Intervention de Nathalie Torselli

Réunion du 19 mars 2015 à 9h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Nathalie Torselli, représentante de l'Assemblée des blessés, des familles et des collectifs contre les violences policières :

Le Flash-Ball et le LBD ne se contentent pas de blesser physiquement un seul individu, ils touchent également familles et entourage. Il est important et nécessaire que cette commission soit informée de ce que des parents ressentent.

Nos enfants ont été éborgnés, marqués à vie, atteints dans leur intégrité par un policier qui, armé d'un Flash-Ball, leur a tiré dans l'oeil, alors qu'ils ne présentaient de danger pour personne. Ces enfants, ils auraient pu être les vôtres. Ils sont plus de quarante aujourd'hui à traverser cette épreuve.

À la douleur de voir son enfant démoli, s'ajoute l'incompréhension : comment cela peut-il se produire dans un pays qui se dit civilisé ? S'ajoute aussi la rage : on ne peut pas, on ne doit pas se taire, il faut dénoncer ces faits avec force.

Une blessure reçue dans de telles circonstances n'a rien à voir avec un accident de bricolage ou un malencontreux hasard. Les parents, les frères et soeurs, les proches sont touchés au plus profond d'eux-mêmes. Eux aussi sont abîmés, enveloppés qu'ils sont par une sensation glauque, poisseuse, collante, qui ne les lâche plus et les transforme irrémédiablement. Pour eux aussi, il y a désormais un avant et un après la mutilation.

Ils vont de surcroît devoir vivre avec le ressenti très net que leur fils, leur frère, leur ami est désormais perçu comme un individu dangereux selon l'idée répandue par la police et les responsables politiques, et entretenue par une certaine presse, que s'il a été blessé par la police, c'est qu'il l'a bien cherché et qu'il l'a mérité.

Ils vont aussi devoir traverser de longues et pénibles années de procédure judiciaire à l'issue incertaine – non-lieu, relaxe – et dont la lenteur étudiée suspend le temps et empêche la réparation, la reconstruction. C'est une nouvelle violence.

Il leur faudra enfin soutenir psychologiquement et financièrement celui qui, fragile, est devenu socialement un handicapé et qui devra parfois réorienter sa vie professionnelle ou étudiante.

Avant ce drame, nous faisions partie de la masse des citoyens insérés et engagés dans la société ignorant tout des violences policières durant les manifestations. Nous n'étions pas révoltés, nous le sommes devenus.

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