Intervention de Dino Cinieri

Réunion du 21 janvier 2015 à 9h45
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDino Cinieri, rapporteur :

La gastronomie, c'est l'émotion et la convivialité autour de l'alimentation. Cette tradition si française a d'ailleurs été reconnue par l'UNESCO qui a récemment inscrit le repas français à son patrimoine mondial. Vos rapporteurs s'en félicitent car de nombreuses composantes de ce repas gastronomique sont évidemment des produits sous signe de qualité. D'une manière générale, vos rapporteurs veulent souligner la bonne qualité générale de l'alimentation proposée aux Français. Hors de toute politique de la qualité, qui est l'objet du présent rapport, les produits alimentaires vendus en France sont propres à la consommation et d'une qualité générique satisfaisante.

Les signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine – SIQO – permettent de créer de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne alimentaire. Ils encouragent la variété et la diversification de la production. Ils protègent les bassins de production traditionnels, valorisent le savoir-faire des entreprises, et permettent aux producteurs de commercialiser des produits différenciés ayant des caractéristiques clairement identifiables. Ils constituent un excellent instrument favorisant l'accès au marché, notamment pour les entreprises de taille modeste.

La politique publique en faveur des SIQO permet de maintenir la diversité des productions agricoles et, de ce fait, la biodiversité, la variété des paysages et les ressources naturelles. Elle crée de l'emploi et maintient le dynamisme des territoires ruraux, notamment en rassemblant les acteurs locaux sur des projets communs.

Il existe une grande variété de SIQO.

L'appellation d'origine contrôlée (AOC) et l'appellation d'origine protégée (AOP), (appellation européenne) désignent un produit dont toutes les étapes de fabrication – production, transformation, élaboration – sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même zone géographique, qui donne ses caractéristiques au produit. On peut citer les fromages Saint-Nectaire, Roquefort, Fourme de Montbrison ou Comté, et les vins, comme le Bordeaux, le Bourgogne, etc.

Le label rouge, signe français, désigne des produits qui, par leurs conditions particulières de production ou de fabrication, ont un niveau de qualité supérieure par rapport aux autres produits courants similaires.

L'indication géographique protégée (IGP) désigne un produit dont les caractéristiques sont liées au lieu géographique dans lequel se déroule au moins sa production ou sa transformation selon des conditions bien déterminées. C'est un signe européen créé en 1992 qui protège le nom du produit dans toute l'Union européenne. On peut donner des exemples célèbres dans l'agroalimentaire : jambon de Bayonne, riz de Camargue, pruneau d'Agen, Côtes de Gascogne, sel de Guérande, Saint-Marcellin.

Méconnue du grand public, la spécialité traditionnelle garantie (STG) est un signe de qualité européen créé en 1992 qui protège une recette traditionnelle. Sa qualité est liée à une pratique traditionnelle d'un mode de production, de transformation, ou à l'utilisation de matières premières ou ingrédients traditionnellement utilisés dans l'élaboration d'une denrée alimentaire. La France s'est très peu saisie de l'outil STG, mais on peut donner comme exemples français les Moules de bouchot. Hors de France, les STG les plus célèbres sont probablement le jambon serrano et la mozzarella.

La logique de l'agriculture biologique est un peu différente. Il s'agit d'abord de certifier un processus de production respectueux de l'environnement et du bien-être animal, et non un produit.

Quelques chiffres permettent d'illustrer le poids des SIQO au sein de l'agriculture française et européenne.

Avec 215 produits enregistrés au niveau européen (hors vins et spiritueux) au 1er juin 2014, la France occupe la deuxième position en termes de nombre de dénominations enregistrées, après l'Italie (264 produits) et avant l'Espagne (178 produits).

Pour les vins, la France, avec 432 indications géographiques – 357 appellations d'origine contrôlée (AOC) et 75 indications d'origine protégée (IGP) –, se situe également en deuxième position après l'Italie.

