Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 3 février 2015 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt, rapporteur :

Dans sa déclaration de politique générale du 8 avril 2014, le Premier ministre a souligné combien la réforme de notre organisation territoriale et la clarification des compétences s'imposaient comme des réformes structurelles majeures pour l'efficacité de l'action publique et pour notre capacité collective à en maitriser le coût. Le projet de loi s'inscrit dans cet objectif ; il fait suite à un premier texte qui avait permis l'affirmation du fait métropolitain en dotant nos métropoles d'un cadre juridique nouveau tout en leur conservant – à l'exception de Lyon – le caractère d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, ce qui évitait l'ajout d'un niveau supplémentaire d'action publique locale. À l'occasion de l'examen de ce texte, nous avions aussi renforcé le statut et les compétences des EPCI, en particulier des communautés urbaines.

Ce texte, dit « loi MAPTAM », a aussi permis d'ouvrir le chantier de la clarification des compétences en donnant du sens à la notion de chef de file prévue par la Constitution, et en créant les conférences territoriales de l'action publique, qui permettront aux élus locaux, dans chaque région, de procéder à des adaptations aux réalités locales s'agissant de l'affectation de certaines compétences comme de la mise en oeuvre des politiques publiques, bien entendu dans le cadre fixé par le législateur.

Un autre projet de loi a été adopté en décembre dernier, organisant le regroupement des régions afin de leur donner une taille susceptible d'améliorer l'efficacité de leur action. Il a été promulgué il y a quelques semaines, après sa validation par le Conseil constitutionnel.

Aujourd'hui le Gouvernement nous propose d'aller plus loin et ce, dans deux directions. D'une part, le projet de loi revient sur la clause de compétence générale afin de clarifier les compétences respectives des régions et des départements et d'éviter toute entrave ou toute concurrence entre chacune de leurs spécialisations. D'autre part, le Gouvernement entend donner à l'intercommunalité une nouvelle dimension en organisant une mise en conformité des périmètres des communautés de communes et des communautés d'agglomération avec les bassins de vie, mais également en intégrant de nouvelles compétences dans le champ de leurs compétences obligatoires et en encourageant l'intégration d'autres compétences, comme celles exercées aujourd'hui par certains syndicats intercommunaux. Cela, précisons-le d'emblée, ne signifie pas la suppression de tous les syndicats, même si nous devons nous pencher sur leur nombre : 13 000, pour un budget de 17 milliards d'euros par an. Le chantier est donc vaste et ne doit, à mon sens, poursuivre qu'un seul objectif : doter notre pays d'une organisation territoriale clarifiée, plus efficace et mieux à même d'assurer la solidarité et l'égalité entre les territoires.

Avant d'en venir aux travaux du Sénat et à mes amendements, je veux évoquer un point qui fait couler beaucoup d'encre : l'avenir des départements, dont on s'est même demandé s'il était opportun de les maintenir. Le débat a porté aussi sur les conditions dans lesquelles il fallait, le cas échéant, organiser cette disparition, et sur notre capacité à les atteindre dans un contexte de forte tension sur les finances publiques, mais aussi de difficultés économiques et sociales qui rendent nécessaire un fonctionnement stable de nos outils d'action sociale. On a aussi évoqué la modification du paysage institutionnel avec la création de grandes régions, dont la taille exige le maintien d'un niveau intermédiaire avec les intercommunalités, du moins tant que celles-ci n'auront pas vu leur taille moyenne progresser et leurs compétences être renforcées.

Le Premier ministre et le président de la République ont tenu compte de tous ces éléments, et ont affirmé le maintien des départements dans leur forme actuelle. Ils en ont également rappelé l'utilité en matière de solidarité, tant entre les individus qu'entre les territoires, ce qui d'ailleurs se traduit par l'affirmation de compétences nouvelles au titre des solidarités territoriales, de l'ingénierie, de l'accès aux services ou de l'aide aux communes : autant de domaines d'intervention qu'il nous faudra préciser.

Nous devrons avoir un débat sur l'évolution des départements, mais il ne sera pertinent qu'une fois stabilisé le fonctionnement des grandes régions et assurée la montée en puissance des intercommunalités. Il n'y a, cela a été rappelé, que sur les territoires couverts par les métropoles que nous pouvons anticiper ce débat ; le projet de loi tend d'ailleurs à organiser des délégations de compétences des départements vers les métropoles dès 2017 et 2018.

