Intervention de Patrick Vignal

Réunion du 18 février 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Vignal :

Permettez-moi d'apporter un témoignage qui permet de réfléchir à la question de la cohésion sociale. Je suis le député de Lunel, une ville d'où plus de vingt jeunes et moins jeunes sont partis faire le djihad en Syrie, une ville dont six jeunes habitants sont morts en servant de chair à canon, une ville dans laquelle des enfants de quatorze à quinze ans proclament fièrement sur les réseaux sociaux que « Plus tard, j'irai rejoindre mes frères ! ». Lunel est une ville très fragmentée et difficile.

J'ai décidé de rencontrer les enseignants directement pour savoir ce qui se passait sur le terrain. J'ai aussi rencontré des parents d'élèves, avant de réunir ces deux groupes. Dans ce cadre, nous avons constaté que les parents souhaitaient s'exprimer et qu'ils avaient beaucoup à dire, mais aussi que les enseignants étaient heureux de se sentir accompagnés, y compris par les élus. Pour moi, l'école n'est pas un sanctuaire : elle fait partie d'un parcours de vie de nos enfants qui va de la maternelle à la faculté.

L'essentiel du problème provient de la ghettoïsation. Deux collèges sont implantés à Lunel : le collège Frédéric Mistral, dans une zone sensible, est fréquenté par les jeunes issus de ZUP, et le collège Ambrussum, dans lequel sont inscrits les enfants des villages. Il faut changer cela progressivement ; nos enfants doivent grandir ensemble afin que, demain, ils puissent vivre ensemble. Il faut s'inspirer du modèle américain de brassage appuyé sur les réseaux de transport, le busing, qui permet de faire venir les élèves dans des établissements s'il le faut plus lointains pour garantir la mixité.

Je crois que nous nous sommes trompés en installant les équipements au bas des immeubles – ce que j'ai fait lorsque j'étais adjoint chargé de la cohésion sociale, du sport, et de la démocratie participative de la ville de Montpellier. Ce n'est pas en ouvrant la médiathèque, le club de sport et les locaux associatifs sur place que nous donnons aux jeunes les clefs de la ville. Il serait au contraire temps de faciliter la mobilité urbaine. Les maires doivent donner aux jeunes les moyens de se déplacer gratuitement, et les parents doivent pouvoir les accompagner. Je crois à l'alchimie humaine et aux échanges. Il faut en finir avec l'entre-soi et avec la réciprocité des mépris.

Dans ma ville, j'ai lancé un appel à projets citoyens sur la laïcité, la République et la famille. Au sein d'un parlement des enfants, nous travaillons avec deux cents enfants, les enseignants, les parents d'élèves. Notre pays compte plus de six cent mille élus : si chacun se rendait dans une école et expliquait la démocratie, les choses avanceraient. Nous mobilisons aussi les étudiants, les retraités, et le monde associatif. Cela peut faire peur aux enseignants, mais ils comprennent que nous devons travailler tous ensemble. Chacun ne peut pas rester dans sa caste, celle du riche, du pauvre, de l'enseignant, du politique, etc. Nous ne ferons de société qu'ensemble.

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