En 2012, le chiffre d'affaires à la première mise en marché des produits SIQO – hors produits issus de l'agriculture biologique – s'élevait à environ 20 milliards d'euros, dont 16 milliards pour les vins et eaux-de-vie AOC. Parmi les SIQO non viticoles, les filières les plus importantes en termes de chiffres d'affaires sont les produits laitiers (1,86 milliard d'euros), les volailles (580 millions d'euros), puis les viandes (440 millions d'euros).

Les SIQO concernent 126 000 exploitations, soit une exploitation sur quatre, et plus de 1 000 produits.

En 2012, l'agriculture biologique représentait 4,7 % des exploitations agricoles françaises, et 11 % de la surface agricole en agriculture biologique européenne.

Tout au long de notre mission, nous avons réfléchi avec les personnes auditionnées sur les notions de qualité et d'origine.

Ces deux notions paraissent évidentes en France, où le bien-manger est synonyme de gastronomie. Mais la qualité est conçue dans une grande partie du monde, en particulier anglo-saxon, comme un indicateur avant tout sanitaire. Ainsi, la France, et plus largement les pays du Sud de l'Europe, doivent défendre leur conception de la qualité au sein de toutes les instances internationales dès lors que celles-ci définissent les règles du commerce international.

Nous avons également constaté l'émergence de démarches de qualité principalement définies par le code postal, avec une multiplication des bannières des collectivités territoriales aux cahiers des charges très divers.

Dans le contexte de crises sanitaires – ESB – et alimentaires – je pense aux lasagnes à la viande de cheval –, il existe une demande toujours plus forte du consommateur d'une information claire et sûre sur les produits qu'il consomme. Face au foisonnement de démarches privées utilisant le terme « qualité », l'implication de l'État apporte une garantie au consommateur. Mais le sens même de cette garantie de l'État peut être remis en cause si le consommateur n'associe pas un label à un contenu. Or, la profusion des SIQO, mais aussi l'émergence de nouveaux signes de qualité plus ou moins officiels et plus ou moins connus – bannières régionales et locales, mentions valorisantes – et de marques jouant sur l'image de qualité de leurs produits, entraînent une certaine confusion et la méfiance du consommateur.

Les questions que nous avons été amenés à nous poser sont les suivantes. Quand la profusion de signes de qualité entraîne-t-elle la confusion ? Faut-il de nombreux SIQO sur de petites zones très typiques, ou quelques grands signes structurants plus clairs pour le consommateur ? Dans un contexte de traditions fortes et de grande diversité des modes de production, comment articuler efficacement des SIQO dans un ensemble cohérent sans tomber dans le nivellement ?

Pour répondre à ces questions, nous avons auditionné plus de 150 personnes : agriculteurs et leurs représentants, spécialistes de l'analyse des comportements des consommateurs, associations de protection de l'environnement, associations d'élus, ministères, INAO, DGCCRF, représentants du commerce équitable, UBIFRANCE, etc.

Nous avons également souhaité inscrire notre action sur le terrain, avec deux déplacements qui nous ont permis de rencontrer une trentaine d'acteurs : dans l'Aveyron, grâce à une rencontre avec des producteurs du veau du Ségala et la visite d'un abattoir d'agneaux ; dans la Loire, avec la visite d'une fromagerie fabriquant l'AOC Rigotte de Condrieu, et une table ronde avec les viticulteurs rhodaniens qui produisent les AOP Saint-Joseph, Condrieu, Côte-Rôtie, Château-Grillet.

Enfin, nous nous sommes déplacés à Bruxelles en raison des enjeux européens d'une telle mission. Cela nous a permis d'avoir des échanges très intéressants avec des membres de la Commission européenne, la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne et le Conseil économique et social européen, sur le cadre réglementaire régissant les SIQO, la négociation des politiques commerciales qui peuvent avoir un impact sur les SIQO et le traitement des reconnaissances des signes européens. Ces échanges nous ont permis de faire des comparaisons européennes très éclairantes.

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