Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du 11 février 2015 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je salue le dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes, monsieur le Premier président, qui comme chaque année propose une présentation de la situation générale de nos finances publiques ainsi qu’une analyse extrêmement détaillée et précise de certaines politiques publiques.

Avec ce rapport, d’une très grande richesse, d’une très grande qualité et qui contient de nombreuses informations – je salue une nouvelle fois le travail accompli –, la Cour remplit ainsi sa mission constitutionnelle d’assistance du Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement, notamment, au titre de l’exécution des lois de finances et de l’évaluation des politiques publiques.

Je souhaiterais aborder quelques aspects du rapport et, dans un premier temps, revenir sur le pilotage des finances publiques.

En étant synthétique, je dirais que le rapport présente deux volets.

Tout d’abord, la présentation d’ensemble des finances publiques – la principale préoccupation concernant la fiabilité des prévisions, ce qui est assez récurrent dans les écrits de la Cour des comptes même si, cette année, vous pointez d’une manière un tout petit peu plus appuyée les risques relatifs à l’inflation, en particulier pour 2015.

De surcroît, vous estimez que ces derniers n’ont pas été suffisamment anticipés ou, peut-être, pris en compte, au regard de l’exécution du budget pour 2014.

Ensuite, les thèmes et les constats concernant la politique publique, qui sont peut-être un peu plus positifs ou un peu moins négatifs même si vous pointez naturellement de nécessaires améliorations en termes de pilotage.

Lorsque l’on veut mener une politique budgétaire, monsieur le Premier président, il faut en effet tenir compte de deux aspects : l’appréciation de l’environnement économique, qui se traduit par des prévisions d’inflation et de croissance, ainsi que la mise en oeuvre des pilotages de l’ensemble des politiques publiques avec, d’un côté, les dépenses publiques et, de l’autre, la définition des niveaux d’imposition.

Si, vous l’avez dit, ce second point fait l’objet d’un relatif satisfecit, je souhaite revenir sur le premier, les développements de la Cour des comptes à ce propos étant assez importants.

Il est nécessaire d’évaluer la position de notre Assemblée et de notre Parlement car nous sommes parfois entre deux chaises…

En effet, lorsque nous prenons des décisions économiques, nous devons qualifier le moment économique, le moment dans lequel nous nous trouvons, ce qui implique d’apprécier la croissance potentielle.

Nous en avons longuement débattu, vous le savez et, aujourd’hui, notre Parlement doit utiliser soit la prévision de croissance potentielle de la Commission européenne – qui a été reprise par le Gouvernement –, soit les calculs d’organismes indépendants comme, par exemple, l’OFCE.

Notre commission des finances a interrogé à plusieurs reprises le Haut conseil des finances publiques sur le niveau de croissance potentielle. Le rapport présente à ce propos un assez long développement et précise que le Gouvernement l’a révisé, ce qui vous interdit de réaliser des comparaisons historiques puisque les niveaux ont changé. Sur ce point, monsieur le Premier président, je partage vos constats.

Néanmoins, il me semblerait indispensable qu’en la matière notre Assemblée et notre Parlement puissent disposer d’une véritable analyse.

Qu’est-ce que la croissance potentielle, sinon la capacité d’évaluer l’ensemble des potentialités de notre pays, utilisées ou non ? Quelle est donc notre capacité économique, qu’elle soit ou non mobilisée ?

Alors que les finances publiques sont contraintes, nous devons faire des choix millimétrés, voire chirurgicaux. Il est indispensable que notre Assemblée puisse disposer de bons indicateurs, notamment, s’agissant de la croissance potentielle.

Votre rapport comportant donc plusieurs parties, je souhaite comme M. le président de la commission des finances, revenir sur l’exécution 2014.

Je rappelle que l’objectif de déficit n’a pas été tenu, ce qui est selon vous vraisemblablement imputable à deux phénomènes : la non-réalisation de la croissance et de l’inflation prévues.

Parallèlement, vous saluez les efforts importants que le Gouvernement et sa majorité ont engagés, notamment, en termes de maîtrise de la dépense publique, ce qui a permis de compenser dans une moindre mesure ces deux effets – croissance et inflations moindres en 2014.

En 2015, monsieur le Premier président, vous nous interpellez sur deux points.

