Intervention de Catherine Beaubatie

Réunion du 11 mars 2015 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Beaubatie :

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui responsabilise les grandes entreprises pour les atteintes que leur activité est susceptible de porter aux droits de l'homme, aux droits sociaux et à l'environnement. En introduisant un devoir de vigilance contraignant sans précédent en Europe, elle constitue un progrès majeur. Le travail conduit en amont par nos collègues Dominique Potier, Philippe Noguès et Danielle Auroi a amorcé un large mouvement de réflexion, suivi notamment par la plateforme nationale d'action globale pour la RSE qui réunit des organisations non gouvernementales (ONG), des syndicats et des juristes. La proposition de loi similaire déposée par le groupe écologiste, que je remercie, a également participé à ce mouvement, même si elle était juridiquement fragile et moins efficace que la rédaction qui nous est ici soumise.

Il s'agit d'obliger les entreprises à mettre en oeuvre un plan de vigilance, pratique déjà encouragée par les codes de bonne conduite issus de la soft law et de textes internationaux. En cas de manquement à cette obligation, l'entreprise concernée sera sanctionnée ; elle le sera également si un lien de cause à effet est établi entre l'occurrence d'un dommage et ce manquement.

Certaines grandes entreprises affirment avoir déjà pris des engagements dans les domaines sociaux et environnementaux et soulignent que la responsabilisation juridique constituerait un frein à la compétitivité. Si elles sont si vertueuses, pourquoi craindre la vérification de la mise en oeuvre de ces engagements ? Comment peut-on placer sur le même plan l'amélioration des conditions de vie de salariés réduits à un esclavage déguisé et l'attribution d'un marché à l'étranger ? Lorsque les droits de l'homme, les droits sociaux et environnementaux sont bafoués et que les coupables ne peuvent être recherchés, c'est l'humanité entière qui en souffre et la société qui en paie le prix. Cette situation, permise par une ingénierie juridique audacieuse et des droits nationaux défaillants, n'est pas acceptable. Pour autant, nous sommes défavorables aux amendements tendant à renverser la charge de la preuve : ils contreviennent au droit commun de la responsabilité et mettraient les entreprises en situation d'insécurité juridique.

La pratique du reporting extra-financier a été encouragée par le Grenelle de l'environnement 2 et l'Union européenne a fait adopter une directive en ce sens le 22 octobre dernier. Il est temps d'accélérer l'histoire en transformant le droit « mou » en droit contraignant. Avec cette proposition de loi, la France pionnière ouvre la porte à l'européanisation du devoir de vigilance.

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