Intervention de Frédéric Lefebvre

Séance en hémicycle du 2 février 2015 à 16h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 12

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Lefebvre :

Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre. Vous avez eu l’honnêteté tout à l’heure de nous faire part du cheminement de votre pensée au sujet du corridor tarifaire et de l’erreur que vous aviez commise. Vous vous souvenez combien mon collègue Vigier et moi-même vous avions alerté sur ce point. Nous avions évoqué le risque de fragiliser les petites études qu’il représentait tout en étant contre-productif, comme vous l’avez admis, voire en ayant des conséquences négatives sur les usagers.

Le débat donne le sentiment d’opposer d’un côté ceux qui veulent réformer les professions réglementées, et de l’autre ceux qui ne le voudraient pas. Je rappelle tout de même que tout ce travail a pour origine le rapport Attali, qui avait été commandé par la précédente majorité. La loi de modernisation de l’économie, votée en 2008, s’est d’abord intéressée, avec les professionnels, aux géomètres experts et aux architectes.

L’objectif de tels textes, qui est d’intensifier la concurrence, ne doit en aucun cas relever de l’idéologie. Je me réjouis que l’accroissement du pouvoir d’achat des Français par l’encouragement de la baisse des prix constitue désormais un élément fort de la politique de la majorité, ou soit en tout cas revendiqué comme tel. Tant mieux ! Faciliter le développement d’activités aujourd’hui bridées par des réglementations anciennes à l’heure de l’Europe et de la mondialisation, tel est bien sûr l’objectif qui doit nous réunir sur tous les bancs ! C’est certes un enjeu de croissance. Est-ce le seul moyen de la ramener ? Je ne le pense pas. Supprimer les barrières qui existent dans différentes professions réglementées est bien sûr utile, si tant est que l’on tienne compte des réalités de la profession. Certes, la pression est toujours forte sur tous les gouvernements et toutes les majorités. Nous-mêmes avons dû résister, dans les années 2007-2012, à un certain nombre de réactions, bien normales, de professions défendant leur cadre d’exercice.

Mais après la loi de modernisation de l’économie concernant les géomètres experts, nous avons fait voter la suppression des régimes d’autorisation pour les professions du tourisme dans la loi du 22 juillet 2009, assoupli les règles d’exercice des vétérinaires par décret au mois de juillet 2010, et autorisé les experts-comptables, les agents d’artistes et les organismes privés de placement à choisir la forme sociale de leur entreprise et à faire appel à des capitaux tiers dans la limite de 49 %. Mon collègue Huyghe a fait allusion tout à l’heure au rapport de Jean-Michel Darrois dont vous connaissez bien les travaux, comme vous connaissez bien ceux du rapport Attali. Nous avons réformé les professions juridiques réglementées par trois lois successives au cours de l’hiver 2011. Nous avons refusé de supprimer les professions délégataires d’une mission de service public comme les huissiers de justice, les notaires et les greffiers des tribunaux de commerce, contre la recommandation de la commission Attali. Les professions d’avocat et d’avoué ont été fusionnées.

Toutes ces réformes, il a fallu les faire en négociant et en écoutant, y compris parfois certaines personnalités de l’opposition de l’époque. Notre objectif a toujours été, et je ne doute pas que ce soit le vôtre, mais nous reviendrons sur la méthode ensuite, de faire en sorte que les cabinets français exerçant des métiers de droit soient en mesure de faire face à la concurrence de plus en plus forte des cabinets anglo-saxons et allemands. Je pourrais aussi évoquer la réforme portuaire menée en 2008 et modifiant le statut des grutiers. Quant aux propos relatifs au corridor tarifaire que vous avez tenus tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez eu l’honnêteté d’expliquer comment il s’est construit lors des discussions en commission spéciale avec les rapporteurs du texte, dont je ne doute pas qu’ils se sont fait l’écho des inquiétudes formulées sur le terrain. La loi dont nous débattons sera discutée au Sénat, puis en deuxième lecture, et nous traitons là d’un sujet majeur.

Vous avez expliqué votre attachement à la transparence, considérant qu’elle est aujourd’hui indispensable. Chacun sait en effet que la transparence des tarifs est nécessaire au bon fonctionnement de la concurrence. Mais comme l’ont demandé plusieurs de mes collègues, j’aimerais que nous nous penchions sur la transparence de la construction des tarifs, car c’est toute la question ! J’ai dit à plusieurs reprises combien le corridor tarifaire me paraissait dangereux. Mais sur le « rebasage » et les « remises » évoqués par M. le rapporteur, sur la question des investissements, nous avons besoin de visibilité. Je me permets de vous dire, monsieur le ministre, que les professionnels consultés à l’orée de la réforme doivent l’être à nouveau, car le système présenté initialement a tellement changé qu’on n’ose imaginer – sur aucun banc – construire un dispositif sans visibilité ni transparence en matière de construction même du tarif. Il faut me semble-t-il que vous vous engagiez à consulter dans les prochains jours, et dans la perspective des discussions futures, l’ensemble des professionnels à propos des nouvelles propositions afin de construire avec eux le dispositif.

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