Tout d’abord, l’objectif de déficit à moins de 4,1 % du PIB, qui reste fragile, puisqu’il repose en premier lieu, vous l’avez dit, sur la correction des 3,6 milliards intervenue au mois de décembre dernier, laquelle est essentiellement composée d’efforts supplémentaires en matière de recettes fiscales, notamment, à travers la lutte contre la fraude fiscale.

Nous serons bien entendu très attentifs à ce point-là afin que l’objectif de 3,6 milliards soit atteint.

Ensuite, vous pointez le caractère « peu étayé des 21 milliards d’euros de dépenses en moins pour 2015 ».

Je tiens à rappeler que le Gouvernement a réalisé un effort sans précédent et qu’il relèvera bien entendu de notre responsabilité de députés de faire en sorte que chacun, dans la mesure de ses capacités, participe au sérieux budgétaire en travaillant pour que la réduction des dépenses soit effective en 2015.

Vous abordez, enfin, les années 2016 et 2017, en rappelant que le Gouvernement et la majorité se sont fixé un objectif de retour sous le seuil des 3 % de déficit nominal dès 2017, et de retour à l’équilibre budgétaire en 2019. Comme je l’ai déjà dit à l’automne dernier, lors de l’examen des textes financiers, le rétablissement de nos finances publiques ne pourra se faire que si la croissance économique est de retour. Et ce retour passera par un soutien à l’activité économique, auxquels plusieurs dispositifs contribuent déjà.

Au-delà de la présentation de la situation des finances publiques, la Cour des comptes attire notre attention, comme chaque année, sur la conduite de certaines politiques publiques, comme les agences de l’eau, les partenariats public-privé des collectivités locales, l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence, les trains Intercités et le transport public de voyageurs, ainsi que les stations de ski des Pyrénées, auxquelles je suis très sensible.

Je tiens à souligner l’intérêt que présentent ces développements pour le travail parlementaire et j’en donnerai quelques exemples.

Nous avons, à l’automne dernier, adopté une mesure qui vise à effectuer un prélèvement de 175 millions d’euros, au titre des années 2015, 2016 et 2017, sur le fonds de roulement des agences de l’eau. La Cour des comptes constate, sur la base des contrôles qu’elle a menés sur les six agences de l’eau entre 2007 et 2013, que « les importants moyens dont elles disposent pourraient être employés de manière plus efficace au regard des objectifs de la politique de l’eau ». Surtout, la Cour pointe une vraie hétérogénéité dans l’attribution des aides. Ce fait nous interpelle en tant que députés et notre commission des finances y sera très sensible.

La Cour présente par ailleurs une analyse critique – vous l’avez dit, monsieur le Premier président – du plan d’attribution gratuite d’actions mis en place à la fin de l’année 2007 au profit des salariés de CDC Entreprises, filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Le jugement que vous formulez sur cette distribution étant très sévère, nous l’analyserons dans le détail.

S’agissant des trains Intercités, la Cour pointe le vieillissement du matériel et le manque de stratégie. Ce constat, que vous étayez dans votre rapport, rejoint celui que nous avions fait avec une quinzaine de députés concernés, lors d’un colloque qui s’est tenu en mars 2013 et qui portait sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse. Il est urgent – nous l’avions constaté et vous étayez encore ce constat – que des décisions concertées soient prises et que des investissements adéquats soient faits, conformément à la décision qui sera arrêtée par le Gouvernement.

Un chapitre très important de votre rapport est consacré aux partenariats public-privé qui ont été noués par les collectivités territoriales. La Cour conclut, au terme de ses analyses, que « sur le long terme, l’équilibre économique du contrat est souvent défavorable aux collectivités locales », et que les risques sont insuffisamment pris en compte. Vous évoquez notamment le cas de Montauban, qui m’est cher, et que nous examinerons évidemment dans le détail.

Pour conclure, je veux souligner que la diversité des sujets abordés dans ce rapport annuel témoigne de la richesse et de la qualité des travaux de la Cour des comptes. Vos analyses sont toujours étayées d’une manière rigoureuse et précise. Il est donc de notre responsabilité de députés et de parlementaires de nous en inspirer – sous réserve, évidemment, des réponses apportées par le Gouvernement – à la fois pour faire des propositions politiques et pour exercer notre mission de contrôle.

Pour tout cela, je vous remercie à nouveau, monsieur le Premier président de la Cour des comptes. Nous vous retrouverons prochainement, pour l’examen définitif de l’exercice 2014 et des perspectives financières.

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