Intervention de Marie-Lou Marcel

Réunion du 21 janvier 2015 à 9h45
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Lou Marcel, rapporteure :

Je ne reviendrai pas sur le contexte et les enjeux de la mission, présentés par mon collègue Dino Cinieri, mission que nous avons eu le plaisir de conduire conjointement. Il a fait l'inventaire des signes de qualité, qu'ils soient officiels ou non officiels.

Les SIQO présentent un intérêt indéniable à plusieurs titres. Intérêt pour notre pays, grande nation agricole, réputée pour sa gastronomie et la qualité alimentaire de ses produits. Ces instruments de compétitivité et d'aménagement du territoire créent de la valeur ajoutée et valorisent les savoir-faire. Ils sont facteurs de création d'emplois et de dynamisme pour les territoires ruraux et de montagne. Intérêt aussi pour notre économie, avec 20 milliards de chiffre d'affaires générés en 2012, dont 16 milliards pour les vins et spiritueux. Intérêt enfin pour l'agriculture, avec 126 000 exploitations engagées dans une démarche qualité, soit le quart de nos exploitations. Midi-Pyrénées est la deuxième région, après l'Aquitaine, où l'on trouve le plus grand nombre de produits sous SIQO, puisqu'ils sont plus de 120.

La démarche SIQO est une démarche valorisante. Elle engendre une valorisation du produit de 5 à 30 %. Les agriculteurs qui se lancent dans cette démarche sont, en moyenne, plus jeunes et mieux formés.

La crise a augmenté la sensibilisation des consommateurs à l'origine du produit qui induit, pour lui, une notion de développement durable. Mais je souhaite insister sur un point : pour le consommateur, le facteur prix reste un critère essentiel dans le choix du produit, et le surcoût qu'il se dit prêt à payer pour un produit de qualité ne doit pas dépasser une fourchette de 5 à 10 %.

Comme l'a souligné Dino Cinieri, la profusion de labels et la méconnaissance, pour certains, de leur contenu par les consommateurs conduisent à une situation où clarification et pédagogie s'imposent.

Les constats que nous avons dressés à l'issue de cette mission menée pendant plus de six mois nous amènent à faire des propositions pour les court, moyen et long termes, tant sur le plan national, que sur les plans européen et international.

Il est tout d'abord nécessaire de renforcer la communication sur les SIQO.

Nous nous trouvons devant une profusion de signes dont le contenu n'est pas toujours identifiable par le consommateur. En effet, aux SIQO s'ajoutent les marques privées, marques de distributeurs, mentions et bannières de collectivités, qui génèrent de la confusion. À titre d'exemple, une marque comme « élu saveur de l'année » n'est en rien un SIQO : c'est un signe apposé par une société privée qui procède à des enquêtes qualitatives auprès des consommateurs. Cette société a d'ailleurs été condamnée en 2003 par le tribunal de grande instance de Versailles pour avoir utilisé le mot « label » dans un slogan, l'usage de ce mot étant strictement limité aux sigles officiels dans le domaine agroalimentaire.

Cette profusion de signes en tout genre n'aide en rien la compréhension des consommateurs. Comme nous l'a indiqué l'un des intervenants, « trop de labels tuent le label ».

Aujourd'hui, le label rouge est celui qui est le mieux identifié par le consommateur. C'est un label qualitatif : il est visible, facilement mémorisable, et est un gage de qualité gustative. Le « bio » est également un label reconnu par les consommateurs. Une IGP désigne un produit dont les caractéristiques sont liées à un lieu géographique dans lequel se déroule au moins sa production ou sa transformation. Comme l'ont montré nos auditions, beaucoup de consommateurs pensent que, pour une IGP, comme pour une AOC ou une AOP, tous les produits viennent d'une zone géographique déterminée et y sont transformés.

C'est pourquoi l'État, en apportant sa garantie aux SIQO, doit être moteur de la communication officielle de ces signes. Le logo doit être mieux mis en avant, avec une pédagogie claire sur son contenu. Car mieux communiquer, c'est assurer une meilleure connaissance du consommateur et, par là même, lui donner ou lui redonner confiance, et lui éviter de croire qu'il a été trompé.

Deuxième proposition : la simplification de la procédure de reconnaissance des SIQO.

