Intervention de Philippe Askenazy

Réunion du 11 février 2015 à 11h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Askenazy, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique, CNRS, chercheur à l'école d'économie de Paris :

Non, l'Île-de-France progresse, mais moins vite : elle connaît une certaine saturation. Des effets de congestion commencent à se faire sentir.

Je connais très insuffisamment le cas de l'Alsace pour vous répondre précisément, monsieur Straumann. Il me semble néanmoins qu'il existe une certaine dynamique des aires de Strasbourg et de Mulhouse, mais une dynamique moins forte que dans certaines autres capitales régionales. Pour être attractives, sans doute les métropoles doivent-elles être suffisamment grandes. Mais beaucoup de facteurs échappent à la décision publique. Tout cela relève vraiment du choix des entreprises.

Des forces françaises ont déjà été évoquées. Il faut encore citer la démographie, puisque la croissance naît d'une part de la croissance de la productivité, et d'autre part de la croissance de la population. D'un point de vue démographique, nos perspectives sont très favorables puisque nous pouvons envisager d'avoir, à l'horizon 2040 ou 2050, une population équivalente à celle du Royaume-Uni, et supérieure à celle de l'Allemagne.

La France fait le choix de ne pas avoir de politique d'immigration active, ce qui, d'un point de vue démographique, est notre seule faiblesse : nous sommes aujourd'hui le pays le plus fermé en Europe. C'est un choix politique, dont il est possible de s'accommoder. À l'inverse, néanmoins, le Royaume-Uni est très ouvert, nettement plus accueillant : il attire ainsi de nombreuses personnes qualifiées. Aujourd'hui, dans la tranche d'âge de trente à trente-cinq ans, 15 % des personnes diplômées du supérieur au Royaume-Uni viennent d'autres pays européens ; cette proportion n'est que de 5 % en France. De nouveaux segments économiques, cela a été dit, portent aujourd'hui la croissance : il faut accompagner leur émergence par une production suffisante de diplômés. Si nous ne voulons pas d'une politique consistant à attirer des diplômés, alors nous devons en former suffisamment. On entend aujourd'hui beaucoup de discours larmoyants sur le déclin, le déclassement... C'est une erreur : nous sommes plutôt dans une situation où les entreprises continuent d'embaucher. Depuis 2008, le nombre de personnes diplômées du supérieur dans l'emploi s'est accru de 600 000 personnes ! Certes, il peut y avoir un déclassement salarial, mais les diplômés trouvent des emplois. Il y a donc une demande des entreprises, à laquelle il faut répondre. La question d'un effort en faveur de l'enseignement supérieur se pose fortement.

Quant à la recherche, question connexe, il faut souligner que la rupture dans l'investissement en recherche et développement en France remonte au milieu des années quatre-vingt-dix. Nous sommes – mais nous ne sommes pas les seuls – passés à côté de la vague des technologies de l'information et de la communication. L'Allemagne, l'Autriche et certains pays scandinaves ont connu une forte progression de la recherche et développement, mais ce mouvement a suivi une politique publique de formation de docteurs en grand nombre. La France forme toujours surtout des ingénieurs.

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