Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 1er avril 2015 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Le dispositif technique de proximité permet de recueillir certaines données de connexion, voire, pour certains modèles, de capter des conversations à l'intérieur d'un périmètre déterminé, dans certaines conditions. Le recours à cette technique est nécessaire, soit pour identifier des cibles à l'occasion d'un contact dans le cadre d'une filature, soit pour déterminer des identifiants à surveiller dans un contexte où les cibles changent souvent de téléphone ou de puce pour brouiller les pistes, ce qui arrive de plus en plus souvent, notamment en matière de grande criminalité et de terrorisme.

Cette technique suscite l'appréhension parce qu'elle recueille les données de manière indiscriminée à l'intérieur du périmètre considéré. Il faut donc entourer sa mise en oeuvre de garanties adaptées à ses conditions d'exploitation. J'en ai parfaitement conscience, et c'est le souhait du Gouvernement.

À cette fin, le projet de loi inclut plusieurs dispositions particulières. D'abord, l'appareil doit être inscrit dans un registre spécial, tenu en permanence à la disposition de la CNCTR. Ensuite, son utilisation peut faire l'objet d'une autorisation-cadre qui porte sur des lieux et des périodes déterminées, donnée après avis exprès de la CNCTR. C'est uniquement en vue de prévenir un acte terroriste, et pour une durée de soixante-douze heures, que l'interception des correspondances au moyen d'un tel dispositif est autorisée.

Aux termes de l'amendement, ce dispositif ne serait pas doté d'une base juridique spécifique, contrairement à ce que nous proposons, mais soumis, comme une modalité particulière, aux mesures relatives au recueil de données de géolocalisation ou des correspondances. Le rapporteur souhaite ainsi éviter que la loi ne soit trop attachée à une technique susceptible d'évoluer. Il entend, en outre, apporter de nouvelles garanties.

Le Gouvernement comprend ces objectifs et les partage très largement. Nous pensons cependant que la solution proposée par le rapporteur soulève plusieurs difficultés.

D'abord, elle fait disparaître la possibilité d'accorder des autorisations pour des lieux et des périodes déterminés. Or les usages de la technique considérée ne se prêtent pas toujours à l'obtention d'autorisations individuelles. C'est d'ailleurs ce qui justifie la préférence du Gouvernement pour une base juridique spécifique.

Ensuite, le rapporteur ne reprend pas le terme de proximité, qui souligne pourtant l'une des caractéristiques du dispositif, laquelle intéresse l'usage que nous voulons en faire : son rayon d'action limité.

Enfin, le recueil des correspondances ne serait plus réservé à la prévention d'un acte terroriste ni limité à soixante-douze heures. Il pourrait donc être autorisé pour toute finalité, pendant quatre mois. Nous souhaitons, nous, que le recours à cette technique soit beaucoup plus concentré, en raison de ses spécificités.

Parallèlement, certaines des garanties promues par le rapporteur soulèvent des difficultés. Ainsi, la centralisation des informations ou des documents recueillis par un service du Premier ministre, dont je comprends qu'elle se ferait, dans l'esprit des auteurs de l'amendement, par transmission informatique en temps réel, repose donc sur une technologie qui n'a pas été testée. En d'autres termes, cette procédure n'est pas opérationnelle en l'état actuel de la technologie. Cela pose un véritable problème.

Cependant, le Gouvernement partage les objectifs du rapporteur et il est disposé à assortir le recours au dispositif de proximité de garanties supplémentaires qui respectent son objet et ses conditions d'utilisation. Dans ce cadre, il est d'ores et déjà prêt à ramener à quatre mois la durée des autorisations. Mais s'il est d'avis qu'une solution équilibrée peut être trouvée, cela nécessite encore des travaux de finalisation dans la perspective de la séance.

Pour ces raisons, je souhaite le retrait de cet amendement.

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