Enfin, je veux vous faire part de mon état d'esprit quant aux modifications apportées par le Sénat et vous présenter la philosophie générale de mes amendements. Le Gouvernement a, sur le premier point, exprimé son voeu d'une convergence des deux assemblées. C'est un souhait que je partage, aussi mes amendements poursuivent-ils un double objectif : d'une part, retrouver l'ambition initiale du texte en matière de clarification des compétences et de renforcement du fait régional, mais jamais de manière manichéenne et brutale, nombre de suggestions du Sénat méritant considération ; d'autre part, sur des sujets tels que le nombre minimum d'habitants pour les intercommunalités, tracer le chemin d'un compromis permettant à la fois l'affirmation de ce niveau d'action publique et la prise en compte des particularités territoriales dans la fixation des seuils.

Dans cette optique, je veux interroger le Gouvernement sur plusieurs points. En ce qui concerne la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements, nous voyons combien les différentes collectivités résistent à la spécialisation de leurs actions. Le tourisme est un secteur dont le partage fait débat ; même le « chef de filat » régional est contesté. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Le Gouvernement semble avoir renoncé à transférer la gestion des collèges des départements aux régions : pouvez-vous nous le confirmer ? Par ailleurs, faites-vous un lien entre cette question et les transports scolaires ?

S'agissant des SRADDT et des SRDEII, nombreux sont les élus locaux qui craignent un cadre trop rigide. Quelles garanties pouvons-nous leur apporter ? Quel sera leur degré d'opposabilité ?

Sur la révision de la carte intercommunale, je proposerai de rétablir le seuil de 20 000 habitants, bien entendu en dehors des zones de montagne et des territoires insulaires : pour les territoires ruraux faiblement peuplés, le seuil applicable pourrait dépendre de la densité démographique du département. Le Gouvernement serait-il favorable à ce dispositif, ainsi qu'à l'idée d'accorder un délai aux intercommunalités issues d'une fusion récente ?

Les auditions préparatoires ont montré que la perspective d'une remise en chantier de la carte intercommunale suscite des craintes chez les personnels. Aussi proposerai-je des garanties pour éviter que des EPCI à fiscalité propre se retrouvent dissous et non fusionnés, comme le prévoit le texte, et pour s'assurer que les agents suivent les compétences redistribuées, en lieu et place d'un reversement aux anciennes communes membres. Le Gouvernement pourrait-il approuver cette démarche ?

Sur la métropole du Grand Paris, le texte du Sénat fournit une bonne base de discussion mais reste muet s'agissant des effets sur les mécanismes de péréquation, à la fois entre communes de la métropole, mais aussi vis-à-vis du reste de l'Île-de-France. Le Gouvernement entend-il avancer sur ce sujet, et ainsi donner suite à plusieurs amendements de nos collègues ?

En matière de solidarité et de cohésion territoriale, nous envisageons de rétablir les articles 25 et 26 du projet de loi, d'associer plus étroitement les départements à l'élaboration des schémas d'accessibilité des services – que devront prendre en compte les conventions conclues au titre des maisons de services au public prévues à l'article 26 – et de faire intervenir les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) dans le suivi de la mise en oeuvre de ces schémas. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?

Par ailleurs, dans le domaine de la lutte contre la fracture numérique, tout en suggérant un retour au dispositif initial du Gouvernement sur les fonds de concours, je crois souhaitable d'étendre la période de versement de ces fonds à vingt ans, contre dix initialement prévus – portés à trente par le Sénat –, au regard de la durée d'amortissement et pour tenir compte des observations recueillies lors des auditions. Le Gouvernement en serait-il d'accord ?

Concernant la possibilité d'action récursoire de l'État contre les collectivités territoriales en cas de condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne, le Gouvernement a déposé un amendement rétablissant l'article 33 dans sa rédaction initiale, sans tenir compte de l'inquiétude qu'il soulève chez les élus locaux : pouvez-vous, madame la ministre, leur apporter des garanties sur les limites à ces actions et sur le champ exact des fonds européens visés par le remboursement de pénalités ou d'amendes ? À défaut, cet amendement ne pourrait-il être examiné en séance ?

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