Certains de nos interlocuteurs nous ont fait part de leur souhait de voir raccourcis les délais de la procédure de reconnaissance d'un produit sous SIQO. En effet, cette procédure, menée par les services de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), prend plusieurs années – souvent sept à dix ans pour une AOC. Comme l'a dit l'un des acteurs auditionnés, « le temps de l'INAO n'est pas le temps économique ». Néanmoins, la majorité des professionnels auditionnés est attachée à la procédure existante, la jugeant protectrice. De plus, l'organisation de la filière requiert du temps dans le cadre d'une démarche qualité.

Cette procédure de reconnaissance pourrait être simplifiée en prévoyant une homologation par arrêté, qui permettrait de raccourcir les délais d'instruction au niveau européen.

Certains acteurs ont regretté l'intervention du ministère de l'agriculture dans la procédure d'obtention des SIQO européens car elle rallonge, parfois de façon conséquente, la procédure.

L'INAO a adopté un schéma de modernisation qui devrait réduire les délais d'examen des demandes de six mois. Le ministère s'est aussi engagé dans une voie d'optimisation des procédures, afin qu'elles soient plus rapidement menées.

Nous restons persuadés que des marges de manoeuvre pourraient être dégagées pour une amélioration de la procédure de reconnaissance et pour sa simplification. Simplifier la réglementation des SIQO constitue aussi l'un des axes de la politique menée par le nouveau commissaire européen, dans la mesure où il existe plusieurs règlements régissant les SIQO, avec des exigences qui peuvent varier sur un même signe selon le produit ou la catégorie de produits concernés. Il est donc envisagé de fusionner différents règlements.

Mais toute simplification ne peut se faire que dans l'intérêt des acteurs. En effet, lors de nos déplacements, les producteurs du Veau de l'Aveyron et du Ségala ont attiré notre attention sur les conséquences de certaines simplifications. Il existait une dérogation pour l'appellation « veau de l'Aveyron et du Ségala », mais au regard de l'évolution de la réglementation, cette dérogation a été mise en cause au nom de la seule simplification.

Les moyens de l'INAO et de la DGCCRF pour mener leurs actions doivent être renforcés et mieux ciblés. La loi relative à la consommation a renforcé le pouvoir des agents de la DGCCRF. Toutefois, les auditions ont montré que certains de leurs contrôles étaient mal vécus, car s'attardant au superficiel tel que l'emplacement ou la taille des logos, plutôt qu'à la lutte contre la contrefaçon. Ces contrôles doivent être réorientés sur les problèmes de concurrence déloyale.

Quatrième proposition : l'intégration de critères sanitaires et environnementaux.

Intégrer ces critères dans les cahiers des charges fait partie intégrante de la réflexion et de l'engagement sur l'agro-écologie. Nombre d'acteurs professionnels estiment que la présence d'intrants dans des produits sous SIQO témoigne d'une moindre authenticité.

Certains acteurs de la grande distribution regrettent le manque de souplesse dans la communication sur les SIQO. Ils auraient souhaité, par exemple lors de la crise de la vache folle, pouvoir communiquer sur l'absence de farines animales dans l'alimentation des animaux label rouge.

Cinquièmement, nous proposons de développer l'éducation à la gastronomie.

Il faut affirmer davantage les politiques publiques en matière d'éducation au goût, donner de meilleures habitudes alimentaires à nos enfants et les développer. La Semaine du goût est une bonne chose, mais il en faudrait beaucoup plus dans l'année !

Cette préconisation va dans le sens de l'avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) du 28 janvier 2014, intitulé « Favoriser l'accès pour tous à une alimentation de qualité, saine et équilibrée ». Le professeur Hercberg va dans le même sens, en recommandant que 15 à 30 % des activités périscolaires soient consacrés à des activités alimentaires.

Il faut donc, et c'est notre sixième proposition, susciter l'engagement de la restauration collective.

Les collectivités territoriales, qui ont en charge les écoles, collèges et lycées, doivent se saisir de cette question. Si la question sanitaire prévaut dans la restauration collective, rien n'interdit de faire preuve d'imagination.

Des collectivités se sont engagées dans des démarches innovantes. En Aveyron, six communes, dont les cuisines centrales sont en régie directe, ont créé une association, Soli'terre, afin de mutualiser la recherche de produits bio et produits de qualité pour les cantines. Trois critères ont prévalu : la diététique, le prix et le critère environnemental. Au total, quelque 700 000 repas sont concernés chaque année. La région Midi-Pyrénées s'est engagée depuis 2010 dans une démarche qualité pour la restauration dans les lycées. Tous les lycéens bénéficient ainsi, une fois par semaine, d'un repas cuisiné à partir de produits régionaux bio ou sous SIQO.

