Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 28 janvier 2015 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche :

De nombreux élèves décrochent de l'institution scolaire parce qu'ils ont l'impression que leur propre famille, leur propre façon d'être, n'y trouvent pas leur place ou y sont rejetées. Coopérer avec les parents est la meilleure façon de faire réussir ces élèves.

En parlant de coéducation, je ne confonds pas les rôles. Les parents demandent à être aidés, surtout ceux qui sont très éloignés des codes de l'école, soit qu'ils y aient vécu une expérience malheureuse, soit, tout simplement, qu'ils ne l'aient pas connue. Comment pourraient-ils improviser tout cela ?

Comme je l'ai dit ce matin au Conseil national éducation économie, nous pouvons aussi progresser en matière de partenariat avec les entreprises, notamment pour lutter contre les discriminations dans l'accès aux stages et aux périodes de formation professionnelle. Pour les élèves de lycées professionnels, ces périodes sont partie intégrante de l'évaluation scolaire. Il n'est pas normal que l'éducation nationale ne se soit pas davantage préoccupée de garantir l'accès de chaque enfant à une telle opportunité, quelles que soient par ailleurs ses relations.

Nous n'attendons pas le collège pour nous préoccuper de mixité sociale. La question se pose aussi dans le primaire, mais l'état des lieux effectué laisse à penser qu'elle y est moins prégnante. Les familles recherchent davantage la proximité des établissements primaires. Au collège, en revanche, on observe des velléités de contournement des règles et des logiques marquées de séparatisme social. Sachant que, dans ce domaine, la compétence est partagée avec les conseils généraux, nous allons procéder d'abord à un état des lieux objectif de la mixité sociale dans les établissements, puis nous ferons évoluer la sectorisation, de manière notamment à inclure plusieurs collèges dans un même secteur. Les marges de manoeuvre seront ainsi plus grandes pour mener une action volontariste dans la définition, avec la collectivité locale, des critères d'affectation et de répartition des élèves. L'erreur a sans doute été, par le passé, de vouloir fixer de grandes règles générales. Celles-ci ne pouvaient être efficaces partout. Nous souhaitons désormais partir des réalités du territoire. Nous travaillons avec les collectivités locales, y compris – c'est déjà arrivé – lorsque nous aboutissons à la conclusion qu'il faut supprimer tel ou tel collège et en recréer un autre ailleurs.

L'état d'esprit de cette réunion est si positif qu'il serait dommage d'entrer dans la polémique. Je ne peux cependant laisser passer le propos sur la suppression de la notation. Il n'a jamais été question de cela ! Si l'on s'obstine dans ces polémiques factices, on ne pourra pas avancer. Réformer l'évaluation des élèves ne signifie pas supprimer les notes, mais faire en sorte que les notes disent davantage de choses aux élèves pour les stimuler, les inciter à progresser. Ma conception, je le répète, est celle d'une école inclusive et bienveillante, qui se donne pour mission de faire réussir chaque élève, qui ne se contente pas de sélectionner une élite. À l'école, au collège, quand les enfants sont à un si jeune âge, chacun doit trouver son propre chemin. La réforme de l'évaluation poursuit ce but. Elle n'a pas vocation à niveler par le bas ou à empêcher certains de réussir. Plus la base de ceux qui réussissent est élargie et socialement mixte, meilleure est l'élite qui en ressort. Tous les pays qui obtiennent d'excellents résultats aux enquêtes PISA le montrent, à commencer par la Finlande : c'est là que l'on lutte le mieux contre le déterminisme social et c'est là que l'on a l'élite la plus forte.

C'est dans la même perspective que nous avons fermé les établissements de réinsertion scolaire qui concentraient les difficultés scolaires des enfants. De fait, ils n'avaient pas fait leurs preuves. La concentration de la difficulté, qu'elle soit sociale ou scolaire, n'est jamais une bonne solution. Pour le coup, tous les élèves sont tirés vers le bas. Il vaut bien mieux former les enseignants et les outiller pour apporter des réponses pédagogiques individualisées quand ils repèrent des difficultés dans leur classe, plutôt que de mettre de côté tous ceux qui n'apprennent pas aussi vite que les autres dans des établissements spécialisés qui n'ont jamais donné de résultats.

