Intervention de Jacques Bompard

Réunion du 3 février 2015 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

S'attaquer au millefeuille administratif est une nécessité ; c'est pourquoi j'approuve le principe d'une nouvelle organisation territoriale pour la République, même si celle-ci devrait s'approcher davantage des réalités terriennes de notre pays, respecter les petits ensembles communaux et les libertés qui y sont enracinées, faire primer l'avis des habitants attachés à l'identité de leur mode de vie sur les administratifs, monstres froids jacobins qui, peu à peu, détruisent notre pays. Mais c'est sans compter sur les nécessités de la rationalisation budgétaire et la mode de l'uniformisation générale. Puisque les subventions sont allouées sans contrôle aux associations, au seul profit du copinage idéologique, et puisque l'on se refuse à recentrer les activités communales sur les services réels demandés par les habitants, il faut bien empiler des structures toujours plus désincarnées afin de réaliser des économies budgétaires.

Il était urgent, semble-t-il, d'obliger les petites communes à intégrer des EPCI toujours plus vastes, pour les placer sous la coupe des communes les plus importantes, selon les dispositions de cet article 17 d'un autoritarisme brutal et d'un centralisme d'un autre âge. Les récalcitrants n'auront qu'à s'incliner. L'article 15, lui, donne un étonnant pouvoir aux préfets dans les négociations relatives à la formation des EPCI, moyennant d'hypothétiques auditions qui doivent faire croire au consensus. Mais de ces négociations ne résultera qu'un encombrement accru des tribunaux administratifs.

La considération d'économies théoriques l'emporte sur l'identité et l'héritage des territoires, et les désidératas de Paris imposent aux provinciaux des attaches artificielles. L'accumulation de structures publiques, commissions réunies en formations interdépartementales dans quelques cas particuliers, maisons des services au public – belle trouvaille de l'article 19 – ou observatoire de la gestion publique locale, à l'article 34, sont autant de nouvelles strates qui viennent « gaver » le millefeuille.

La ville d'Orange, dont je suis maire depuis 1995, est parmi les dix communes les mieux gérées de France ; le bon sens et la vertu des individus y ont fait des miracles qui ne doivent assurément rien aux fariboles administratives que l'on nous présente aujourd'hui. Il suffit d'avoir participé à un conseil communautaire pour savoir que les décisions y sont toujours plus désincarnées, et de moins en moins compréhensibles par les élus eux-mêmes, qui d'ailleurs s'en désintéressent totalement.

Une victoire de la technocratie sur la démocratie, voilà ce que vous nous proposez. Ces textes jacobins relèguent à la marge une France périphérique qui a pourtant besoin de soutien ; ils ne satisfont que quelques cerveaux claquemurés dans les ministères. Votre projet de loi coûtera de surcroît beaucoup d'argent ; il générera des scandales et des centaines de procédures judiciaires : beau succès en perspective !

Je me félicite de la suppression des clauses de compétence générale, mais il faudrait généraliser une telle mesure à l'ensemble des strates car cette compétence explique à mes yeux la gabegie actuelle.

Beaucoup de points ne laissent pas de m'inquiéter, à commencer par la spécialisation des régions, que l'on veut faire entrer en concurrence. La cohérence de cette idée m'échappe un peu. Bref, je crains fort que le millefeuille administratif s'épaississe encore, ce qui serait dramatique.

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