Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 14 février 2015 à 22h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 98

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Cet article 98 est le premier de la partie du projet de loi qui s’intitule « Amélioration du dispositif de sécurisation de l’emploi », mais qu’il serait plus judicieux de renommer ainsi : « Facilitation des licenciements économiques ».

M. le rapporteur thématique a sans aucun doute fait évoluer cette partie au cours des travaux de la commission spéciale, qui a adopté certains amendements qui limitent les dégâts par rapport au texte initial – je pense à l’obligation de respecter un périmètre minimum pour l’application des critères de licenciement en cas de document unilatéral de l’employeur, ou encore au rétablissement de l’obligation de reclassement dans tout le groupe, y compris quand l’entreprise est en redressement ou en liquidation.

Pourtant, ces modifications intervenues en commission ne sont que l’aménagement d’une logique de recul des droits des salariés que nous regrettons et dénonçons. En effet, les articles 98 à 104 ont pour seul objectif d’assouplir encore davantage les procédures mises en place par la loi dite de sécurisation de l’emploi.

Ainsi, vous n’hésitez pas à porter atteinte au principe même du droit au reclassement en supprimant l’obligation faite à l’employeur de proposer les emplois disponibles dans les entreprises du groupe situées à l’étranger. Vous ouvrez une brèche en permettant à l’employeur de cibler les personnes qu’il s’apprête à licencier pour des motifs économiques – c’est l’objet de cet article 98 – puisqu’il pourra désormais décider unilatéralement d’appliquer les critères de licenciement à une zone d’emploi dont le périmètre est plus petit que celui de l’ensemble de l’entreprise, alors que la règle en vigueur jusqu’à présent avait pour but d’objectiver le choix des personnes à licencier. Avec cette modification législative, vous permettez aux employeurs de se prémunir contre une jurisprudence qui pourrait donner raison aux salariés – je pense par exemple à l’affaire Mory Ducros.

Certes, cette façon de procéder, qui consiste à prendre le contre-pied d’une jurisprudence progressiste en proposant une loi contraire, a hélas été souvent utilisée par la droite ; je regrette qu’elle le soit aussi par ce gouvernement. De même, vous déresponsabilisez les groupes face au plan de sauvegarde de l’emploi, qui ne sera plus jugé au regard des moyens du groupe mais de ceux de l’entreprise lorsque celle-ci est en redressement ou en liquidation, ce qui limitera les moyens mis à disposition des salariés – même si l’entreprise en difficulté est une filiale d’un groupe prospère.

Tels sont les constats que nous sommes bien obligés de faire. Je vous ai dit plus tôt dans le débat – ce qui vous a fâché, monsieur le ministre – que toutes ces dispositions répondent aux demandes du patronat au détriment des salariés. Je ne peux hélas que le répéter car ce sont les faits, et les faits sont têtus.

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