Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 4 février 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 21

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Je voudrais répondre aux questions précises qui ont été posées par plusieurs d’entre vous. Mme Louwagie m’a interrogé sur le point de savoir si un professionnel pouvait détenir le capital d’une société et ne pas exercer du tout en son sein. Oui : c’est, d’ailleurs, le droit existant. C’est aujourd’hui tout à fait possible : si vous êtes avocat, vous pouvez détenir le capital d’un cabinet d’avocats alors que vous n’y exercez plus. C’est tout à fait envisageable et possible : le droit, qui n’est pas modifié par ce texte, le permet. Je vous le confirme.

En revanche, s’agissant de votre seconde question, je vous confirme que ce cas de figure n’est pas possible : chaque compétence doit être exercée par un professionnel qualifié. Je veux dire par là que, si une société interprofessionnelle existe entre un huissier et un avocat, parce que je crois que c’est l’exemple que vous avez cité, en aucun cas l’huissier ne peut détenir 100 % du capital et ne pas exercer dans la structure. Il ne peut en effet pas avoir l’autorité hiérarchique sur l’avocat, qui deviendrait, dans ce cas, non plus son associé mais, de fait, son salarié. Par conséquent, l’avocat qui exerce dans la structure que vous avez mentionnée doit détenir une partie du capital. Immanquablement.

Je veux rappeler les trois principes qui sont invoqués dans l’habilitation et qui me permettent vous répondre ainsi qu’à M. le député Clément : le premier est l’absence de contrôle hiérarchique par un professionnel autre que celui qui exerce la même profession, et le contrôle de chaque ordre. Il y a donc une verticalité du contrôle.

Le second principe est l’interdiction d’intervention dans un champ pour lequel un autre professionnel détient une compétence exclusive, en application de dispositions législatives. C’est ce que j’ai constamment rappelé : cela se passe sous le contrôle de chaque ordre. Chacun des professionnels concernés ne va pas se mettre à opérer dans le champ de l’autre : l’avocat associé ne va, par exemple, pas interférer dans le champ du notaire.

Pour ce faire, la structure interprofessionnelle – il s’agit du troisième principe – devra être inscrite sur la liste d’exercice de chaque association ou ordre dont son objet social entend permettre l’activité. Il y a donc bien une société qui permet de mieux s’organiser entre professions, et je crois que cela répond à votre préoccupation, madame Louwagie, ainsi qu’à celle de M. Clément.

En aucun cas il ne peut y avoir d’interférence, et en particulier une responsabilité hiérarchique, d’une profession sur une autre. Je veux être parfaitement clair sur ce point. S’agissant de votre deuxième question, la réponse est donc non. Je crois avoir répondu à votre préoccupation, monsieur le député Clément.

L’objectif de ces sociétés est de permettre à des professionnels de mieux s’organiser entre eux sur le territoire, d’élargir leur offre de services et donc de pouvoir mutualiser les coûts et les démarches. Mais il ne s’agit en aucun cas de permettre à ces professionnels de confondre l’exercice de chacune de leur profession.

Ce qui est donc ici constamment rappelé, c’est précisément le fait que chaque profession reste en silo, en quelque sorte, pour ce qui relève de sa déontologie et de toute relation hiérarchique. En aucun cas un huissier ne pourra avoir, dans les sociétés ainsi créées, une responsabilité hiérarchique sur un avocat. Cela revient donc à améliorer véritablement l’offre de services et, encore une fois, il s’agit d’une faculté offerte aux professionnels du droit, faculté qui n’existe pas aujourd’hui. Or elle est demandée par les plus jeunes, c’est-à-dire par celles et ceux qui veulent s’installer sur le territoire et mieux opérer.

Monsieur Dolez, s’agissant de votre première question, je peux vous confirmer qu’en aucun cas nous n’ouvrons ici la possibilité d’un contrôle en cascade. C’est bien le contrôle direct qui est ici imposé : il est détenu par les seuls professionnels qualifiés. La règle est posée à l’alinéa 5 : « Dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue par des personnes qui exercent ces professions ou par des personnes légalement établies dans un État membre de l’Union européenne. » En aucun cas la holding ne pourrait procéder à un contournement.

Ensuite, vous soulevez avec l’analyse que vous citez un très bon point qui rejoint la préoccupation exprimée par votre rapporteur : la question des experts-comptables. Nous en avons débattu en commission spéciale ; vous vous en souvenez sans doute. En effet, pour cette profession, le capital peut être ouvert même s’il y a une limitation en termes de droit de vote. C’est bien pour cela qu’il est précisé au a) de l’alinéa 5, je l’ai dit en commission spéciale et je le répète, que l’on déroge à l’ordonnance de 1945 spécifiquement pour les experts-comptables, la totalité du capital et des droits de vote étant détenue par des personnes qui exercent cette profession.

Par conséquent, les cabinets d’experts-comptables dont le capital est ouvert à des non-professionnels ne seront en aucun cas éligibles aux sociétés ainsi créées. Je veux vous rassurer pleinement : l’analyse que vous citez à juste titre et qui est très précise se réfère quant à elle à l’ordonnance de 1945, à laquelle nous venons ici déroger explicitement. Je voulais ici lever toute ambiguïté ; voilà qui répond en partie à l’une de vos préoccupations.

Monsieur Vercamer, il est précisé à l’alinéa 6 que les principes déontologiques applicables à chaque profession sont maintenus. C’est dans la continuité de ce que j’évoquais tout à l’heure : en aucun cas un professionnel ne peut exercer de responsabilité hiérarchique sur un professionnel d’une autre branche ; l’huissier ne peut avoir une responsabilité hiérarchique sur l’avocat. La déontologie de chaque profession est maintenue, et elle est exercée profession par profession. L’article est bien clair sur ce point, et c’est précisément l’intention du Gouvernement.

Concernant la détention capitalistique, à aucun moment nous n’ouvrons la possibilité à des fonds de pension d’entrer dans ces sociétés, puisque c’est bien 100 % du capital qui doit être détenu par les professionnels. Je voulais être clair et vous rassurer quant aux préoccupations que vous avez exprimées sur ce point.

Je peux ainsi répondre immédiatement à M. Herth qui, me semble-t-il, a fait une petite confusion sur les éléments de déontologie. Monsieur le député, vous avez, non sans malice, rappelé des événements qui se sont produits et rapporté l’expérience de certains parlementaires en matière de déontologie ; je vous rassure, les ministres sont soumis aux mêmes règles en termes de déclaration de patrimoine et d’intérêts. Toutefois, ce n’est pas ce dont nous parlons ici. Il est question dans cet article des règles déontologiques propres à ces professions et qui continueront de s’appliquer dans les différents ordres, chacun d’entre eux ayant la charge de faire respecter la déontologie des professionnels qui lui sont rattachés.

La création de ces sociétés ne vient donc pas brouiller le lien existant entre les professionnels et leur ordre. L’avocat aura toujours les principes déontologiques de l’avocat, et devra en répondre. Telles sont les dispositions inscrites à l’alinéa 6 du présent article.

Monsieur le député Fasquelle, je pense avoir répondu à une partie de vos questions. Je souhaitais vous rassurer sur « l’anglo-saxonisation » du droit, une préoccupation que vous partagez avec M. le député Huyghe. Aujourd’hui, comme je le disais, des professionnels du droit anglo-saxons opèrent en France et leur capital peut être ouvert à des fonds de pension à hauteur de 25 %. C’est une réalité du territoire français et ils embauchent des professionnels du droit en France.

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