Intervention de Razzy Hammadi

Réunion du 4 mars 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRazzy Hammadi, co-rapporteur :

Cette communication est importante. Le plan Juncker appartient à ces actions perçues comme politiques, puis médiatiques, dont il est difficile au final de connaître le contenu exact, le processus, l'ambition et les modalités, ce que nous allons essayer de décrire ici.

Il conviendra donc de compléter cette communication par un rapport rendu avant l'adoption définitive de ce texte, qui contiendra nos préconisations et amendements.

Le plan prend acte d'une situation connue de tous : l'effondrement de l'investissement public ou privé.

Plusieurs raisons expliquent le recul important de l'investissement : le coût élevé du financement bancaire dans certains États, lié au phénomène de « fragmentation financière », l'incertitude chronique qui a caractérisé ces cinq dernières années et le niveau élevé d'endettement. Ainsi que l'a récemment rappelé le FMI, les reprises économiques sans reprises du crédit, et donc de l'investissement privé, sont un phénomène extrêmement rare. Le raffermissement de l'investissement privé est donc la condition du retour à une croissance forte et durable ; du côté de l'investissement public, l'accent mis sur la consolidation budgétaire, ces dernières années, et les réductions des dépenses ont porté de manière disproportionnée sur les dépenses d'investissement.

Si nous devons nous féliciter d'un état d'esprit nouveau à la Commission européenne, la reprise doit beaucoup à la baisse du prix des matières premières en particulier des hydrocarbures et à la baisse de l'Euro, sous l'impulsion de la BCE qui exerce ici des compétences normalement dévolues au Conseil auquel les traités confient la politique de change.

Tous les rapports relatifs au plan Juncker doivent nous interpeller sur la diminution en France des dotations aux collectivités locales. Nous pouvons en effet avoir un débat sur les dotations relatives au fonctionnement mais il faut préserver l'investissement.

Pour financer le plan Juncker, le Fonds européen pour les investissements stratégiques sera doté de 21 milliards d'euros. Le fonds comptera sur les apports de la Commission européenne et de la Banque européenne d'investissement (BEI) et sera géré par cette dernière. Il doit permettre de financer des projets qui n'ont pas pu être financés par la BEI auparavant, mais qui présentent un grand intérêt par leur capacité à relancer l'économie européenne.

Le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques recevra 5 milliards d'euros de la Banque européenne d'investissement (BEI), la garantie d'une contribution de 8 milliards d'euros de fonds européens existants, contribution susceptible d'être élargie jusqu'à 16 milliards, soit un total de 21 milliards d'euros.

La garantie de 8 milliards d'euros sera injectée sur trois ans et proviendra du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (3,3 milliards), du programme de recherche Horizon 2020 (2,7 milliards) et d'une « marge budgétaire », c'est-à-dire des fonds non utilisés (2 milliards). Par ailleurs la réduction de l'enveloppe du programme –cadre pour la recherche et l'innovation pour financer ce programme nous inquiète.

Le Fonds pour les investissements stratégiques, devrait générer quelque 240 milliards en investissements à long terme et 75 milliards pour les PME et les sociétés de moyenne capitalisation sur deux ans, entre 2015 et 2017, par un « effet de levier » de 15.

Je tiens d'ores et déjà à indiquer que nous essaierons d'améliorer notre connaissance du détail de ces sommes.

J'avais pu émettre des doutes sur le pacte de croissance et d'emploi évalué à 120 milliards d'euros proposé en juin 2012. Force est de reconnaître que le niveau atteint aujourd'hui, avec 180 milliards d'euros en mars 2015, est supérieur aux prévisions.

Les secteurs concernés par ce projet sont essentiellement la transition énergétique, le numérique et les transports. En outre, pour inciter les États à verser leur contribution, il est indiqué qu'il sera tenu compte des versements des États pour l'appréciation des contraintes du pacte de stabilité et de croissance. Il faut noter que le recours au FEIS est prévu par défaut, c'est-à-dire lorsqu'il est impossible d'obtenir un « financement par le marché à des conditions raisonnables » mais que « les projets éligibles peuvent utiliser les fonds structurels ». L'accent est mis également sur les PME (c'est-à-dire de moins de 3 000 salariés) avec 75 milliards d'euros est important.

Mais les crédits dégagés ainsi sont insuffisants pour faire face à des besoins d'infrastructure de l'Union européenne estimés à 1 000 milliards d'euros.

Le plan Juncker vise à faire le lien entre des projets de court et de moyen termes.

À la veille de la COP21 et de la mobilisation de la France et ce qui émerge avec la préparation du 5 + 5 nous devons regretter l'exclusion des projets africains et nord-africains ; c'est en train de devenir une habitude que nous déplorons.

La motivation de la Commission européenne laisse également perplexe.

La Commission affirme qu'il y aura un effet multiplicateur et un impact sur le terrain plus grand qu'une campagne d'investissements conduite par des États isolément. Il s'agit d'une affirmation mal étayée, rien ne prouve que la même politique conduite dans un cadre intergouvernemental ne serait pas plus rapidement mise en oeuvre, car l'expérience montre que souvent la lourdeur des procédures de l'Union retarde les décisions.

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