Intervention de Bernard Bajolet

Réunion du 24 mars 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bernard Bajolet, directeur général de la sécurité extérieure :

Ce projet de loi est un texte très important puisque c'est le premier texte de portée générale encadrant l'activité des services de renseignement depuis la Seconde Guerre mondiale. Il a une portée bien plus vaste que la loi de 1991, qui ne concernait que l'interception des communications. Ce projet de loi définit les missions des services de renseignement, les techniques qu'ils sont autorisés à employer sur le territoire national, ainsi que les modalités du contrôle de l'utilisation de ces techniques par une nouvelle commission, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

La loi de 1991, si elle a été une excellente loi, a fait son temps, les techniques ayant énormément évolué depuis cette époque où n'existait que le téléphone fixe. Nous avons connu depuis lors l'explosion d'internet et du téléphone portable, et les individus auxquels nous nous intéressons disposent de multiples adresses électroniques, de plusieurs numéros de téléphone portable, et sont présents sur les réseaux sociaux.

La loi de 1991 prévoyait en outre une exception pour la DGSE, puisque les communications à l'étranger, qui sont notre coeur de métier, passaient essentiellement à l'époque par la voie du satellite, et que son article 20 exemptait du contrôle qu'elle instaurait les transmissions par liaison hertzienne.

C'est grâce à la jurisprudence, que l'on peut qualifier de créative, de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) que nous avons pu combler le fossé qui s'est progressivement élargi entre les dispositions légales et l'évolution des techniques. Nous travaillons sur la base de cette jurisprudence. C'est certes un cadre légal mais, dans le système français où la jurisprudence n'a pas la même force que dans les pays anglo-saxons, une telle base juridique est malgré tout assez fragile. Nous sentions bien la nécessité de consolider ce cadre, surtout depuis l'affaire Snowden. Ce projet de loi est donc indispensable.

Bien que l'actualité dramatique du mois de janvier et les attentats plus récents commis au Mali, puis en Tunisie, montrent la réalité de la menace terroriste, la DGSE n'est pas chargée seulement de détecter ces menaces et de les prévenir. Elle a aussi pour mission d'informer les autorités politiques en matière de politique étrangère et de permettre au Gouvernement de disposer d'une capacité d'analyse autonome sur la situation de l'ensemble des pays du monde. La DGSE intervient également en soutien aux forces armées sur les théâtres d'opération. Nous avons en outre des missions de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de lutte contre la criminalité internationale, ainsi que de soutien à notre économie et à nos entreprises. Les finalités définies dans le projet de loi, qui figureront à l'article 811-3, paraissent couvrir la gamme de nos missions.

L'article le plus important pour mon service est celui relatif à la surveillance internationale. Cet article L. 854-1 prend en considération la réalité des activités que nous menons. Sa rédaction nous convient. Cet article n'offre aucune capacité nouvelle par rapport à ce qui est aujourd'hui pratiqué et consacré par la jurisprudence de la CNCIS.

Il indique que les flux que nous interceptons portent sur les transmissions émises ou reçues à l'étranger. Le « ou » est important car cela signifie que ces communications peuvent être des communications mixtes, dont l'un des identifiants est rattaché au sol français. Dans ce cas, les conditions d'exploitation et de conservation des correspondances afférentes sont alors celles du droit commun, c'est-à-dire qu'elles sont exploitées dans un centre du GIC, service du Premier ministre, sous le contrôle de la CNCTR, sous réserve que leur délai de destruction court à compter de leur première exploitation.

Le texte renvoie à deux décrets, un décret en Conseil d'État pris après avis de la CNCTR, et un décret qui sera également soumis à la CNCTR mais non publié car nous ne souhaitons pas révéler publiquement certaines dispositions. Mais, ce deuxième décret sera, en plus, porté à la connaissance de la Délégation parlementaire du renseignement.

D'autres mesures du texte sont importantes. Je les aborderai sans doute en répondant à vos questions.

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