moldavie, notamment en matière de réformes intérieures, de politique étrangère et de sécurité, et ce d’abord pour promouvoir les valeurs et les principes fondamentaux de l’Union européenne, que sont le respect et la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, de l’État de droit, de la bonne gouvernance et du développement durable. Ce n’est pas, vous en conviendrez, tous les jours dans l’actualité de ce pays. Il ne s’agit ni plus ni moins que de renforcer et de soutenir la démocratie en Moldavie, tout en favorisant paix et stabilité.

En mettant en place une association, l’accord prévoit : d’une part, l’intensification du dialogue et de la coopération dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité, à la fois pour prévenir les conflits et pour favoriser la stabilité régionale ; d’autre part, l’engagement de l’Union européenne et de la Moldavie de parvenir à un règlement durable du conflit en Transnistrie, dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Moldavie, et leur soutien à la réhabilitation de cette région après le conflit.

Le deuxième volet de l’accord permettra de renforcer et d’approfondir les relations commerciales entre l’Union européenne et la Moldavie. L’ouverture du marché européen constituera une réelle opportunité pour le développement économique de la Moldavie. C’est la raison pour laquelle l’accord prévoit une diminution asymétrique des droits de douane sur les dix prochaines années. Au-delà de ces aspects tarifaires, il a également pour but de lever les obstacles qui entravent le développement des échanges économiques entre l’Union européenne et la Moldavie. L’ouverture des échanges sera conditionnée par la reprise progressive par la Moldavie d’une large part de l’acquis communautaire en matière de réglementations et de normes. Ainsi, l’accord prévoit, dans chaque domaine, le périmètre de l’acquis à reprendre et un calendrier pour le faire. Enfin, l’accord prend en compte des considérations telles que les droits de l’homme et l’environnement. Il s’agit donc bien d’un accord qui va au-delà d’une simple dimension commerciale.

Le troisième et dernier volet de l’accord prévoit de renforcer les coopérations dans vingt-huit domaines, afin de faciliter la reprise de l’acquis de l’Union. Il s’agit de soutenir la mise en oeuvre de réformes en profondeur, de promouvoir la croissance économique et de contribuer au renforcement de la bonne gouvernance. L’enjeu est d’apporter notre soutien à la démocratie, au développement économique et social et à la stabilité d’un voisin immédiat de l’Union européenne. Il s’agira de renforcer la coopération dans vingt-huit secteurs, tels que la réforme de l’administration publique, la gestion des finances publiques, l’énergie, les transports, l’environnement, la politique industrielle, les politiques sociales, l’agriculture et la coopération transfrontalière. Je ne les cite pas tous, mais peut-être ai-je déjà cité les plus significatifs.

La Moldavie est le deuxième pays le plus aidé par l’Union européenne parmi les pays dits du voisinage européen. Sur la période 2014-2020, le montant de l’enveloppe programmée est estimé entre 610 et 746 millions d’euros. L’objectif de ce soutien est d’accompagner concrètement la Moldavie dans ses efforts de réforme et de modernisation, qu’il s’agisse de l’administration publique, du développement agricole et rural, des capacités institutionnelles ou encore de la réforme de la police ou de la gestion des frontières. Les progrès déjà réalisés depuis plusieurs années sont importants, et cet accord d’association doit également servir à marquer notre soutien continu et à amplifier cette dynamique pour relever les défis qui s’annoncent. Dans un contexte fortement marqué par la crise ukrainienne, la France doit plus que jamais s’impliquer dans la dimension orientale de la politique européenne de voisinage.

Enfin, le troisième enjeu est de consolider nos relations bilatérales avec l’un des pays les plus francophones d’Europe orientale. Si les échanges commerciaux entre nos deux pays restent encore modestes, la présence économique française commence, depuis l’année 2008, à se structurer ; plusieurs grands groupes français, cités tout à l’heure, sont fortement implantés en Moldavie. De plus, l’implantation d’entreprises françaises dans la Roumanie voisine constitue une sorte de tête de pont et un atout non négligeable dans le développement et le renforcement des échanges entre nos deux pays. De fortes opportunités existent pour nos entreprises, dans des domaines aussi divers que la gestion de l’eau, la gestion des déchets, les énergies renouvelables et le transport.

Au-delà des aspects commerciaux et économiques, nous devons veiller à renforcer nos coopérations administratives, nos échanges culturels, notamment en ce qui concerne la francophonie, et aussi nos échanges universitaires – ce qui s’est d’ailleurs traduit dans une politique de visas. Nous devons aussi avoir la volonté de maintenir à bon niveau notre présence diplomatique.

L’Union européenne et la France sont attendues en Moldavie. Pour toutes ces raisons je vous invite à voter sans réserve ce projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie.

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