Outre la valorisation de la production régionale de qualité, l'objectif est de sensibiliser les élèves au « bien se nourrir », au plaisir d'une consommation de saison et de région, permettant de rapprocher producteurs et jeunes consommateurs.

Septièmement, nous préconisons une meilleure coordination entre les politiques nationales et les politiques locales pour les démarches qualité.

L'ambition de promouvoir les SIQO, de contribuer à leur visibilité et à leur compréhension, doit être développée aux niveaux national et local. Certaines régions prennent en charge une partie des coûts d'entrée dans une démarche de labellisation, et majorent certaines des aides aux agriculteurs qui se sont engagés dans une démarche de production sous SIQO. Il y a là une complémentarité entre politique locale et politique nationale en matière de SIQO.

Comment ne pas évoquer les bannières développées par les collectivités territoriales ? Tout en étant un moteur à l'export pour de nombreuses PME, ces marques territoriales peuvent être génératrices de confusion en regroupant sous une même bannière des produits sous SIQO et des produits sans SIQO. Une démarche qualité ne saurait se réduire à une démarche code postal.

Huitièmement, il est nécessaire de mener une réflexion sur les IGP.

L'indication géographique protégée, créée en 1992, est un signe d'identification de l'Union européenne qui désigne un produit dont les caractéristiques sont liées au lieu géographique où se déroule au moins sa production ou sa transformation. Comme le concept qui l'a inspiré, celui des « vins de pays », il est utilisé pour des productions plus régionales que très localisées, avec parfois des zones géographiques de production relativement étendues pour un même produit, comme le jambon de Bayonne.

Un lien plus clair devrait être réintroduit au niveau européen entre zone d'approvisionnement et zone de transformation pour l'IGP. Cela amènerait à rapprocher certaines IGP des AOP et d'autres des STG. Certains pays européens ont souvent une approche moins « localiste » que la nôtre.

Le logo « AB » a la même signification que le logo Eurofeuille, mais les deux sont présents sur les produits. Ils attestent que les produits sont conformes à une réglementation et à un mode de production et d'élevage. Nous proposons de ne garder qu'un logo.

Neuvièmement, il faut promouvoir la création de politiques de la qualité à l'étranger par la conclusion d'accords bilatéraux et de coopération.

Au niveau international, les SIQO français sont peu ou pas reconnus. On achète la « marque France », mais avec l'idée que la seule provenance française serait suffisante pour garantir un produit de qualité. C'est pourquoi il est nécessaire de valoriser les SIQO à l'international à l'exception notable, c'est vrai, des vins et spiritueux.

Les négociations en cours sur le TAFTA (Transatlantic Free Trade Area), devraient être l'occasion de mieux faire reconnaître le système des indications géographiques. Aujourd'hui, aux États-Unis, la protection n'est possible que grâce à des marques de certification collectives enregistrées auprès de l'office des marques américaines. Le déposant doit mener seul les actions juridiques nécessaires en cas d'usurpation. Pour ces négociations, il ne faut donc pas ignorer la très forte hostilité de certaines organisations professionnelles américaines à l'inclusion des indications géographiques dans cet accord. Cela sera un enjeu majeur auquel nous devrons être particulièrement vigilants.

Des accords bilatéraux ont été conclus entre l'Union européenne et des pays extérieurs à l'UE. Ils se sont avérés positifs, puisqu'ils ont inclus la protection pour des listes d'indication géographique.

La consommation de produits sous SIQO en France obéit à des logiques régionales ou locales. Les professionnels sous SIQO ne se positionnent pas ou peu à l'export en raison de rendements trop faibles.

La communication à l'export des produits SIQO se fait à partir de crédits nationaux dans le cadre d'une délégation de service public (DSP). Des aides communautaires permettent d'accompagner une promotion dans le cadre européen et dans les pays émergents. Des efforts restent à faire en ce domaine.

Pour finir, je voudrais évoquer l'étiquetage des produits à l'aide de codes couleur, dont la création pourrait figurer dans la future la loi de santé publique. Nous avons été alertés à ce sujet, car ces codes, très réducteurs, jetteraient l'opprobre sur nos produits sous SIQO.

Voilà, mes chers collègues, résumés cette mission et ses préconisations.

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