En revanche, nous poursuivons avec beaucoup d'ambition le dispositif des internats de la réussite. Sur les 400 millions d'euros prévus dans le premier programme d'investissements d'avenir (PIA 1), la moitié a déjà été décaissée pour 11 000 places. Dans le PIA 2, 5 000 nouvelles places sont prévues. Il est exact que la mise en oeuvre de ces places ne va pas à la vitesse que nous souhaiterions. La raison en est simple : même si l'État est présent pour aider au financement, la décision revient aux collectivités locales et celles-ci n'ont pas toujours eu cette priorité ces derniers temps. Nous allons donc travailler avec elles pour relancer la dynamique et dépenser l'argent qui est, de fait, disponible pour ces projets auxquels nous tenons beaucoup. Notre conception des internats de la réussite ne consiste pas à extraire quelques élèves de leur quartier au prétexte que ce seraient les arbres qui cachent la forêt : ce sont des internats dédiés à ceux qui n'ont pas la possibilité de travailler dans de bonnes conditions à leur domicile. L'idée, une fois encore, est celle de la réussite pour tous.

Vous avez également fait allusion au manque de candidats aux concours de l'enseignement. Sans doute faut-il lever à ce sujet certaines idées reçues. Il est exact que le nombre de candidats baissait ces dernières années, notamment en raison de la disparition de la formation initiale qui leur était prodiguée. Depuis deux ans, en revanche, nous constatons une augmentation, même si ce n'est pas parfait partout. Pour le premier degré, les inscriptions ont augmenté de plus de 50 % en deux ans. Une seule académie, celle de Créteil, fait face à de vraies difficultés de recrutement, ce qui nous a conduits à adopter à la fin de l'année dernière un plan spécifique ouvrant 500 postes de plus dans cette académie. Dans le secondaire, hormis pour certaines disciplines comme les lettres, l'allemand et, dans une moindre mesure, les mathématiques, le nombre de candidats s'accroît. Il faut continuer à donner envie d'emprunter ces chemins-là, mais on ne saurait parler de déshérence !

Quant à l'Institut universitaire de France (IUF), monsieur Hetzel, il ne s'agit nullement de l'instrumentaliser ou de remettre en cause sa liberté académique, mais au contraire de valoriser les recherches dans certains domaines qui sont en construction et qui ne bénéficient pas des moyens ou de l'encadrement d'autres domaines plus établis. Nous avons tout intérêt à assumer davantage le pilotage qui nous revient en matière d'enseignement supérieur et de recherche. On sait, par exemple, que notre pays manque d'islamologues. Saisissons-nous résolument de la question et développons ce type d'études. C'est dans l'intérêt général !

S'agissant de l'IUF, il s'agit d'encourager des recherches dont nous avons besoin pour éclairer la société sur les fractures qui la traversent. Toutes les questions que les enfants posent de façon parfois provocatrice, parfois ingénue à l'école ne sont que le miroir de ce qui se passe dans la société et des questionnements des adultes – qui souvent les transmettent aux élèves, d'ailleurs. Il est important que les chercheurs nous aident à y voir plus clair, à prendre position et à répondre à ces questions qui n'ont rien d'évident.

Je crains de ne pas avoir répondu à toutes vos questions, mais je reste à votre disposition. Merci, en tout cas, pour vos contributions.

1 commentaire :

Le 17/02/2015 à 10:22, laïc a dit :

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Tout ce bla bla pour dire que l'on ne va rien faire, que la laïcité ne sera pas plus comprise après les attentats qu'avant, et que l'on continuera à avoir des doubles voire triples menus dans les écoles de la République, devenues des cantines confessionnelles, au mépris de la laïcité. Si un simple morceau de cochon est capable d'infirmer tous les discours proclamant la laïcité, on se dit que la laïcité est vraiment rien au pays de Voltaire et de Briand.

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