Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 3 février 2015 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard :

Je ne reviendrai pas sur le long chemin suivi par la majorité depuis l'abrogation, en juillet 2012, de la loi de 2010, s'agissant notamment des conseillers territoriaux : très décriés à l'époque de leur création, on s'est rendu compte qu'ils étaient la bonne solution pour réduire le nombre d'élus et rationaliser les interventions respectives des régions et des départements. Mais il est inutile de pleurer sur le lait renversé…

Désorientés par les zigzags gouvernementaux, nous attendions l'examen du présent texte avec gourmandise puisqu'il devait, nous répétait-on depuis des mois, nous apporter des réponses. Le Premier ministre avait d'abord annoncé, le 8 avril 2014, la suppression des départements, un mois après que le Gouvernement eut transmis au Conseil d'État un projet de loi renforçant leur rôle en matière sociale – notamment pour le handicap.

Le 18 juin de la même année, le projet de loi qui nous est soumis a été adopté en Conseil des ministres. Il vide les départements de leur substance, puisque des juristes ont rappelé au Premier ministre que la suppression des départements suppose une révision de la Constitution, donc une majorité des trois cinquièmes au Congrès ou une approbation par référendum – deux solutions jugées inaccessibles. Bref, les départements se retrouvent dépouillés de toutes leurs compétences à l'exclusion du social – sur lequel les futurs gouvernements auront à trancher.

La troisième étape fut la préparation des élections sénatoriales. Face à la grogne des radicaux de gauche et d'une centaine de parlementaires socialistes, le Premier ministre annonça la création de trois catégories de départements : ceux situés là où des métropoles fusionneront avec elles, comme à Lyon ; ceux dont les compétences seront transférées à des intercommunalités renforcées ; ceux qui, situés en zone rurale, seront maintenus en l'état. Ces orientations furent confirmées par le Premier ministre, par exemple, au congrès de l'Association nationale des élus de la montagne, à Chambéry, en octobre dernier.

Alors que nous pensions aujourd'hui obtenir les réponses à nos questions, nous découvrons qu'il n'en est rien ; à telle enseigne que l'on peut s'interroger sur l'utilité de cette première lecture. Il faut bien promener les « idiots utiles », comme disait Lénine… On les avait promenés avant les élections sénatoriales ; et voici que l'on demande aux électeurs, devenus par là même ces « idiots utiles » – ce qui est évidemment bien plus grave – de se prononcer, en mars prochain, sur des instances dont on ignore l'avenir.

Aujourd'hui, les conseils généraux sont dotés de six à huit commissions dédiées à chacune des compétences ; or, à partir du 1er janvier 2017, ne subsisteront que la compétence sociale, la gestion des collèges et, concept encore mal défini, la solidarité territoriale. Autrement dit, le nombre de commissions sera ramené à deux ou trois, chacune étant pourvues d'effectifs forcément pléthoriques, sur l'utilité desquels les électeurs ne manqueront pas de s'interroger.

D'autre part, le projet de loi ne comporte aucun soubassement budgétaire et fiscal. Le jeu de Monopoly auquel on soumet les différents échelons de l'action territoriale appellerait, à tout le moins, des précisions sur les impôts transférés et sur les dotations, surtout si l'on entend les diminuer. La loi Defferre de 1982, écrite par Éric Giuily, alors directeur général des collectivités locales, comportait un volet budgétaire et fiscal ! Loin de moi l'intention de procrastiner, pour paraphraser les diplomates, mais l'absence d'un tel volet constitue une vraie question préalable.

Quelle est donc la vision du Gouvernement s'agissant des départements pour demain – c'est-à-dire 2017 – et après-demain ? On nous promet le maintien des départements en zone rurale avec des compétences simplifiées : qu'entend-on ici par « zone rurale » ? Quels sont au juste les départements concernés ?

Quelles compétences seront simplifiées ? Seront-elles exercées dans la durée, ou jusqu'en 2020 ou 2021 comme il était prévu initialement ? La réponse à cette première question est très importante, tant pour les législateurs que nous sommes que pour les citoyens, que nous représentons.

Quel sera par ailleurs le contenu juridique du chef de filat ? Quel sera le degré d'opposabilité des schémas régionaux ? Si je prends l'exemple du tourisme, chacun sait que des régions, comme la Bretagne, doivent avoir la compétence régionale. En revanche, c'est en Auvergne, en Savoie, ou dans le Dauphiné qu'on part en vacances, pas en Rhône-Alpes-Auvergne ! Il serait aberrant de prévoir, en matière touristique, des schémas régionaux opposables à des destinations touristiques de rang inférieur.

La compétence touristique doit être exercée là où les autorités jugent utile qu'elle le soit. Imposer la compétence touristique à l'intercommunalité me paraît être une très mauvaise chose : lorsque ce sera pertinent, elle l'exercera d'elle-même. De grâce, laissons les intercommunalités exercer cette compétence lorsqu'elles le souhaiteront.

Enfin, une loi a imposé la création d'un seul office de tourisme par commune. Or cette disposition n'est pas pertinente pour une quinzaine de communes françaises dotées de différents sites touristiques, avec des marques commerciales différentes : ne bridons pas les initiatives des maires par des dispositions contre-productives. Laissons-leur au contraire toute liberté.

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