Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Réunion du 21 janvier 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel :

Je nourris quelques doutes intellectuels sur le présent texte, tout en saluant l'état d'esprit de ses auteurs. Je relève une contradiction dans le discours de ceux qui sont vent debout contre la proposition car, en affirmant que les entreprises françaises font déjà de nombreux efforts, ils suggèrent malgré eux qu'elles ne seraient pas pénalisées par son adoption.

À la vérité, dans notre pays dont les très grands groupes font parfois travailler à l'étranger, dans le Sud, une division s'observe entre un patronat éclairé, habitué au dialogue social et soucieux de l'avenir de l'entreprise, et un patronat corporatiste et égoïste, dont les vues de court terme trouvent malheureusement quelques échos parmi nous.

Ce ne sont pas tant les moyens juridiques retenus par le texte que son fondement qui me pose problème. Certes, la création d'une présomption quasi irréfragable fait l'objet d'un débat justifié. Si elle existe déjà dans notre droit pénal, elle s'y accroche à des blocs plus consistants et plus solides qu'un simple manquement à un devoir de vigilance. Le texte serait pour le moins perfectible sur ce point.

Mais le problème de fond est que nous serions le seul pays à adopter une telle législation. Le système européen présente de grandes défaillances en matière de responsabilité sociale et environnementale, puisqu'aucune surveillance de la concurrence ne s'exerce sur les entreprises européennes recourant à des travailleurs à bas coût, et a fortiori sur celles qui ne le sont pas. L'absence de dispositif européen, qui me paraît particulièrement dommageable, ne me surprend pas bien qu'elle me meurtrisse.

Ce qui m'empêche définitivement d'adopter la proposition est la référence implicite, dans l'article 1er, à un principe de précaution qui mettrait sur le même plan les dommages sanitaires et environnementaux et les atteintes aux droits fondamentaux des travailleurs. Le groupe écologiste se démarque en cela des députés du Mouvement républicain et citoyen (MRC), qui placent les droits de l'homme et les droits des travailleurs plus haut que les dommages causés à l'environnement. À nos yeux, le développement humain l'emporte sur le développement durable car la planète n'est pas un animal de compagnie : elle mérite d'abord et avant tout d'être sauvée parce qu'elle est habitée par des hommes et des femmes, d'ailleurs susceptibles de travailler dans des conditions inacceptables. Le MRC ne votera donc pas en faveur de cette proposition de loi.

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